Highway et senderos… (2)

 

Le deuxième chemin du voyage, empruntera des voies plus étroites pour m’y promener un œillet entre les dents, canne à la main, pochette au vent et un livre dans la tête. Ce chemin sera plutôt un chemin de lune, un de ces chemins gitans qu’aimait Federico qui, entre Aznar et Alcafar, tomba mort, du sang sur le front et du plomb dans les entrailles. Ce chemin entre les cyprès et une haie de fleurs de citres, ce chemin de l’Alhambra, ce chemin de liberté sauvage détachée des contingences, ce chemin de sable et d’encre, ce chemin de repas partagés autour d’une table ouverte, ce chemin du boulevard Victor Hugo qui descend de mon enfance jusqu’aux arènes de Nîmes, ce chemin fut celui de ma vie.

Faisant fi des balises, j’ai peut-être trop pris de voies détournées, m’éloignant avec délice des sentiers battus sur lesquels de petits poucets essayaient de me laisser des pierres blanches pour me ramener à la raison.

Au désespoir de mes vieux amis, je me suis peut-être trop délecté des herbes folles qui composaient l’absinthe que buvait Rimbaud, trop perdu dans l’observation des mêmes constellations que voyait le capitaine Achab dans sa quête de la baleine blanche ; je me suis peut-être trop laissé tenter par les sirènes d’Ulysse, les saillies de Voltaire, la chaleur de l’alcool, l’âcreté du tabac brun, la sorcellerie d’une passe de Camino ou de Morante ou par les jupes des filles.

Mon corps, mon fidèle compagnon, m’a formidablement bien accompagné dans ces aventures et, chaque jour, je l’en remercie.

Ce qui est certain, c’est, qu’au risque de me perdre, j’ai toujours préféré les venelles sombres où on marche dans la boue aux allées des parcs bordées de buis bien taillé.

Probablement parce que j’ai toujours souhaité rester dans l’inconcevable, mais avec des repères éblouissants. Probablement aussi parce que je sais que, plus que les broderies sur le vide, la vie est là, dans ses dérives, ses outrecuidances, ses cornadas, dans ses dangers, ses ravins, dans ses tourmentes. C’est elle qui va, pulsant fort comme le sang dans la fémorale, et c’est à elle qu’il faut donner sens car cet essentiel a une valeur ultime.

Aussi quand je réfléchis à ce que sera le reste de ma vie, des raisons déraisonnables m’encouragent à continuer d’aller sur les autoroutes et les sentiers…

Si Dios quiere, of course…

 

Patrice Quiot