PATRICE
Europe, fille d’Agénor et de Neilos, était une jeune femme d’une très grande beauté au teint de peau si exceptionnel qu’on la soupçonnait d’avoir volé le fard d’Héra.
Pour la séduire, Zeus se métamorphosa en un taureau blanc, surgit de la mer et s’approcha doucement de la belle Europe qui jouait sur la plage de Tyr ou elle cueillait des fleurs avec d’autres filles.
Mais laissons à Ovide le soin de raconter :
« Après avoir abandonné son noble sceptre, l’illustre père et maître des dieux, à la droite armée de la foudre à triple pointe, et qui d’un signe de tête ébranle le monde, revêt l’apparence d’un taureau, et, mêlé aux génisses, mugit et se promène, magnifique, dans l’herbe tendre. Oui, il a la blancheur de la neige qui n’a pas été piétinée par des pieds aux pas lourds et que n’a pas fondue l’humide Auster. Les muscles de son cou ressortent, son fanon pend sur ses épaules ; ses cornes sont petites, certes, mais on pourrait dire qu’elles sont façonnées à la main et plus diaphanes qu’une perle pure. Son front n’est pas menaçant, et son regard pas redoutable ; sa face respire la paix. La fille d’Agénor est pleine d’admiration, parce qu’il est si beau, parce qu’il n’est ni menaçant ni combatif. Mais, si doux soit-il, elle craint tout d’abord de le toucher. Bientôt elle s’en approche et tend des fleurs vers son mufle éclatant. L’amant s’en réjouit, et, en attendant que vienne le plaisir espéré, il lui baise les mains ; il a du mal déjà, du mal à différer le reste. Tantôt il joue et bondit dans l’herbe verdoyante, tantôt laisse son flanc de neige reposer sur le sable jaune. Quand la crainte peu à peu a disparu, il offre à la jeune fille sa poitrine à caresser ou ses cornes à entraver de fraîches guirlandes. La jeune princesse, ignorant sur qui elle s’appuyait, osa même s’installer sur le dos du taureau. Alors, insensiblement, le dieu s’éloigne de la terre ferme et du rivage, posant ses pas dans les ondes du bord, en une marche trompeuse, puis il s’éloigne davantage, emportant sa proie au large des mers. La fille est épouvantée et, emportée, elle regarde derrière elle le rivage délaissé ; de sa main droite elle tient une corne de l’animal, et pose l’autre sur son dos ; son vêtement s’agite et ondule au vent. »
(Métamorphoses, II, 833-875).
C’est ainsi que Zeus-taureau emporta Europe.
Poséidon qui assistait à la scène avec son épouse Amphitrite calma la mer, effaça ses vagues puis indiqua à son frère la direction à suivre pour atteindre la Crète et, tandis que des Néréides chevauchant des dauphins, que des tritons et beaucoup d’autres créatures marines entouraient la jeune princesse, dansaient et chantaient pour la rassurer et la divertir, Aphrodite portée dans une conque par deux Tritons accompagnait la procession en répandant des fleurs sur la jeune femme de Tyr.
Quand Zeus-taureau atteignit l’embouchure du fleuve Léthé près de Gortyne, il reprit une forme humaine et s’unit à Europe sous l’ombre d’un platane à feuilles persistantes.
Déshonorée, Europe ne cessait de se lamenter mais Aphrodite qui l’écoutait lui fit comprendre que devenir la maîtresse de Zeus serait le point de départ d’un grand destin pour elle et les enfants qu’elle mettrait au monde.
De l’union entre Europe et Zeus naquirent trois enfants mâles: Minos, Sarpédon et Rhadamanthe.
Pour la récompenser, Zeus nomma Europe la quatrième partie encore inconnue du monde de l’Antiquité.
Datos
Ovide, en latin Publius Ovidius Naso, né en 43 av. J.-C. à Sulmone dans le centre de l’Italie et mort en 17 ou 18 ap. J.-C., en exil à Tomis (l’actuelle ConstanÅ£a en Roumanie), est un poète qui vécut durant la période de la naissance de l’Empire romain.
Ses œuvres les plus connues sont L’Art d’aimer et les Métamorphoses.
Le toro blanc d’Antonio Chenel Albaladejo «Antoñete» (24/06/1932- Madrid/22/10/2011-Madrid).
« En 1965, Antoñete torée à peine, songe à se faire banderillero, mais le 8 août coupe, toujours à Madrid, deux oreilles à un toro de Félix Cameño, qui le ressuscite. L’année suivante, le 15 mai, il donne à « Atrevido », un toro blanc d’Osborne, une faena mythique à la fin de laquelle José Montes Iñiguez, dit l’«Ingénieur du gradin 9», professeur à l’université des sciences et aficionado pointu, se dressera de son siège pour déclarer qu’il venait d’assister «à la faena la plus immense de tous les temps». »
(Jacques Durand «Libération» du 27/10/2011).
Patrice Quiot