Après plusieurs années de silence, Andy Younes a revêtu le costume de lumières la semaine dernière aux Saintes. Un retour dans les ruedos qui s’est soldé par des sensations positives face aux Pedraza de Yeltes, qui ne sont pas les premiers venus, même si les conclusions avec l’espada ne lui ont pas permis de sortir en triomphe. Mais pour un jeune diestro longtemps éloigné de la pratique du toreo en public, l’essentiel n’était pas là, mais bel et bien dans le ressenti. Comme une sorte de test, afin de se jauger et de faire le point sur ses dispositions. Au final, des gestes retrouvés, et en ce sens, cette course des Saintes lui aura apporté quelques réponses plutôt encourageantes pour l’avenir. C’est ce qu’il m’a raconté ce mercredi dernier lors de son entrainement dans les arènes de Fourques…
 
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« Ce que je retiens de ces trois dernières années, c’est que j’étais arrivé à la croisée des chemins, me demandant même si ça valait encore le coup de continuer. Je suis toutefois arrivé à la conclusion que pour moi, vivre sans toros était au-delà de l’imaginable ! Donc j’ai essayé de retourner un peu à l’aventure, me préparant pendant un an avant d’avoir la perspective de cette corrida des Saintes. 
 
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En 2022, j’ai coupé l’entrainement quand les arènes de Mexico ont fermé, alors que je devais y être engagé. J’ai fait deux tentaderos chez Fano et j’ai toréé des camarguais avec mon ami Pierre Mailhan et c’est à peu près tout ! Puis j’ai repris avec le novillero Victor. On avait le même mozo de espadas et c’est lui qui nous a mis en relation. Avec lui, ça a très bien collé dès le début et même si pendant un an je me suis entrainé de salon sans réelle perspective, ça m’a rendu le moral. Victor avait plusieurs engagements, et le fait de m’entrainer avec lui, même si je n’avais rien, a étayé ma motivation. De là, il s’est dit dans le milieu que je m’entrainais sérieusement et régulièrement, et de fil en aiguille, j’ai eu cette opportunité des Saintes.
 
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Fondamentalement, je suis toujours le même, sauf qu’il y a eu ces trois années blanches au cours desquelles j’ai gagné en maturité, dans la manière d’appréhender la tauromachie, et de façon plus générale, la vie. Je crois que ça s’est ressenti dans mo toreo car pas mal de monde a pu constater ma quiétude devant tout de même des toros de respect, réputés pour leur carcasse, leur hauteur et leur volume…
 
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En fait, quand j’ai appris la nouvelle de mon inclusion dans ce cartel, j’en ai été très heureux, c’était pour moi comme une bénédiction et ça a représenté une grande motivation. Même si c’est une ganadería torista, elle m’a toujours plu. Je savais que ce que j’allais produire allait être valorisé par la grandeur des toros, donc j’y suis allé avec confiance et sérénité. 
 
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Au patio de caballos, en retrouvant cette atmosphère des jours de corridas qui m’avait tant manquée, ça m’a carrément boosté. J’étais très heureux d’être là et après le paseo, c’était comme si je n’étais pas parti pendant trois ans ! Sur le sable, mes sensations face au toro sont revenues de suite, c’était quelque chose de très important pour moi après ce vide. J’ai eu la réponse au fait de me poser la question sur mes capacités et c’est bien ce qui aujourd’hui va encore plus me motiver pour la suite…
 
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Pour revenir à cette corrida, j’ai réussi à péguer quelques capotazos à mon premier comme j’en avais envie, et à la muleta, il s’est passé quelque chose de curieux et d’imprévisible… En effet, alors que j’avais attendu trois ans pour redonner les premiers muletazos, le Pedraza a fracassé les planches et a pris la fuite !!! Revenu en piste, le toro avait encore beaucoup de qualités, mais il avait des forces limitées. Comme ils sont grands, il ne faut pas trop les déplacer, afin qu’ils ne chutent pas, mais il faut aussi parvenir à les faire passer. Je crois y être arrivé par moments, avec toujours la volonté de toréer le plus lentement possible et ne pas trop me focaliser sur le fait d’avoir à couper les oreilles. J’étais vraiment dans l’optique de donner une nouvelle image de moi et c’est ce que j’ai réussi à faire, beaucoup de gens ont été surpris, réussissant notamment de bien le toréer à gauche. A l’épée, j’ai pinché deux fois « en lo alto », puis j’ai mis un bajonazo. L’oreille s’est donc envolée, mais l’image que j’ai essayé de donner auparavant a été pour moi un réconfort, d’autant plus que j’ai bien ressenti une bonne connexion avec le public. J’avais rarement éprouvé une transmission aussi forte avec les aficionados et cela, bien sûr, ne pouvait que me réjouir. 
 
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Le second me plaisait beaucoup, mais je sentais qu’il allait avoir moins de race. Il est sorti avec sa noblesse, mais avec peu de forces et de recorrido. La seule manière de me justifier était de ne pas le faire tomber, de trouver la lidia adéquate et quand c’était le moment, de me rapprocher le plus de lui afin de me justifier, ce que j’ai réussi à faire par moments. Là aussi, la conclusion a été déficiente, mais si je considère l’ensemble de ma prestation, ça reste positif. Avec ce qui me parait le plus important, l’estime des professionnels et du public. Beaucoup de gens ont compris ma situation et ça m’a fait plaisir de voir la validation qu’ils m’ont exprimée, c’est en quoi j’espère que ça va m’aider à me positionner peu à peu sur le marché.
 
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Concernant l’avenir, je n’ai pas vraiment de promesses, mais j’ai bon espoir de pouvoir intégrer quelques cartels. Si c’est en début de temporada, ce sera encore mieux quand on sait que tout se boucle très tôt. Je ne sais pas vraiment quelle est ma place dans la tauromachie, mais ce que je sais, c’est que je ne mérite pas vraiment ma place actuelle ! En revanche, pour revenir aux Saintes, ce que je voulais surtout, c’était d’impacter auprès des professionnels et des aficionados, davantage que de me focaliser sur les trophées. 
 
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Il est certain que cette corrida a représenté pour moi un déclic et sans aucune prétention, elle m’a permis de savoir où j’en suis ! Si tu te mets devant les toros et que ton corps te dit non, tu vas droit à l’échec.  Le mental ne suffit pas, et là mon corps a répondu, c’est évidemment ce qui à présent me rassure. Aux Saintes, j’étais très heureux de partager un cartel avec un torero aussi talentueux que Clemente qui m’a un peu poussé dans mes tranchements et qui m’a forcé à me dépasser dans une saine competencia…
 
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En ce qui concerne mon entourage, je n’ai pas d’apoderado à proprement parler, mais j’ai été très bien entouré, notamment avec Alexandre Clauzel, le père de Victor. Puisque je m’entraine avec son fils, notre contact est fréquent et c’est pour moi un apport important. Tout comme ma cuadrilla, avec Mehdi Savalli, Mathieu Guillon et Manolo de los Reyes, ainsi que mon ami Charles, plus connu sous l’apodo de Carlos Olsina. Donc, voilà, je n’étais pas seul et tous ces soutiens sont pour le moins réconfortants. Bien sûr, je souhaiterais avoir un apoderado, mais ce n’est pas une obsession. Je suis maintenant conscient du chemin que j’emprunte, ça ne va pas être facile, mais je suis prêt à être patient… »
 
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Patient, Andy l’a déjà été. Aux Saintes, de l’avis général, il a montré qu’il était disposé à faire tout autre chose que de la figuration. Avec talent et décision. Et même s’il ne faut pas demander la lune après trois ans d’interruption, avec l’entrainement soutenu qui est le sien et sas ganas, on peut espérer que le geste à l’épée reviendra afin d’encore mieux remater ses faenas. Pour des lendemains encore meilleurs. Suerte, Andy !!!