Camino fut une immense figura sans doute la plus grande figura qui restait encore de ce monde avec El Viti. El Cordobés, Curro Romero et Rafael de Paula sont encore là, bien vivants, mais sans doute avec une image et une dimension plus mythique. J’aime collectionner la presse au lendemain du décès d’une célébrité. Qu’une disparition touche une personnalité politique, littéraire, sportive ou taurine, les journaux s’attachent à rendre hommage au travers de biographies bien souvent très complètes. 
 
Au lendemain de la mort de Paco Camino, un ami mien de Séville m’acheta la presse locale. Diario de Sevilla, ABC, AS. Sur ces trois périodiques réputées et sévillans de surcroît, seul le Diario consacre un quart de sa « Une » au départ du Niño Sabio. La mort d’un torero, qui plus est d’un figurón comme Camino, aurait fait la couverture entière d’un journal il y a encore peu. « Ha muerto Manolete » ; « la tragica fiesta nacional : Cogida y muerte de Manuel Granero » ; « un gran artista que desaparece Joselito muerto por toro en Talavera » ; « Avispado mató a Paquirri en Pozoblanco »: « Burlero partió el corazón del Yiyo » ; « cornada mortal a Iván Fandiño » tels étaient les gros titres, en pleine page. Il s’agissait là d’un prélude à des articles de fond d’une grande richesse. Pour ce pauvre Camino, il faut attendre les dernières pages, juste avant la météo, l’horoscope et la recette de la tía Pepe, pour lire deux articles sans beaucoup d’intérêt dans le Diario et itou dans l’ABC qui prend soin, toutefois, de rappeler quelques grandes dates de la carrière du torero de Camas et de faire témoigner El Viti, El Soro et César Rincón. Nada más. 
 
On regrette là la disparition des journaux taurins comme 6 Toros 6 et ses excellents numéros spéciaux ou la version papier d’Aplausos qui commettait de véritables nécrologies taurines d’une richesse inouïe. Heureusement que chez nous, il reste encore des publications de grande qualité comme la page de Durand, véritable bouffée d’air frais en ces temps de canicule ; Semana Grande et le travail, digne d’un moine bénédictin, de Marc Lavie dans un numéro dédié à Camino digne travail de l’universitaire qu’il est. On attendra avec intérêt Toros et plus tard Toro Mag. La mort des toreros n’intéresse plus, ainsi que la presse écrite. Il n’est pas étonnant de voir le public changer et la corrida évoluer. Un peu de culture ne fait toutefois pas de mal, sauf si elle disparaît. Ne comptons pas sur l’intelligence artificielle pour relever le niveau…
 
« Un peuple sans culture est un peuple sans âme. »
 
Jean-Charles Roux