Corridas des Fêtes. No Hay Billetes, le premier depuis 30 ans !
 
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Toros de Puerto de San Lorenzo (3 et 4) et La Ventana del Puerto (1, 2, 5 et 6),
 
SEBASTIEN CASTELLA : oreille après avis, oreille après avis et oreille.
 
EMILIO DE JUSTO : saluts, saluts et deux oreilles.
 
Les deux toreros ont été appelés à saluer à l’issue du paseo.
 
L’opposition des contraires est nécessaire à la réussite de spectacles comme les mano à mano, souvent poussifs et parfois ennuyeux. Cela fit hier la saveur et en définitive le succès de ce rendez-vous de Morlanne qui connut, il faut le souligner, un succès populaire qui, avec la réussite de La Brède, devrait clouer le bec à nos adversaires -la corrida fait partout florès, ne leur en déplaise. Cette opposition de style et de personnalité s’est manifestée parfaitement hier avec d’un côté le classicisme rigoureux de Castella et de l’autre, l’entrega brûlante d’Emilio de Justo. On sentait des deux bords mieux qu’une volonté de bien faire, une volonté d’en découdre : de gagner le match. C’était palpable entre les cuadrillas elles-mêmes, en toute correction évidemment. Ce désir de vaincre a sans doute pesé dans l’issue d’une soirée qui a donné du bonheur aux gens. N’est-ce pas l’essentiel ?
 
Le lot “del Puerto” homogène, bien bâti, commodément armé, conforme à une arène de cette catégorie, a fait preuve de noblesse dans l’ensemble. Juste de force, il a manqué parfois de transmission, le troisième a fait une vuelta de campana prématurée qui hypothéqua la suite de son combat. Le sixième fut le meilleur du lot, avec de la race, des charges émouvantes et répétées. Ainsi, on avait gardé le meilleur pour la fin…
 
 
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Castella vise la perfection. C’est cela le Sébastien nouveau : un artiste exigeant qui possède une riche palette dont il fait usage avec rigueur : la bonne impulsion au bon moment, la passe idoine quand elle est nécessaire, ni plus, ni moins ; l’essence du toreo ou, dit autrement, le toreo essentiel. On a pu le voir lors de ses trois passages : il gère tous les moments de la lidia avec autorité, attention et perspicacité et cela vaut pour lui-même, bien sûr, comme pour ses toreros de plata qu’il dirige d’une main de fer. C’est ainsi qu’au moment de la faena il sait parfaitement à qui il a affaire et cet avantage qu’il se donne va lui servir pour bâtir des faenas subtiles, élégantes et engagées.
 
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Ses trois passages ont été marqués essentiellement par son sens du temple qui s’est exprimé de manière spectaculaire face au quatrième. Ses faenas sont allées de menos à más et jamais elles n’ont été heurtées, rarement la muleta ne fut touchée. Le corps toujours parfaitement en phase avec les exigences du combat, le torero biterrois a montré une aisance parfaite face au cinquième toro notamment, dans un moment de pur encimisma, dans les cornes du toro: une petite tape amicale sur le frontal du minotaure déclenchant sa charge. On regrettera des épées souvent tombées car tout cela méritait des conclusions meilleures.
 
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Placé en position de challenger puisque Castella avait coupé une première oreille –malgré une pétition minoritaire-, Emilio de Justo sortit comme un bolide à tous ses toros, débutant par largas à genoux. Il fut d’ailleurs vibrant à la cape, proposant les meilleurs moments de la tarde dans ce secteur. Emilio qui compte de nombreux amis dans la région y est considéré comme une sorte de fils adoptif. Il avait la sympathie du public et sa première faena, décousue certes, connut de bons moments, des séries enthousiasmantes. L’épée (trois pinchazos, une entière tombée) l’empêcha d’égaliser et il ne cacha pas un certain désarroi devant cet échec. Il sut garder debout le quatrième proche de l’invalidité et sauva ainsi l’honneur du président qui n’avait pas voulu le changer.
 
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Avec le sixième, il trouva un adversaire à sa mesure car il faut du répondant pour que le Cacereño exprime toutes ses qualités. Faena émouvante avec des séries parfois bousculées mais portant sur le public par leur émotion. Final réussi avec une série de manoletinas apprêtées et une estocade foudroyante qui lui permit de sortir en triomphe lui aussi.
 
Le public ravi resta longtemps dans les arènes après le départ des toreros y allant de ses commentaires : les uns tenant pour Sébastien, les autres pour Emilio. Joies de la controverse, bonheur du débat: tous les goûts sont dans la nature…
 
(Pierre Vidal – corridasi – Photos : Bruno Lasnier – panneau du no hay billetes : Nicolas Couffignal)