PATRICE
Le bar.
« Il y aura encore de petits bars canailles
Avec des viandes d’Extrême-Orient
Pour abriter ce nouvel an.
De petits bars avec des marins légendaires
Dont les pipes consumeront d’anciens poisons
Des bars légers avec les fumées qui les gonflent
De petits bars évanouis dans l’aube claire.
Des bars où tourne le soleil et son train
Dans la laque rougie et profonde des verres ;
Des bars aux tables animées, aux vitres mortes
Où ne trempera pas le nez des facultés.
Car il y a d’autres poisons pour corroder
L’Arbre Vivant de nos fibres près d’éclore,
Il a des vins violents comme des catastrophes
Que n’ont pas secrétés les vignes d’ici-bas.
Salut ô bar qui nous délivres des poisons
Des misères et des douleurs et des alarmes
En nous jetant dans la nudité de nos âmes
Sur des grèves où les tourments n’arrivent pas.
Un silence te garde et nous protège, un froid
Silence où ne s’égare pas la médecine,
Un silence qui nous guérit dans la morphine
Sans ordonnances ni décrets. »
Antonin Artaud
Datos
Antonin Artaud, né Antoine Marie Joseph Paul Artaud, à Marseille (Bouches-du-Rhône), le 4 septembre 1896 et mort à Ivry-sur-Seine le 4 mars 1948, est un théoricien du théâtre, un acteur, écrivain, essayiste, dessinateur et poète français. Inventeur du concept de « théâtre de la cruauté » dans Le Théâtre et son double, Artaud aura tenté de transformer de fond en comble la littérature, le théâtre et le cinéma. Par la poésie, la mise en scène, la drogue, les pèlerinages, le dessin et la radio, chacune de ces activités a été un outil entre ses mains, « un moyen pour atteindre un peu de la réalité qui le fuit ». Il combattra par de constantes injections de médications les maux de tête chroniques qui le taraudent depuis son adolescence. Cette omniprésence de la douleur influera sur ses relations comme sur sa création. Il sera interné en asile pendant près de neuf ans, subissant de fréquentes séries d’électrochocs.
Artaud, aficionado ?
Une édition espagnole parue en décembre 2021 signée Pedro Marqués de Armas, essayiste et universitaire, rendait compte de textes d’Artaud dans « Antonin Artaud en La Habana ».
L’ouvrage ressemble à une chronique relatant le séjour du Français dans la capitale cubaine.
En tout, trois textes rigoureusement inédits et deux autres à peine connus furent publiés dans les pages de « Carteles y Grafos ».
Artaud, qui avait quarante ans en cette année 1936, avait l’intention de réunir ces articles écrits au Mexique « à la recherche de l’impossible » entre juin et décembre 1936 sous le titre général de « Messages révolutionnaires ».
Ces textes, traduits du français vers l’espagnol : «El Teatro en Mexico», «La Corrida de Toros y los sacrificios humanos» et «Pintura roja» paraissent en juin 1936.
Extraits de « La Corrida de Toros y los sacrificios humanos » :
«… Como los antiguos sacrificios humanos, las corridas de toros son teatro, pero hay en las corridas de toros un elemento teatral que ningún espectador, desde hace mucho tiempo, apercibe. »
« …Hay en ellas (les corridas de toros) el aparato del teatro. Es un drama en tres o cuatro tiempos: la presentación, la acción, la muerte. El torero juega con la muerte, y lo muestra. Ejecuta ante el toro una especie de danza de la muerte. Podría matar al toro enseguida. Juega con la espera del público, y con la impaciencia del toro. Pero eso no es todo, y no es en ello que consiste el verdadero drama. El drama está en la incitación de los instintos. Está en lo que hace el interés de todo espectáculo: una elevación de sentimientos humanos. En una corrida de toros, la pasión del público está en su paroxismo, pero por virtud del gesto mortal del toreador esa pasión ejecuta un acto, y así se descarga. »
Patrice Quiot