PATRICE
La veille j’avais déjeuné à Pouillon chez un très vieil ami de lycée. Maison de campagne héritée des parents, tableaux aux murs, mobilier de style, couverts monogrammés au chiffre des pères et mères et douceur campagnarde.
Un autre monde ; un «Malagar» landais habité par un vieux gaulliste de pura cepa, dévot de Michel Debré et Maurice Couve de Murville qui avait fait ses humanités à Nîmes et partagé les bancs de la communale avec Simon.
On ne parla pas de toros, mais de nos parents et du Nîmes de l’époque et de notre jeunesse ; on déjeuna de melon de Cazères sur l’Adour, de merlu de St Jean de Luz a la plancha, de fromage de brebis d’Hasparren et de sorbet à la pêche de vigne et on arrosa le tout de rosé de Tavel et de Chassagne Montrachet et après le café «Blue Mountain », on se sépara avec en bouche la rondeur d’un Bas Armagnac de son année de naissance et le plaisir de s’être revus.
Plus tard, à Hossegor au bord de l’océan, un coup de téléphone m’apprit la mort de Pepe Luis Vázquez Silva.
Le lendemain matin, autour des arènes de Tyrosse, le concours d’omelettes ouvrit le ban de la journée, l’odeur de la graisse de canard, des piquillos et de la cebolla s’harmonisant au rythme des cuivres des bandas bondissantes en espadrilles et banderoles.
Landes de toujours.
Dans le patio de caballos, la plaque qui rappelle le souvenir de Philippe Gomez «Philo» me ramena au début des seventies et à Alain Chantefort. Ensemble, il y a plus de cinquante temporadas, ils créèrent le Cercle Taurin Tyrossais et ce 27 juillet 2024 à 11h23, comme un quite à la transmission des valeurs, en face de la plaque commémorative, Rafael Perea «El Boni» aidait Léo Pallatier, le fils de Loren, à nouer son capote de paseo.
Profitant de la gratuité de l’acto, un public nombreux, joyeux et libre était là.
Les deux erales de «La Espera» de JF Majesté embestirent sans trop de classe, mais se laissèrent faire ; Victor montra des manières de bienséance et Léo me plut par sa lenteur capoteril, son statisme géométrique et le poder de son poignet.
A la table du déjeuner, je retrouvais Léo, Loren, «El Boni», Diego le colombien, des jeunes filles en fleurs, des femmes dont les yeux brillaient et un inconnu qui dans une vie antérieure avait construit des avions. Avec Léo on évoqua ce qu’était une langue maternelle, avec le Boni son attachement à Madrid et son apoderado guatémalco-autrichien qui lui faisait lire Kant et avec le constructeur d’avions, les frères Wright et le Concorde ; tous ensemble nous fîmes honneur à un encierro de tapas charcutières et à de multiples bouteilles de vin de St Mont.
Il faisait chaud.
On était entre amis.
Une fin de juillet d’un été que j’aime.
Plus tard, assis sur un banc, «Zocato» me parla des lustres à pampilles de Versailles et d’un lustre cage de couleur orange qu’il avait acheté à Séville.
A suivre…
Patrice Quiot