Virage ? … (2)

 

 Je le fis.

 

Sans relâche.

 

Sans réfléchir.

 

Sans réel projet.

 

 

J’écrivis.

 

Au vent de la chronique.

 

De l’arrière-goût.

 

De l’annale et de la commémoration.

 

 

J’évoquai.

 

Je me remémorai.

 

J’usai les mots du temps.

 

Je peinturlurai des images rupestres.

 

 

Pedro Romero, Tragabuches…

 

L’«Espartero», «Joselito», «Guerrita», «Manolete»…

 

La «Burgalesa» de Madrid, Ferdinand et les toreros français…

 

Séville et la pension de la calle San Eloy, les coquelicots de Benalup.

 

 

Pour tout ça et bien d’autres choses encore, je m’essayai à des tournures galvaudées.

 

A des compositions obsolètes.

 

A des extravagances de dandy.

 

A un peu de tout.

 

 

Calderón de la Barca et Modiano….

 

Pauline et Masson, les festayres de Mont de Marsan et de Dax….

 

Le Gardon du Pont St Nicolas et la plage de l’Espiguette…

 

Chateaubriand et Hugo.

 

 

J’abusai d’adjectifs de brocante.

 

D’adverbes de vide grenier.

 

De culture pas toujours de mise.

 

Et de copiés-collés pour me vouloir moderne.

 

 

En croyant dire.

 

En croyant faire.

 

Pour évacuer le trop plein.

 

Et vider le bac dégraisseur de la fosse septique de la nostalgie.

 

 

Les cheveux longs, les jeans pat-d’eph…

 

Antonio et «Matajacas» du sept août 1960…

 

L’Espagne et Nîmes de ma jeunesse, les amis disparus…

 

Et Manolo avec le sobrero de Juan-Pedro le 17 mai 1964.

 

 

Mais aujourd’hui cette écriture du poussif.

 

Me renvoie la balle.

 

Et, sans concession.

 

Me rappelle à l’ordre.

 

 

Mes roues semblent patiner dans l’usé.

 

Mon carburateur s’étouffer dans le vieillot.

 

Et le frein de l’anecdote.

 

Bloquer le tout.

 

 

Je me sens capelan de la phrase délabrée.

 

Moine de l’écriture défraichie.

 

Sacristain des mots ressassés.

 

Bedeau de l’antique.

 

 

Pas vraiment utile.

 

Non seulement je n’avance pas.

 

Mais ai l’impression.

 

De reculer.

 

 

J’aimerais me défaire de ces brimborions liturgiques.

 

Sans horizon.

 

Pour taper dans le dur.

 

De la vie.

 

 

Alors ?

 

Ecrire autrement.

 

Redistribuer la parole des cartes d’un bridge désuet.

 

Pour un poker d’arsouille. ?

 

 

Sans concession pour ce qui est mort.

 

Sans complaisance pour ce qui n’est plus.

 

Avec moins d’indulgence pour l’éteint.

 

Et plus de rugosité pour ce qui vit.

 

 

Généralement construit.

 

Pour permettre de contourner un obstacle.

 

Ou parce que le relief l’oblige.

 

Le lexique du quotidien appelle ça un virage.

 

 

Dois-je le prendre.

 

En faisant en sorte de ne pas déraper.

 

Et de tomber dans le ravin.

 

De la désobligeance ?

 

 

Je n’en sais toujours rien.

 

Patrice Quiot