«  Heureux qui comme Ulysse a fait un long voyage »écrivait Joachim du Bellay en 1558.
 
Je ne suis pas certain que les ainés présentés à Aignan le 7 avril l’étaient après s’être tapé plus de 1500 km en camion en moins d’une semaine.
 
Ils furent cependant notables por sus buenas condiciones y trapío.
 
Sérieux pour une arène de troisième catégorie, le colorado sorti en premier fut un bon Baltasar ; brave aux équidés, il en prit trois, une pour l’église St Saturnin et deux pour celle de St Jacques de Fromentas. A l’image d’un cacique de l’ancienne SFIO, il vint un peu brusque sur la corne droite et se plut davantage à gauche ; manquant d’un peu de chispa et de transmission, il eut cependant à la muleta une présence de notable au Conseil Départemental et la détermination d’un «Camillo» Guerrero, responsable des maquis espagnols du Gers. Il mourut d’un coup de rapière presque aussi habile qu’une saillie paysanne d’Henri IV et d’un coup descabello du même ordre. Sa dépouille fut applaudie.
 
«Espantavivos» s’appelait le quatrième. Il freina dans la cape, poussa sur la première, s’exprima sur la seconde et attendit aux harpons. Il avait cinq ans, toutes ses dents et sa noblesse qui n’était pas simple dut être réduite par force cautèles. Il périt d’un coup d’épée en toda la ley. Si «Espantavivos» avait eu onze siècles de moins, il aurait certainement pu siéger au Parlement de Gascogne comme rapporteur du parti de l’intéressant compliqué. Le défunt fut honoré des palmas de la demi-arène.
 
Uceda Leal se fit beaucoup accrocher la serviette et ne sut trop quoi faire de la fourchette et du couteau à son premier devant lequel il alla comme un monsieur délicat et légèrement avancé en âge très peu à l’aise en face d’un plat du jour trop poivré à son goût…
 
Il fit état d’une élégante distance et une prudence distinguée devant son second en face duquel il anda comme un señorito de Neuilly sur Seine devant un confit de poule dans un relais routier entre Sabazan et Bétous.
 
Il salua poliment.
 
«Gallito» s’appelait le second ; il ne se livra pas au capote, mais donna deux fois de la voix au cheval avant que sa condition de brave explose à la muleta en particulier sur l’andouiller gauche sur lequel il convenait de ne pas se tromper. Il mourut dans la lenteur attachée à sa race après une estocade entière portée avec foi. Ovationné à l’arrastre, son corps fut emporté par les mules dans le claquement des fouets.
 
Le cinquième était haut, violent dans la cape et bravissimo en deux fois au cheval ; il en porta le stigmate en se réservant à la muleta. Manquant de certitude dans sa charge à droite et plus collaborateur à gauche, il n’en finit pas de mourir.
 
Dorian Canton fut grand d’application et de sincérité.
 
Naturelles lentes de ferveur abandonnée et derechazos profonds d’intelligence à son premier qu’il tua comme il se doit de tuer.
 
Toreo caro fut celui de Canton devant «Gallito» pour une oreille qui en valait deux avec le public de pié.
 
Quite par chicuelinas ajustées façon Camino 1970 à la  Beneficencia et toreo de soie avec la serge sur la dextre à son second dont il ne put se défaire qu’en trois fois avec la rapière et la collaboration du bourreau.
 
Digne il salua au tercio.
 
Poète torero, Gaston Fébus en lumières de Gascogne, sa rondeur forte et épicée d’un Grand-Bas Armagnac m’enchanta.
 
Il sera à La Brède le 22 juin avec les toros de Margé ; à Eauze le 7 juillet avec ceux de Pagès-Mailhan et à Mont de Marsan le 17 du même mois avec ceux du Puerto de San Lorenzo compartiendo cartel avec Morante et Luque.
 
 
 
Le troisième Baltasar à sortir le fit les sabots en avant, baissa la tête dans la cape, en prit deux dans la fureur et fut vif aux harpons ; il chargea de la corne droite la tête basse sur vingt passes et transmit une allégresse de bon aloi avant de se fermer dans un terrain qui ne lui convenait pas. Il mourut la bouche close d’une épée verticale et finit sa vie trainé sous les acclamations.
 
Le dernier de l’envoi avait la présence de quelqu’un de bien né ; il prit le manteau avec gourmandise, dit sa vérité au cheval, fit honneur à Mathieu Guillon aux palos et montra à la muleta un allant au fond quelquefois un peu rêche sur la pointe gauche. Une piqûre et une entière le firent passer de vie à trépas.
 
Christian Parejo a des qualités. Il est déterminé, a du cœur, un début d’expérience et une volonté de bien faire. C’est le cas de beaucoup. Sa geste est sobre, mais  efficace et suffisante. C’est déjà plus rare. Un petit quelque chose de plus, une langueur, un davantage d’abandon, un desgarro de tendresse, seraient les bienvenus pour mettre les larmes aux yeux et faire du chiclanero-biterrois ce qu’il rêve de devenir.
 
A Aignan, il fut silenciado à son premier et coupa une oreille à son second.
 
Il sera à Madrid le 25 mai avec les toros de La Ventana del Puerto et le 15 juin à Istres avec les Victorianos del Río.
 
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DATOS
 
7 avril. Arènes d’Aignan.
 
Corrida des Fêtes de Pâques 2024.
 
6 toros de Baltasar Ibán.
 
Uceda Leal: silence, salut.
 
Dorian Canton: oreille (avis), salut (avis).
 
Christian Parejo: silence, oreille (avis).
 
Président: JC Dabadie.
 
 
Mugron et Aignan.
 
Landes et Gers de toros.
 
Pour une Pâques en buen sabor de boca.
 
Et douze Baltasares de categoría.
 
Si señores !
 
Patrice Quiot