Glas…

 

Implantée au Mexique par les conquistadors le 13 août 1529, la corrida a connu le succès dès la première forme de fiesta brava, organisée avec du bétail importé d’Espagne. Les spectacles taurins, très populaires, y ont été renouvelés dès l’année suivante, dans le quartier de l’actuelle cathédrale de Mexico. Puis l’engouement a grandi, obligeant les autorités à construire d’autres plazas : plaza du Volador, de Volados, de Los Pelos…

À partir du XVIIIe siècle, les architectes Iniesta Bejarano et Francisco Antonio de Guerrero y Torres ont adopté des formes quadrangulaires, puis octogonales répandues dans d’autres villes (Aguascalientes, Pátzcuaro, Veracruz), jusqu’à ce que l’évolution de la corrida (nécessité d’un callejón et de burladeros) rende plus logique la forme circulaire vers la fin du XIXe siècle-début du XXème…

La caractéristique de ces arènes est leur capacité à accueillir un très grand nombre de spectateurs : de 26 000 places en 1907, la Plaza Monumental de Mexico pouvait recevoir 46 500 personnes en 1994 et 52 000 en 2003. Dans les plus grandes villes comme Aguascalientes ou Guadalajara, les plazas ont une capacité d’environ 20 000 spectateurs tout comme celles de Tijuana qui a pour vocation d’attirer les touristes des États-Unis.

Au Mexique, chaque année, plus de 1 000 localités accueillent des spectacles taurins (4 412 selon les chiffres de Tauromaquia Mexicana) qui attirent près de six millions de spectateurs.

Des écrivains ont utilisé la corrida comme scène de fond pour dénoncer les conditions du sous prolétariat au Mexique. Carlos Fuentes dans son roman La Plus Limpide Région (1958) met en scène les pelados (les pauvres) qui sèment la pagaille dans leur coin d’arène à Mexico et plus tard l’anthropologue Oscar Lewis dans son étude Los hijos de Sánchez (1961), à la fois témoignage et roman, revient sur le sujet. Les deux ont soulevé l’indignation des autorités. Le livre d’Oscar Lewis a même été interdit.

Mais « Ces dernières années, les attaques des institutions anti-taurines et animalistes se sont intensifiées. Ce n’est que maintenant qu’il y a eu cette conjoncture politique pour tout mettre en œuvre » déplore Juan Antonio de Labra, journaliste et écrivain.

Et…

« Le mardi 18 mars, le Congrès de la ville de Mexico a adopté une réforme visant à interdire les corridas “avec violence”. Ce texte très controversé avait été proposé le 13 mars par la maire de la capitale mexicaine, Clara Brugada (du parti présidentiel, Morena).

Pour rappel, cette pratique est déjà totalement interdite dans cinq États du Mexique, ceux de Sonora, de Guerrero, de Coahuila, de Quintana Roo et de Sinaloa.

Désormais, l’article 4 de la loi sur la protection des animaux de la ville de Mexico impose que les corridas soient menées sans infliger de blessures ni provoquer la mort des taureaux. Pour garantir cette nouvelle réglementation, les cornes des taureaux devront être protégées, et tout “objet tranchant” susceptible de causer des lésions – tels que la lance, les banderilles, l’estoque, les descabellos et les puntillas –  sera interdit.

De plus, la durée des corridas sera réduite à quinze minutes, contre vingt auparavant. Enfin, la loi prévoit également une amende comprise entre 226 280 et 339 420 pesos (entre 10 370 et 15 550 euros) pour chaque animal blessé ou tué.« 

(Le Courrier International du 19/03/2025).

«… Mexico vient de changer les règles des corridas dans la capitale mexicaine : il n’y aura plus de mise à mort. Tuer ou même blesser le taureau sera interdit. La mesure a été approuvée, mardi 18 mars 2025, par la quasi-totalité des législateurs du gouvernement de la ville et devrait entrer en vigueur d’ici quelques mois.

Depuis des années, la ville de Mexico tergiverse sur ce sujet. Les corridas avaient été interdites une première fois en 2022 puis la décision avait été révoquée par la Cour suprême un an plus tard, en 2023. Depuis, la tauromachie a continué légalement dans la capitale mexicaine, notamment au sein de la monumentale Place des Taureaux, la plus grande arène de corrida du monde, qui peut accueillir 50 000 spectateurs. Sans surprise, ces changements ne plaisent pas aux pro corridas, qui ont manifesté et bloqué aujourd’hui le centre de la capitale.

Encadrés par la police qui bloque la circulation, des dizaines de manifestants se sont assis au milieu d’une artère principale de Mexico. Le ton monte lorsqu’une passante crie son soutien à la mesure au nom de la cause animale. Les passionnés dénoncent un acharnement politique sur la corrida : « Je suis fan de tauromachie depuis mes quatre ans, raconte Isabel, une manifestante. Ils vont à l’encontre des libertés individuelles de chaque personne en décrétant ce qu’on peut voir ou non. Les politiques devraient être beaucoup plus préoccupés par toute la violence et ne pas être contre une tradition pleine de valeurs, riche de contenus et social et culturel.« 

Selon les nouvelles règles, seul l’usage des capes – capote et muleta – sera autorisé. Les cornes du taureau seront couvertes, les épées et banderilles interdites. Blesser l’animal sera susceptible d’amende. Jorge Arriega, un jeune torero, soutient que cela n’a pas de sens et se dit extrêmement triste : « Cette nouvelle idéologie de vouloir humaniser les animaux, nous déshumanise totalement.« 

« Ces taureaux de combat vont mourir dans des abattoirs anonymement. C’est lâche. “Et demain, qu’est-ce qu’ils vont faire ? Ils vont s’en prendre à la pêche sportive, à la chasse, ou à l’équitation ?” déplore le jeune torero.

Depuis des années, la corrida est décriée par des groupes de défense des animaux. Les autorités de la capitale font valoir la mesure comme une forme de compromis. Le nouveau règlement permet à la fois de préserver le bien-être de l’animal et les dizaines de milliers d’emplois liés à la corrida. Mais l’avocat Salvador Arias Ruelas, membre du Conseil de la tauromachie mexicaine désapprouve : “C’est une interdiction déguisée sous couvert de la régulation de la tauromachie. Ce qui est proposé n’a rien à voir avec ce que nous, les fans et les professionnels, appelons la corrida de taureaux.

L’avocat promet le début d’une bataille juridique, puisque le secteur entend bien répliquer pour annuler l’entrée en vigueur de la mesure. Il est prévu d’invoquer le droit d’accès à la culture et du libre développement de la personnalité. « C’est un spectacle qui nous passionne bien évidemment pour tous les ingrédients qu’il contient, détaille l’avocat. Ce sont deux êtres vivants qui jouent ensemble entre la vie et la mort. Et tout ce qu’il s’y passe est on ne peut plus vrai. Pour beaucoup de personnes, la tauromachie n’est pas seulement un divertissement, une sortie du dimanche, elle fait partie intégrante de la vie.« 

La corrida classique reste légale et pratiquée dans de nombreux autres États au Mexique. La capitale fait figure d’exception. En 2017, elle avait inscrit dans sa Constitution la reconnaissance des animaux comme des êtres sensibles. »

(France Info du 20/03/2025.).

Aussi, alors que au nom d’un ordre moral – “L’art n’est pas chaste, on devrait l’interdire aux ignorants innocents, ne jamais mettre en contact avec lui ceux qui y sont insuffisamment préparés. Oui, l’art est dangereux” disait Picasso. – semble sonner le toque funèbre de la corrida au pays des Olmèques, des Toltèques, des Zapotèques, des Mayas et des Aztèques…

Que vive le Mexique de la lutte ; le Mexique de Cuauhtémoc, d’Emiliano Zapata, de Pancho Vila, du Commandant Marcos,

Que vive le Mexique de l’art ; le Mexique de Juana Inés de la Cruz, de Benito Juarez Garcia, de Diego Rivera, de Frida Kahlo, d’Octavio Paz et Carlos Fuentes.

Que vive le Mexique du toreo ;  le Mexique de Joselito et Luis David Adame, d’Armillita, d’Armillita Chico, de Carlos et Manolo Arruza, d’Alberto Balderas, celui de Carnicerito de Méjico, de Guillermo Carvajal, d’Eloy Cavazos, de « Cheche », de Luciano Contreras, d’« El Pana » ; que vive le Mexique d’ Humberto Flores, de Luis Freg, de Rodolfo Gaona, de Lorenzo Garza, de Michelito Lagravère, de son frère André «El Galo», de Diego San Román, celui d’Antonio Lomelín, de Fernando Lozano, de Manolo Martínez, de Manolo Mejía, Rafael Ortega, Pepe Ortiz, Carmelo Pérez, Luis Procuna et que vive le Mexique de « Cantinflas », de Mariano Ramos, de Curro Rivera, de Ricardo Romero Freg, d’Arturo Saldívar, d’Alejandro, de David et Diego Silveti, celui d’ Israel Téllez, d’Hilda Tenorio, de Carmelo Torres, le Mexique d’ « El Zotoluco » et de beaucoup d’autres.

Que vive tout simplement le Mexique à la bandera vert, blanc et rouge aux couleurs des pañuelos des palcos.

Patrice Quiot