On se dit à chaque fois que ce n’est pas possible, puis bien sûr, on espère que ce sera la dernière… Mais non, les toros, ce n’est pas comme ça, c’est constamment une question imbriquée de risques et de chance, de gloire et de malchance, de destins qui s’entrecroisent, de triomphes et de larmes. Et de sang…
Aimer la corrida, l’accepter, c’est adhérer à ces divers paramètres, aussi mal que ça fasse parfois. Comme ce soir. Les toros peuvent tuer partout, ils ne choisissent pas leur arène. Ce samedi, à Aire, le maestro d’Orduña venait de couper une oreille, sa dernière, lorsqu’il est allé ensuite faire un quite au troisième toro, le premier de Juan del Álamo. Cueilli violemment sur le flanc droit après avoir trébuché, il a été évacué rapidement vers l’infirmerie puis à l’hôpital de Mont-de-Marsan, faisant deux arrêts cardiaques en cours de route, le second s’avérant fatal…
Iván Fandiño était l’archétype même du torero qui savait s’engager, avec panache, dans un toreo à la fois orthodoxe et sincère qui le caractérisait. Un caractère bien trempé, une torería qui forçait l’admiration des aficionados les plus exigeants et à présent, une grande perte pour le toreo.
Ce soir, en guise d’hommage au torero basque, bien que ce soit dérisoire, vous comprendrez que les autres infos attendront un peu…
Le témoignage de Pierre Vidal, de Corridasi :
C’est l’effroi, la douleur, le deuil. La face dramatique de la tauromachie: Iván Fandiño est mort ce samedi soir à l’hôpital de Mont-de-Marsan des suites d’un gravissime coup de corne dans les arènes d’Aire-sur-l’Adour. La cornada s’est déroulée lors du combat du troisième toro; celui de Juan del Álamo. Iván a effectué un quite à la cape et lors de la dernière passe de ce quite, il a légèrement glissé alors qu’il s’était rapproché des barrières. C’est à ce moment que le toro l’a heurté de plein fouet au thorax, sans le blesser apparemment. Il est tombé, sans doute sonné par le coup, il a roulé sur le sable et c’est alors qu’il était au sol que le toro l’a pris, lui infligeant ce coup de corne qui l’a touché en haut du corps. Il semble que le poumon et le foie aient été touchés. Amené à l’infirmerie par sa cuadrilla et par Thomas Dufau, il a reçu les premiers soins du chirurgien des arènes, le docteurs Darracq. Constatant la gravité de la blessure, il l’a fait évacuer sur l’hôpital de Mont-de-Marsan. Il aurait fait, selon nos sources, deux arrêts cardiaques au cours du trajet. Le second lui aurait été fatal et il n’aurait pas pu être réanimé à l’hôpital de Mont-de-Marsan.
Bien que des nouvelles alarmistes couraient dans le callejón et que le brindis de Thomas Dufau à la cuadrilla du torero d’Orduña préjugeait d’un incident grave, personne ne se doutait réellement du drame qui se déroulait. La corrida, très prenante et sérieuse par ailleurs, s’est donc déroulée normalement. Juan Del Álamo a coupé une oreille, justifiant largement son statut de grand espoir. Thomas Dufau a dû tuer trois toros. Il a quitté l’arène sous les applaudissements.
Franchement, le courage nous manque pour aller plus loin dans la description de cette après-midi. Nous garderons le souvenir impitoyable de l’animal fouillant le sable pour chercher l’homme. Nous garderons aussi le souvenir du beau succès du torero basque lors du toro d’ouverture. Toro exigeant, qu’il a su soumettre avec intelligence et conduire dans le bon rythme. La pétition fut unanime et la vuelta triomphale. Nous garderons, oui, d’Iván Fandiño cette image lumineuse. A sa famille, ses amis, aux membres de la Junta qui se sont donnés tant de mal pour le succès de cette journée, le témoignage de notre tristesse, de notre émotion et de notre sincère amitié. Pierre Vidal
Aire samedi, corrida des Fêtes. 1/2 arène. 6 toros de Baltasar Ibán. Iván Fandiño : oreille. Thomas Dufau: salut, silence et silence. Juan del Álamo: vuelta et une oreille.