PATRICE
Le mercure humilie.
Le matin met la tête d’une façon plus lente.
Et le soir veut rentrer au toril.
Déjà les feuilles des arbres prennent le poil d’automne.
Déjà le ciel sonne du sombre d’une seguiriya.
Et déjà le chant des oiseaux n’est plus al compás.
On range dans l’armoire le terno blanc de l’alternative du printemps.
Bientôt les grues feront leur paseo d’automne.
Et le tinto de verano a clôturé sa saison.
« Hier, la nuit d’été, qui nous prêtait ses voiles,
Était digne de toi, tant elle avait d’étoiles !
Tant son calme était frais ! tant son souffle était doux ! ».
La sève circule moins vite dans les oliviers de Jaén.
On range les géraniums des patios.
Et l’œillet disparait de la bouche des gitanas.
Les cartables de la rentrée
Ne sont pas du cuir des esportónes.
Et le papier des cahiers pas celui qu’on jette au vent des plazas.
Les feuilles mortes de Prévert se mouillent à la pluie.
Qui mascare le sable des pisos.
Et la nuit vient plus tôt.
« Il n’est rien sous le ciel qui n’ait sa loi secrète,
Le pêcheur a la barque où l’espoir l’accompagne,
Les cygnes ont le lac, les aigles la montagne. »
Bientôt Valladolid.
Alcañiz, San Martín de Valdeiglesias.
Et Utiel ou Guadalajara.
Avant Almodóvar del Campo, Logroño, Albacete.
Alcalá la Real, Algemesí, Madrid.
Et la San Miguel ou Úbeda.
Quant à Arles et à Nîmes.
Les burladeros ont été démontés
Et les pendules arrêtées.
« Les grands arbres d’où tombe avec un bruit très doux
L’adieu des feuilles d’or parmi la solitude,
Sous le ciel pâlissant comme de lassitude. »
La garrigue devient froide.
Les terrasses des bistrots ont rangé leurs tables.
Et les premières neiges blanchissent les Algodonales.
Les écharpes se lient aux cous.
Le pull de laine fait le quite à la camiseta de lin.
Et le puchero à la table de la cuisine remplace le loup grillé de la plage.
Les prévoyants ont rempli les cuves à mazout.
Les mendiants ont pétassé leurs gants.
Et les maletillas pensent aux tentaderos de Salamanque.
« Le vol des guêpes d’or qui vibrait sans repos
S’est tu ; le pêne grince à la grille rouillée ;
La tonnelle grelotte et la terre est mouillée. »
Les ombres s’allongent.
Les compteurs kilométriques des coches de cuadrillas tournent moins vite.
Et la mélancolie remplace le pathétique.
La plage de l’Espiguette se vide.
Les moustiques s’endorment.
Et à Chipiona se acabó la temporada veraniega.
« L’étendard de l’été pend noirci sur sa hampe.
Remonte dans ta chambre, accroche ton manteau ;
Et que ton rêve, ainsi qu’une rose dans l’eau, s’entrouvre au doux soleil intime de la lampe ».
Les premiers rhumes remplissent les consultas médicas.
«Mundotoro» fait des synthèses.
Et on relit Pagnol.
Quand l’été va aux planches…
Patrice Quiot