« Travaillez, prenez de la peine.
C’est le fonds qui manque le moins… »
 
Le Laboureur et ses enfants (1668).
Jean de La Fontaine (1621/1695).
 
A peine la moisson terminée.
Déjà, il bêche.
Déjà, il creuse.
Déjà, il travaille.
 
Comme un qui connait sa terre.
Bernard le laboureur pense déjà à ce qu’il serait bon de faire.
Pour que la récolte de l’année à venir.
Soit plus belle encore.
 
Conviendrait-il de sarcler autrement ?
D’amender différemment la terre ?
De piocher à d’autres endroits ?
Conviendrait-il d’essayer de nouvelles semences ?
 
« Remuez votre champ dès qu’on aura fait l’Oût.
Creusez, fouiller, bêchez ;
Ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse. »
 
Dans ses nuits de peu de sommeil, Bernard le laboureur réfléchit.
A ces épis noirs ou roux dont les épillets sont des cornes.
Seront-ils d’orge, d’avoine ou de seigle ?
Seront-ils tendres ou épineux à leurs mains ?
 
Dans ses nuits de peu de sommeil, il réfléchit aussi.
A ceux qui les faucheront.
Devront-ils être des maitres de la fenaison ?
Ou des jeunes pousses de blé en herbe ?
 
Sur son carnet Bernard le laboureur a noté.
Comment mieux régler la charrue pour tirer des sillons plus droits.
Comment donner plus de grain à moudre au meunier.
Et à la farine une espérance de bon pain.
 
Sur son carnet Bernard le laboureur a noté.
Le danger des intempérances de certitude.
Le risque de se tromper.
Et la foudre qu’engendrerait l’échec.
 
Sur son carnet il a aussi noté les chiffres.
De la difficile contingence d’un ordre économique.
Qui exige de faire beaucoup.
Avec peu.
 
Pour pouvoir régler rubis sur l’ongle.
Avec les uns comme avec les autres.
Ce qui sera convenu d’un simple apretón de manos.
Dans les halles au grain du campo ou des despachos.
 
Et même s’il sait que l’expérience.
Des étés précédents
Le guidera.
Dans le choix de ce que qu’il fera l’été prochain.
 
Pour faire lever les tendidos.
Quand de la porte du toril sortiront les fruits de son travail
Et faire applaudir à tout rompre.
Ceux qui seront là pour les tuer.
 
A peine la moisson terminée.
Déjà, il bêche.
Déjà, il creuse.
Déjà, il travaille.
 
Secret.
Mais l’esprit aiguisé comme la lame d’une faux.
Inquiet.
Mais sachant interpréter la couleur des nuages.
 
Ainsi va.
Ainsi agit.
Ainsi pense.
Bernard le laboureur qui, d’une humble pâture a su faire un champ de gloire.
 
Je suis certain que s’il l’avait connu.
Jean, le fabuliste de Château-Thierry qui écrivait « que le travail est un trésor ».
Aurait apprécié celui que, depuis dix-sept temporadas.
A donné à voir Bernard Carbuccia, le laboureur d’Istres…
 
Patrice Quiot