Ángel Teruel : Dandy…

 

1950.

Calle Ferraz.

Barrio de Embajadores.

Madrid.

Ángel Teruel Peñalver y naît ; cette année-là, Francisco Franco  Bahamonde a cinquante-huit ans et garrotte l’Espagne depuis onze temporadas, Manuel Dos Santos est premier de l’escalafón, Il a vingt-cinq ans et quatre-vingt corridas de toros dans son esportón portugais ; Rafael Ortega, Agustín Parra «Parrita» et Manolo González ont ouvert la Puerta Grande et Barbara Woolworth Hutton,«poor little rich girl», qui a épousé en quatrièmes noces le prince Igor Troubetzkoy affiche trente-huit balais et des millions de dollars.

Ángel qui ne la connaît pas encore grandit ; beau, intelligent, il devient matador de toros en treize mois ; entre le 19 mai 1966 quand il débute sin caballos à Vista Alegre devant un novillo d’Agapito Blanco et le 30 juin 1967 quand Santiago Martín, celui de Vitigudino, lui donne l’alternative à Burgos en lui cédant «Cazuela» d’Agustina López Flores auquel celui de la calle Ferraz coupe l’oreille avant de trancher les deux et la queue du sixième d’Amelia Pérez Tabernero.

Il avait, ce jour-là, toréé moins de vingt novilladas piquées et sa préciosité juvénile n’avait pas estimé opportun de se présenter préalablement à Madrid ou à Séville.

Chulo, guapo, listo, ainsi allait Ángel ; un dandy du capote, des banderilles, un Lord Byron de la muleta. Une façon à lui, une tournure de prince, un George Bryan Brummell en blanc ou en rose habillé de lumières. « El toreo andando, eso es torear », le toreo presque comme une belle promenade avec l’urbanité hautaine d’un marquis égaré dans le siècle.

Madrid, quatre Puertas Grandes, trente-quatre tardes et dix-neuf oreilles ; Séville, trente paseos sans ouvrir la Príncipe, mais en y trouvant la gloire et ce jour d’avril 1972 sur les berges du Guadalquivir aux étoiles quand, après qu’il eut donné trois vueltas al ruedo, la gente de pie, la Hutton lui jeta un foulard de soie ceint d’une bague en diamant.

Elle avait soixante ans et lui vingt-deux.

Un dandy, triomphateur des Fallas, meilleure faena de la Feria de Burgos, les deux oreilles et le rabo d’Almería, l’année où Jacques Derrida organise les «États généraux de la philosophie» à la Sorbonne.

Un dandy de Colombie où, à à peine vingt ans, il se présenta de matador de toros à Cartagena de Indias, un dandy du Pérou des deux «Escapularios de Oro», un dandy de Lima quand cet après-midi de soixante-douze, il étrenna deux trajes différents pour tuer six toros mexicains, le second costume, blanc et noir dessiné par Picasso.

Mais aussi un dandy avec les couilles du M. Félix de Frédéric Dard ; les Miura, les Guardiola, les Cuadri et les Victorino goûtèrent avec lui ce qu’est la soie servie à des brutes ; les cornadas de Burgos et celle «d’extrema gravedad» de Mont de Marsan en soixante-dix-sept quand disparaît Vladimir Nabokov, celle d’Aranda de Duero la même année, celle de Ségovie qui lui sectionna la saphène en quatre-vingt-un et les deux de quatre-vingt-quatre, l’une dans les reins à Madrid, l’autre dans la bouche à Plasencia confirmèrent que dans le toreo l’élégance naturelle doit aller avec l’héroïsme ; Palamède de Guermantes, baron de Charlus avec Rodrigo Díaz de Vivar «El Cid Campeador», Le Tintoret avec Banksy.

L’azulejo de 2017 dans le patio de caballos de Las Ventas dit « Ángel Teruel, en el 50 aniversario de su alternativa. Torero de Madrid, que paseó por los ruedos del mundo su clase, temple y poderío ».

La plaque dit juste même si, vieux dandy au visage déformé par le toro de la route, abandonné par la grâce ancienne, ne pouvant plus respirer la commune et triviale compagnie de soixante-douze printemps, Ángel l’élégant mourut presque seul à l’UVI de l’hosto de Cáceres.

Datos

Ángel Teruel Peñalver «Ángel Teruel» (Madrid  20 février 1950/ Cáceres 17 décembre 2021).

Son père était maçon, puis colporteur de bijoux dans les foires. Il engageait ses fils à faire des études. Ce qu’Ángel accepta jusqu’au cycle secondaire. Ensuite, il s’essaya à la tauromachie, comme son frère aîné Pepe, qui, blessé alors qu’il n’était encore que novillero, termina sa carrière comme banderillero. Très vite, Ángel attira l’attention de Domingo Dominguín qui le forma. Il prit l’alternative après seulement dix-huit novilladas piquées.

Débuts en novillada avec picadors à Málaga le 22 janvier 1967 ; novillos de Núñez Moreno de Guerra.

Alternative à Burgos le 30 juin 1967 ; parrain El Viti, témoin Pedrín Benjumea ; toros de Agustina López Flores.

Confirmation d’alternative à Madrid le 12 mai 1969 ; parrain El Viti, témoin José Fuentes, toro “Yegriero” d’Atanasio Fernández…

Patrice Quiot