VIC
Trois garçons mal à l’aise face à d’excellents Raso de Portillo…
Samedi 18 mai, matin. Une excellente novillada de Raso de Portillo a ouvert la Feria de Pentecôte à Vic. Même s’il n’y a qu’un seul salut, celui de El Melli avec le cinquième toro, ici on vient voir des toros. Il n’y avait pas de quoi être déçu par ce lot, d’une régularité parfaite, une dizaine de kilos, tout au plus, devaient séparer ces combattants. Le président Alain Darroman a voulu jouer jusqu’au bout la règle des trois piques. Même si les piqueros ont été plutôt discrets avec le troisième châtiment, on a vu quelques très belles, charges, des galops intéressants vers le cheval. C’est un pari gagné.
Toros excellents avec par contre quelques novilleros qui n’ont pas su passer leur agrégation.
Temps nuageux, température agréable, quelques gouttes de pluie, une jolie demi-arène, deux heures vingt de spectacle. Sept novillos de Raso de Portillo, le troisième changé pour boiterie, par un sobrero du même fer. Tous bien présentés, entre trois et près de quatre ans. Le premier, une pique, tous le autres trois châtiments, les seconds, quatrième et cinquième applaudis à l’arrastre.
Álvaro Seseña (bleu roi et or), au premier, un pînchazo deux entières, un avis, silence ; au quatrième, une entière basse, silence.
El Melli (bleu très clair et or souligné de noir) au deuxième, deux pinchazos, trois-quarts de lame, silence ; au cinquième, un pinchazo et une entière, salut.
Jesús de la Calzada (bleu du ciel et or), au troisième, un pinchazo et une entière basse, silence ; au dernier, une entière, silence.
Présidence, Alain Darroman, assesseurs, Richard Campistron et Pascal Bouneau.
On a ouvert les hostilités avec Álvaro Seseña. Deux silences avec une certaine pauvreté à la cape. A la muleta, il n’a pas su toujours se glisser dans le bon sitio. Un mystère pour lui. Aussi après deux passes à genoux, fut-il obligé de rompre ses longs muletazos, sur la main droite, sans trouver plus de réussite sur la senestre ou il fut bousculé… Il revient pour brinder à Etienne Barbazan et ouvre le débat avec des passes à mi-hauteur avec une faena au centre de la piste. Il se contentera bien souvent de la main droite étant obligé de rompre à gauche. Pas commode ces novillos de Raso de Portillo qui ne voulaient pas se laisser faire.
El Melli avait quitté son beau pays de Sanlúcar, pour se faire connaître dans le Nord. A sa première sortie, il eut la chance de croiser une fabuleuse corne gauche et il signa d’immenses naturelles. Un échec à la mort le prive du mieux. Par contre, face à son second, il trouve vite le rythme du toro et s’impose graduellement. Le garçon prend le dessus et utilise souvent sa main gauche avec laquelle il terminera, genoux pliées, muleta aidée par l’épée. Avec sa mise à mort correcte cela valait mieux qu’un simple salut.
Jesús de La Calzada n’est pas un grand capeador. Par contre il a tenté de se rattraper à la muleta en citant de loin avec une bonne première série, mais il fut en difficulté à gauche à part sur la fin de son deuxième adversaire, où il est parvenu à une certaine sérénité.
Deux saluts face aux Cuadri…
Samedi 18, a-m. Première corrida de feria, temps couvert et pluie en fin de course, deux tiers d’arène, deux heures trente cinq de spectacle. Six toros de Célestino Cuadri, admirablement présentés, de deux piques le troisième, à quatre châtiments, le quatrième, pour les autres trois rencontre avec le cheval. Tous très compliqués et agressifs à la muleta.
Fernando Robleño (blanc et argent souligné de noir), au premier, deux pinchazos et une entière, un avis, salut, au quatrième, un pinchazo et une entière, silence.
Esaú Fernández (bleu marine et or) au deuxième, une entière, silence ; au cinquième, une entière basse, un avis et neuf descabellos, silence.
Gómez del Pilar (saumon et azabache), au troisième, trois pinchazos, avis, silence ; au dernier, un pinchazo et une entière, salut.
Présidence, Hugo Lavigne, assesseurs, Guy Bournac et Pascal Darquié.
Vic, feria du toro, ne pouvait mieux respecter sa tradition et son éthique qu’en faisant revenir, après plus vingt ans d’absence, les toros de Cuadri. Force et puissance, deux mots qui peuvent résumer cette course avec trois toreros, parfois débordés par cette caste et cette agressivité.
Des quatre ans s’approchant des cinq années, la difficulté ne fut pas une question d’âge puisque le premier, le plus « malléable », était né en octobre 2019. Robleño, cet habitué des courses dures depuis bientôt un quart de siècle, signa la plus belle faena de la course avec une séquence à gauche particulièrement séduisante. Tout avait commencé sur l’autre main et après un subtil changement se promenait sur la gauche. Beaucoup d’harmonie dans ce jeu avec cet imposant adversaire… Dommage qu’on ne lui ait pas accordé la musique, elle aurait rehaussé ces bons moments.
Par contre, il n’allait pas rencontrer pareil adversaire pour sa deuxième sortie. Ce fut un moment où la technique du maestro, son habitude de vieux briscard lui permit de s’imposer sur le Cuadri qui avait déjà fait trembler le picador avant de revenir trois fois sous le fer. Un toro d’enfer !
Esaú Fernández, qui a pourtant dominé des Victorino et des Miura, se trouva par moment perdu pour maîtriser, cette caste. Certes il signa de fort belles séries sur les deux mains, offrit de superbes pechos. Il montra sa personnalité mais après une entière, l’arène garda le silence. Face à son second adversaire dédié au public, l’équation multiplia les inconnues pour arracher quelques passes. Il termina en pleine difficulté, dans un ensemble brouillon dominé par ce terrible Cuadri qui avait été applaudi à son entrée en piste avant de pousser trois fois sur le cheval. Un sérieux client.
Pour Gómez del Pilar, habitué aux difficultés vicoises, la journée fut de celles que l’on ne veut pas imaginer. Manifestant une belle maîtrise à la cape et beaucoup de combativité avec le dernier toro de la course, il vint se jouer la vie sur les cornes pour dessiner quelques séries débordantes de volonté. Là aussi, un toro à ne pas mettre entre toutes les mains.
Ce retour des Cuadri à Vic était la poursuite de la légende. Six lutteurs, lourds et bien armés poussant fort sous la pique le toro comme on l’aime à Vic.
Ranchero II de Pagès Mailhan gagne la “concours”, héros de la course, Sanchez Vara et Juan de Castilla…
Dimanche 19, matin. Deuxième corrida de Feria, deux tiers d’arène, pluie continuelle, deux heures quarante cinq de spectacle pour cette corrida concours. Un Saltillo, applaudi a l’entrée, trois piques. Un Palha, applaudi à l’entrée, bien armé, trois piques. Un Prieto de la Cal, applaudi à l’entrée, trois piques ou rencontres, applaudi à l’arrastre. Un Veiga Teixera, quatre piques ou rencontres. Un Pagès Mailhan, trois piques. Un Conde de la Corte, quatre piques ou rencontres.
Sanchez Vara (bleu marine foncé et or), au premier, trois pinchazos, avis, vuelta ; au quatrième, un pinchazo et une entière, avis, une oreille.
Octavio Chacón (vert clair et or), au deuxième, quatre pinchazos et une entière, silence ; au dernier, un pinchazo, une entière, six descabellos, silence.
Juan de Castilla (blanc et or), au troisième, deux pinchazos, une entière, salut ; au cinquième, une entière, une oreille.
Présidence : Renaud Maillard, assesseurs, Thierry Faget et Yves Charpiat.
Sánchez Vara et Juan de Castilla sont les deux héros de la corrida concours gagnée par Ranchero de Pagès Mailhan. Un moment d’héroïsme et de courage.
Epouvantable la corrida concours ? Non, Héroïque, avec un double « H », lettre à créer dans l’alphabet vicois. Un dimanche matin où les chiens ne sortaient pas et où les toros auraient bien dormi quelques heures de plus… Une pluie que même les Bretons ne connaissent pas. Mais à Vic où il pleuvait, tout est différent. Et le temps qui pouvait tout gâcher a donné une dimension exceptionnelle à cette course grâce à la volonté des toreros et de leurs cuadrilla qui ont osé prendre tous les risques pour offrir un spectacle complet.
Un drôle de personnage, ce Sánchez Vara qui depuis bientôt un quart de siècle saute d’une pointe de corne à une autre devant les élevages les plus compliqués qui soit. Dimanche à Vic, il fut magnifique, héroïque… Spectaculaire, incarnant très souvent une figure du tragique. Dans cette piste transformée en bourbier, il n’hésitait pas à se jeter à genoux pour les premières passes de sa faena avant de nous étonner par quelques somptueuses naturelles. Mais il fallait dominer ce Saltillo, ce qu’il fit par d’interminables muletazos. Il avait aussi su prendre les bâtonnets avec élégance. Malgré une mise à mort chaotique, le public lui accorda une vuelta. Transfiguré par ce premier succès, le Madrilène revint avec un impeccable tercio de cape, puis demanda une chaise pour offrir quelque banderilles et tout cela dans la boue, quand les zapatillas sont à jeter. L’homme flirtait avec la légende et après quelques naturelles aidées coupait une oreille. Sánchez Vara, un héros dans la boue.
Juan de Castilla voulait être au cartel de cette course, aux prix d’une organisation compliquée pour arriver à Madrid, quelques heures plus tard, pour rencontrer des Miura. Il commençait avec ce vieux sang assassin de Prieto de la Cal. C’est lui qui attaquait, comme un fantassin quittant sa tranchée pour monter à l’assaut et finissait avec des naturelles accompagnées par les olés du public. L’homme saluait… mais maintenant, il allait croiser un toro de Camargue, un certain « Ranchero » qui avait grandi auprès des ruines romaines d’Arles. On avait vu l’animal dans un somptueux troisième galop vers les cheval ou il gagna sûrement sa victoire dans le concours… Mais désormais, c’est Juan de Castilla qui prenait le commandement en se jetant à genoux dans la boue vicoise pour débuter une faena qui ne cessait de grandir en émotion et qui s’accompagnait de la musique. Une estocade comme on ne les croit plus possible et l’oreille que l’on aurait voulu double. Le deuxième héros de l’arène de Vic venait de naître.
Octavio Chacón, malgré de bons moments, fut un peu terne comparé à tant d’héroïsme.
Deux toreros qui ont apporté une immense dimension à cette corrida concours.
Vingt et une piques pour les Dolores Aguirre; Luis Gerpe coupe une oreille…
Dimanche 19, a-m. Troisième corrida de feria, arène bien fréquentée, course sous les nuages mais sans pluie, deux heures trente de spectacle. Six toros de Dolores Aguirre Ybarra, tous très bien présentés, lourds, redoutablement armés, au total vingt et une piques, trois, pour les trois premiers, quatre châtiments pour les trois autres. Toujours très compliqués à la muleta. Un immense lot de toro avec le premier, deuxième et sixième applaudi à leur entrée, le quatrième applaudi à l’arrastre et le dernier primé d’une vuelta.
Alberto Lamelas (bleu ciel et or), au premier, une entière basse, silence ; au quatrième une entière basse, silence.
Damián Castaño (bleu marine et or), au deuxième, un pinchazo et une demi-lame, salut, au cinquième, une entière et trois descabellos, silence.
Luis Gerpe (vert et or), au troisième, un quart de lame, un pinchazo, une entière avis, salut ; au dernier, une entière, une oreille.
Président Bernard Sicet, assesseurs, Mathieu Cazalet et Lorenzo Cuello.
Une corrida qui meublera longtemps la mémoire des aficionados… Des toros de Dolores Aguirre Ybarra en provenance directe de l’univers de Goya, surtout les trois derniers. Des luttes épiques face aux picadors. Des hommes qui ont été obligé de se surpasser, peut-être même de surmonter leur peur, de ces corridas éternelles qui nous rappelle l’éthique de la tauromachie.
La pluie du matin avait enfin cessé permettant de refaire la piste en un temps record, oublié le bourbier du matin lorsque jaillit en piste Caracorta, sérieux mais pas immense il allait poser de sérieux problèmes à Alberto Lamelas. Le petit Madrilène fut souvent obligé de rompre de se replacer avant de pouvoir signer une belle série à la fin de sa première faena. Lorsque le garçon vit surgir son second opposant, il a dû penser qu’il portait bien son nom « Carafea », En fait une sale gueule, avec des cornes à toucher les nuages, un gabarit d’enfer, haut et long à n’en plus finir. Mais Alberto ne renonça pas, fit passer le grand frisson avec des passes dans le dos et finit par s’imposer sur l’animal. Mais quelle sale gueule pensait le torero en regagnant le callejón.
Les choses ne furent guère plus simples pour Damián Castaño avec un premier toro qui lui laissa quelques chances de réussite sur les deux mains. Il fut très harmonieux et dans un rythme très lent avec pareil animal. Il fut plus réservé avec le cinquième. Très vite en difficulté, avisé à plusieurs reprises, il décida d’en terminer rapidement.
Luis Gerpe se fait souvent rare, passons rapidement sur sa première sortie avec tout de même quelques jolies passes sur les deux mains, des muletazos interminables qui s’alanguissaient sur le sable. Mais lui, Gerpe, trouva toute sa dimension avec le dernier, un certain Perdigó,n qui avait allègrement pris quatre piques. Soudain, il monta sur les cornes, déplia la muleta, et sur la main gauche toréa avec calme et lenteur, étonnant de voir le monstre se plier à ce rythme. Il avait ouvert avec quelques passes de châtiment rageuses et terminait avec un temple étonnant. Soudain l’épée surgissait et clouait l’animal. Luis Gerpe coupait la seule oreille de la course. Mais hier dimanche, à Vic, il y avait du toro, rien que du toro. Un dernier salut du mayoral et l’on range cette course au premier rang de nos mémoires d’aficionados.
Corridasi