Les gens sans esprit ressemblent aux mauvaises herbes, qui se plaisent dans les bons terrains, et ils aiment d’autant plus être amusés qu’ils s’ennuient eux-mêmes.
 
 Honoré de Balzac / Le Curé de Tours.
 
 
Chasser le taureau est une activité cynégétique pratiquée depuis l’Antiquité dans la péninsule ibérique.
 
Comme chasser le lièvre ou le tourdre dans la garrigue.
 
Strabon, historien grec né en 58 avant J-C, raconte que les peuples de la Lusitanie avaient coutume de combattre le taureau à cheval. 
 
Ce qui n’était pas le cas dans la garrigue pour le lièvre et encore moins pour le tourdre.
 
Diodore de Sicile rapporte le sacrifice fait à Héraclès de taureaux qui deviennent alors des animaux sacrés.
 
Comme les bartavelles de l’oncle Jules et de Pagnol.
 
Les historiens de la tauromachie s’accordent à dire que l’on ne peut dater de façon certaine l’apparition de celle-ci.
 
Comme on dit du coté de Cordoue, chez Rafael Guerra : «Lo que no puede se’, no puede se’, y además es imposible. »
 
Beaucoup restent prudents sur la datation de l’évolution des « jeux de village en des fêtes ordonnées, avec une réglementation et des codes ». 
 
A Arles, ça a commencé en 1402 ; peut-être vers Barriol, Trinquetaille ou Le Trébon.
 
On trouve des traces de fêtes tauromachiques royales avec des cavaliers dès 815 en Espagne.
 
Un an après la mort de Charlemagne, peuchère.
 
C’est dans la zone des Pyrénées qu’a fait souche un des derniers troupeaux des aurochs qui couvraient le continent euro-asiatique.
 
Ça fera plaisir à la famille Malabat ou à Jean-Louis Darré d’apprendre que les ancêtres de leurs pensionnaires étaient des aurochs avec des yeux comme des persiennes.
 
Mais c’est sur le versant sud que les conditions géographiques et économiques propres à la péninsule ibérique ont permis que la race de taureaux sauvages soit le mieux préservée.
 
Il n’y a pas que la race des taureaux sauvages qui a été préservée. Je pense en particulier à la façon d’accommoder les pois chiches, les espinacas, la morcilla et les boquerones ou à la manière de vinifier le cépage «Palomino».
 
Bien avant d’être le privilège de la noblesse espagnole à cheval, la tauromachie était un jeu de paysans, avec des jeunes qui s’amusaient à défier les taureaux sauvages.
 
Vive les paysans, vive les ovejas du queso manchego et vive la main gauche de José Antonio Campuzano qui jadis en fut le berger.
 
Sur le versant Nord des Pyrénées, on trouve trace d’une course de vaches à Moumour, dans l’actuel département des Pyrénées-Atlantiques, dès 1469.
 
A 2,5 kms de Moumour, à Ledeuix (64400), il y a un restaurant qui s’appelle « La Chenaie » où ils font la garbure.
 
Du côté de la Camargue, on signale entre 1530 et 1570, la présence d’un capitaine de Ventabren « qui ne craignait point d’attaquer les taureaux furieux de Camargue ».
 
Au chemin de Ventabren, à Nîmes, le prix moyen du m2 d’une casa est établi à 2521€.
 
Cependant la tauromachie codifiée, ancêtre de la corrida de rejón, a bien été d’abord l’apanage d’une noblesse cavalière, les « caballeros en plaza », dès le XVIe siècle en Espagne. Elle était pratiquée essentiellement en Andalousie et en Navarre.
 
Comment dit-on « Cataclop, cataclop » en noblesse cavalière espagnole ?
 
Le traité de Dom Duarte, « Livro da ensinança de ben cavlager toda sela », écrit vers 1434, est considéré comme la première codification de la tauromachie équestre.
 
Je ne suis pas certain que le bouquin ne soit pas passé entre les mains du collectionneur qu’était l’ami Jean-Louis Lopez.
 
Puis l’on cessa de faire appel au « mata-toros », personnage venu des Pyrénées, qui se chargeait de la mort du taureau. Ce mata-toros issu du Nord et du peuple allait devenir dès le XVIIe siècle le personnage principal d’une nouvelle forme de tauromachie, la corrida à pied, qui allait ravir la vedette à la corrida de rejón.
 
Es pas leù.
 
Selon Corry Cropper l’expansion de la corrida à pied correspond à « une prise de pouvoir par le peuple ».
 
« Prise de pouvoir par le peuple ». On se croirait au « Prolé »…
 
A l’appui de son analyse, il cite « La Tauromachie, art et littérature.» de François Zumbiehl.
 
Si Corry cite François, on ne risque rien.
 
En France, de l’autre côté des Pyrénées, la tauromachie était restée aux mains du peuple. C’était essentiellement une tauromachie à pied qui s’est développée par la suite sous plusieurs formes de jeux, essentiellement athlétiques, à partir du XVIIe siècle.
 
Rendons donc la tauromachie au peuple comme ne disaient ni Montherlant, ni Cañabate, ni Popelin. Et comme ne disent toujours pas et ne diront jamais Barbara Pompili, Renaud, Cabrel ou Aymeric Caron.
 
On observe que la corrida chevaleresque et la tauromachie populaire se conçoivent aujourd’hui comme des spectacles, dans un cadre festif, qu’il s’agisse de célébrer un événement ou une fête locale annuelle.
 
Il est certain qu’elles ne peuvent pas être considérées de la même façon qu’un concours de «Scrabble» ou qu’elles clôturent rarement un enterrement.
 
Quoique, dans ce dernier domaine, il vaut mieux avancer masqué…
 
Patrice Quiot