Figura du toreo puis apoderado de renom, Roberto Domínguez vient de tirer sa révérence… 

 

On l’a connu brillant matador de toros puis apoderado et consultant à la télé, mais les années passant, l’heure de la retraite a sonné. C’est du moins ce qu’a ressenti le maestro de Valladolid, âgé de 73 ans, au moment du clap de fin. Comme matador, il laisse l’image d’un torero très élégant, rivalisant avec les plus grands de sa génération. Et comme apoderado, celui qui a côtoyé et administré deux figuras, El Juli d’abord puis Andrés Roca Rey jusqu’à sa retirada annoncée par un communiqué…

 

« Merci et au revoir…

 

Nous avons une manière très particulière d’apprécier le monde qui nous entoure quand nous sommes en activité. Nous ne savons pas bien gérer le temps que nous consacrons aux adulateurs, aux conseillers et aux opportunistes attirés par le parfum du succès. Parfois, on se rend compte trop tard du peu de temps que l’on consacre à écouter ceux qui vont vraiment nous laisser leur trace.

 

Je dois reconnaitre que dans ce sens, j’ai été un privilégié car après ma retraite, la corrida m’a apporté l’occasion d’avoir ce temps pour mieux valoriser ce qui en vaut réellement la peine. C’est pourquoi je pense que le moment est venu de remercier tout ce que m’a apporté ce milieu taurin, même si j’avais la réputation de m’en éloigner et de le vivre de façon atypique.

 

Les années d’enfance où je rêvais d’être torero sont bien loin et les deux décennies comme professionnel savourant les succès et apprenant des échecs, les cinq années derrière les micros de Vía Digital en valorisant ce que mes compañeros réalisaient dans le ruedo, y compris les onze années passées aux côtés de Julián López « El Juli » à une époque de maturité, de doutes et de triomphes. Plus récemment, l’apprentissage aux côtés d’Andrés Roca Rey, torero atypique, qu’à un moment crucial de sa carrière je remercie de m’avoir voulu comme conseiller.

 

Et moi, qui ai toujours été critique à envers les  despedidas et la tentation de profiter de la dynamique du dernier train, je ressens maintenant le besoin de refermer ainsi le chapitre taurin de ma vie.

 

Je crois que le moment est venu de donner raison à toutes ces critiques et tous ces éloges qui témoignent de ma chance. Une chance qui a un nom et un prénom, ceux qui m’ont accompagné à chaque étape. Mon oncle Fernando Domínguez, professeur de vie et de toreo ; Fernando Fernández Román, aux côtés duquel  j’ai appris une autre façon de raconter le spectacle taurin que nous, professionnels, ne voyons pas lorsque nous sommes dans le ruedo ; Julián López « El Juli », parce qu’étant si jeune et avec le sceptre de celui qui commande, il m’a fait une confiance aveugle, valorisant chacune de mes réussites et acceptant mes erreurs ; Andrés Roca Rey qui m’a appris une nouvelle façon d’avancer dans la vie et de gouverner dans le toreo, avec la roulette russe quotidienne de son entière entrega, sans se soucier des circonstances ni de la condition du toro, en imposant sa loi. Celle qui prévaut désormais chez les jeunes générations d’aficionados qui croient à nouveau au mépris absolu du risque, en l’idole et au héros.

 

Je veux également remercier tous les imprésarios  taurins avec qui j’ai eu affaire et qui m’ont toujours respecté, comprenant que mes exigences et souvent mon intransigeance étaient uniquement et exclusivement motivées pour défendre ceux qui avaient placé leur  confiance en moi. A tous les éleveurs, qui ont compris qu’au-delà de l’amitié et mes goûts personnels, le toro qui pourrait le mieux a toujours prévalu. A toutes les cuadrillas et à tous mes compañeros dont l’admiration s’est accrue au fil du temps. Et surtout aux aficionados, qui sous toutes ces facettes et durant tant d’années, ont représenté au quotidien le meilleur souvenir.

 

Le 25 juillet 2023, Andrés a subi un accident dramatique à Santander dont il est miraculeusement sorti indemne, étant avec la cornada de Julián à la feria d’avril 2013, les pires moments taurins de ma vie. Lorsque je me suis approché de la barrière pour lui demander comment il allait, il m’a répondu avec un regard perdu : « Je n’arrive pas à expliquer pourquoi il ne m’est rien arrivé ». Aujourd’hui, je me souviens des mots que je lui ai alors dit. « Tu auras toujours de la chance parce que tu la mérites. » Un document inédit que reprend le film « Après-midis de solitude » d’Albert Serra, documentaire qui, grâce à Andrés, a réveillé l’intérêt des intellectuels pour la corrida, passant du débat d’actualité à une réflexion beaucoup plus approfondie.

 

Par des détails comme celui-ci, je veux que les aficionados et les critiques comprennent l’importance et la responsabilité d’Andrés et sachent le reconnaître comme un bastion absolu de la tauromachie mondiale et un lien fondamental avec les nouvelles générations d’aficionados… »

 

Voilà qui est dit et bien dit ! Au revoir, Maestro et merci… pour tous les bons moments que vous avez fait passer à l’aficionado que je suis…