PATRICE
Chacun se doit de déborder.
Pour vivre autre chose.
Que l’ordinaire d’un quotidien sans vague.
Sans la rugosité d’une pierre de lave.
Le tranchant d’un éclat de mica.
Sans le blessant d’un galet de fronde.
Déborder de la vie.
Comme une lave.
En fusion.
Comme un accord.
D’Hendrix.
Un aria de Callas.
Un jeté de jambe.
De Béjart.
Un flagrant délit de Banksy.
Comme l’écriture
De Céline, de Michaux.
D’Artaud.
Dans le toreo.
Il importe aussi.
De déborder.
Comme une belle crue.
Qui fait défaillir.
La raison des digues.
Comme un cyclone.
Dont l’œil.
Caresse le Guadalquivir.
Comme un tsunami.
Venu du fond du ventre.
Du Pharaon noir.
Sans débordement.
Le toreo.
Devient vide.
Mais.
Ce débordement.
A des exigences.
Un courage.
Que physique.
Est une vanité.
Une écume.
Sans vague.
Une passe.
Exempte de sens.
N’en est pas une.
Un remous.
Sur un abîme.
Un trasteo.
De pur aspect.
Reste une coquetterie.
Une brise légère.
Sur un océan déchaîné.
Un abandon.
Calculé.
Une pornographie.
Un préservatif qui flotte.
Sur l’immensité de l’Océan.
Un style.
Exagéré de préciosité.
Un maniérisme.
Un plaisancier.
Qui se voudrait Tabarly.
Une faena.
Comme un assemblage.
Une tromperie.
Un pédalo.
Qui se voudrait caravelle.
Un coup d’épée.
Sans ravissement.
Une faillite.
Un grain.
Qui se voudrait tempête.
Dans l’exercice tauromachique.
Si loin de l’ordinaire.
Et où le convenu de la norme est inepte.
Déborder est difficile.
Mais.
Essentiel.
Et pour déborder un torero.
Doit aller au-delà.
Du seul registre taurin.
Pour lui, déborder sera.
Ouvrir.
Des portes.
Sera.
Interroger moins sur une pratique.
Que sur la vie.
Et faire découvrir.
En elle.
Ce qu’on n’y aurait jamais vu.
Déborder sera.
Faire de l’arène.
Un miroir.
Qui permettra à chacun.
De s’y voir.
Et quelquefois de s’y trouver.
Déborder sera pour lui.
Faire battre des cœurs.
Au rythme de l’interrogation.
Ce sera.
Faire naître.
De nouveaux horizons.
Ce sera.
Dessiner une portée.
Sur laquelle chacun inscrira ses notes.
Ce sera.
Tendre une toile.
A colorier.
Déborder sera pour lui.
Guider la main de l’autre.
Pour tourner les pages de son livre.
Certains toreros.
L’ont compris.
Et ceux-là, disant.
Autre chose.
Que le caricatural.
D’une forme.
Excavant des secrets.
Accouchant l’enfoui et ouvrant des univers.
Existeront toujours.
Alors que ceux de l’étiage du sens.
Du muleteo de plage.
Et des enluminures de monastère.
Bardes de l’accessible.
Castrats du dissimulé et fossoyeurs de l’impénétrable.
N’existeront jamais.
Patrice Quiot