Encens…

 

 

Lisses les visages de cire ; sans ride ou presque.

 

Fines, les bouches sans commissures.

 

Droits, les nez et sombres les cheveux.

 

Sur la même latitude, s’arrêtent les yeux.

 

 

 

Lisses les costumes sans pli et, sans arrogance, les cravates.

 

Métalliques, les alamares des princes arabes.

 

Le blanc et le noir illuminent le rouge qui le distingue.

 

Aristocratie du mat et des reflets.

 

 

 

Lisses les mains, épaisses et protectrices.

 

Elles inscrivent une géométrie de Sainte Trinité.

 

Une défie déjà l’enfer et les autres serrent dans leur paume les objets du châtiment.

 

Rien ni personne ne doit l’atteindre

 

 

 

Lisses aussi les trois palos.

 

Les deux grands n’ont pas d’origine.

 

Le plus petit n’a pas de fin.

 

Ils l’encadrent.

 

 

 

Lisses encore, les deux puyas.

 

Les cordes paraissent des cierges nains.

 

L’acier gris accroche la lumière de la lune.

 

Elles éclairent le ciel.

 

 

 

Trois toreros dans une lumière de bougie.

 

Celui de gauche convoque.

 

Celui du milieu entre en oraison.

 

Celui de droite sait déjà.

 

 

 

Rien ne bouge.

 

La brosse de Joëlle Mariou a fixé le lisse de l’attente.

 

Sauf le noir.

 

Qui, comme la fumée de l’encens, vibre dangereusement.

 

Joëlle Mariou.

 

Sans titre.

 

Datos

 

Joëlle MARIOU, née à Lourdes, en 1957.

 

Peintre, Joëlle Mariou a suivi l’enseignement de l’école des Beaux-Arts de Toulouse et est titulaire d’une licence de philosophie. Elle vit et travaille dans les Corbières, à Lagrasse.

 

“Quand on me demande de parler de mon travail, d’éclairer en somme le discours logé à l’intérieur de mes tableaux, je suis tentée de dire qu’il y a pour chacun d’eux, à l’origine, un intérêt vif pour une ou plusieurs peintures « anciennes. Ces peintures, dans une énonciation et des références précises – Jugement dernier, Apocalypse, Vanités, Vierges de la protection – disent en fait ce qui me touche profondément : les ombres sous des dehors lumineux, les abîmes, les peurs obscures. Heureusement peut-être, dans chaque peinture, le sens se disloque, le discours ou la volonté de dire, pris dans la matérialité du tableau, laissent le champ libre à d’autres lectures. C’est pour cette raison que je ne donne aucun titre à mes tableaux.”

 

Joëlle Mariou a participé à plusieurs expositions, notamment à Nîmes, Toulouse, Carcassonne, Perpignan et Paris.

 

Elle est l’épouse de Jean-Michel Mariou journaliste, écrivain, éditeur, cinéaste et réalisateur de divers magazines et reportages sur la tauromachie…