Entrevista avec Daniel Crespo, qualifié pour la finale de la Copa Chenel, et son apoderado Luisito…
Daniel Crespo (30 ans), matador du Puerto de Santa María (cadiz) a pris l’alternative dans ses arènes en 2018 avec Morante de la Puebla comme parrain et José María Manzanares comme témoin. Ce jour-là, il coupa 1 oreille à chacun de ses toros.
Depuis, comme pour beaucoup de jeunes matadors, il a eu ce passage à vide où les contrats se font rares, si on y ajoute une épidémie mondiale, tout devient plus compliqué.
En 2023, il est engagé au Puerto de Santa María aux côtés d’El Juli et Roca Rey, triomphant en coupant 3 oreilles. Le lendemain de ce triomphe, il est choisi pour remplacer au pied levé Morante de la Puebla, blessé. Il coupe à nouveau 2 oreilles et sort en triomphe.
Malgré 5 oreilles en deux après-midis dans sa ville aux côtés de figuras, pour des raisons obscures dont seul le mundillo taurin a le secret, il n’est pas engagé en 2024.
Luisito, retiré des affaires taurines, après avoir apoderé avec les résultats que l’on connaît Pablo Aguado, Emilio de Justo et Solalito, se sent concerné par cette criante injustice et prend attache avec le torero.
Une réunion devant un café, les 2 se mettent d’accord et décident de se lancer dans l’aventure de relancer la carrière de Daniel.
3 corridas toréées dans la Copa Chenel, et Daniel Crespo apparaît déjà comme la grande révélation de ce concours prestigieux.
6 toros affrontés, tous différents en intention, aucun facile ; nous avons pu voir un torero avec beaucoup de classe et très bon technicien, mais aussi avec un énorme fond de courage sachant sortir vainqueur de situations très difficiles. Ce qui lui a permis d’accéder à la finale de la Copa Chenel.
LUISITO
PH: Ludovic, dis-nous en plus sur Daniel Crespo et ton envie de repartir dans un nouvel apoderamiento avec un torero assez méconnu pour grande partie de l’aficion française…
LL: C’est assez simple à raconter ! J’apprends qu’un torero du Puerto de Santa María a coupé 5 oreilles en 2023, et qu’il n’est pas engagé en 2024. Je ne connais pas Daniel, je ne l’ai jamais vu. J’avais entendu parler de lui dans le mundillo comme un bon torero, mais pas plus. Cette injustice m’interpelle et je décide de me renseigner sur le pourquoi du comment.
Je lui fais savoir, par connaissances interposées, que je serais prêt à lui donner un coup de main. Ce genre de situation me touche et comme le torero que j’ai été et que je continue d’être, je me sens le devoir de tendre la main à ceux qui le méritent et sont dans une situation “injuste”.
Au mois d’octobre de l’année dernière, il m’a appelé, nous avons pris un café et depuis nous voilà tous les 2 dans le même bateau.
Je peux te dire que j’ai vu beaucoup de toreros, beaucoup… beaucoup avec d’énormes qualités, j’ai même apodéré quelque-uns d’entre eux, je ne crois pas me tromper en disant que Daniel est le plus doué de tous ceux-là.
Il est absolument incroyable. Je ne cesse de me surprendre d’avoir la chance d’avoir à gérer à nouveau la carrière d’un si bon torero. Je me surprends aussi que les grandes maisons d’apoderados aient laissé passer entre les mailles de leurs filets un si bon, si beau et grand poisson. C’est incompréhensible, mais c’est ainsi.
PH: Après 3 corridas à la Copa Chenel, Daniel est qualifié pour la finale, quels sont les objectifs courts, moyens et longs termes ?
LL: Nous naviguons à vue, toro après toro, course après course. Nous avons eu à faire feu de tout bois lors des 3 premières courses. Pour des raisons diverses, Daniel n’a encore touché aucun toro qui lui aurait permis de développer tout l’éventail de ses qualités. Mais il a su, par son engagement, sa technique, sa classe et son épée, convaincre le public et le jury qu’il était méritant pour gravir les différentes étapes. De 18 toreros, il n’en reste que 3, il fait partie de ces 3. Ce n’est pas rien !
Nous sommes en finale, c’est très bien, mais lui et moi savons qu’une finale ne se joue pas, ça se gagne, et même s’il gagne, ça ne sera qu’un pas de plus vers notre objectif qui n’est autre qu’être parmi les meilleurs de l’escalafón et être dans toutes les férias.
Je dois reconnaître que les prestations ont fait sonner le téléphone et que si tout se passe bien, il devrait y avoir 1 ou 2 contrats de plus…. et même peut-être en France … Toro après toro, course après course.
Je sais juste que les aficionados ne vont pas en croire leurs yeux quand ils verront Daniel Crespo devant des toros qui vont lui permettre de s’exprimer pleinement. J’ai une incroyable sensation de “déjà vu”… Avec Emilio de Justo, j’ai vécu les mêmes situations que celles que je vis actuellement avec Daniel, on sait ce qu’est devenu Emilio…Je suis persuadé que Daniel peut réussir aussi, et même aller encore plus haut.
DANIEL CRESPO
PH: Daniel, les aficionados français te connaissent peu, comme matador de toros, tu n’es venu qu’une fois en France, c’était à Bayonne en 2023 lors de la corrida de 6 matadors face à une corrida de Pedraza de Yeltes. Quel style de torero es-tu ?
DC: En effet, je n’ai toréé qu’une seule fois en France, je garde un très bon souvenir de cette corrida de Bayonne, si j’avais eu plus de réussite à l’épée, je pense que j’aurais pu couper une oreille. Mais je garde l’image d’une aficion sérieuse, sensible et exigeante. Je sais que pour être figura, triompher en France est obligatoire. Ma carrière en France est aujourd’hui une page blanche, tout est à écrire. Je travaille tous les jours pour écrire bientôt la première page.
C’est difficile de se définir comme torero, je suis un torero andalou, ça peut paraître réducteur, mais bien au contraire car je crois avoir la sensibilité des toreros du sud, mais ma carrière de novillero s’est faite principalement dans la province de Madrid. Dans ce qu’on appelle le “Valle del Terror”. Donc j’ai pu faire évoluer ma tauromachie vers plus de solidité et de technique.
J’essaie d’être un torero complet. C’est ce que je crois avoir montré lors des 3 corridas de la Copa Chenel. Dès qu’un toro m’a permis d’exprimer ma sensibilité de torero je l’ai fait, mais quand il a fallu avoir recours à d’autres solutions pour convaincre et mettre les “mains dans le cambouis” j’ai su le faire aussi.
Je suis reconnaissant au public et au jury d’avoir su voir mon engagement lors de ses 3 premières corridas.
Je suis désormais en finale, je sais que ce n’est qu’une étape de plus, et que seule la victoire sera belle. Je n’oublie pas que les autres toreros qualifiés auront aussi leurs choses à dire.
PH: Comment te prépares-tu pour cette saison qui est cruciale pour ta carrière ?
DC: Je vis au Puerto de Santa María, tous les matins je me rends à Sanlúcar de Barrameda pour m’entrainer avec mon apoderado Luisito. Depuis le mois de novembre, nous nous entraînons ensemble tous les jours… Puis nous parlons de toros, il me donne sa vision de la tauromachie, ses “trucs” techniques et surtout il me pousse à être meilleur chaque jour, même aux entraînements.
Ensuite nous arrivons à faire quelques tentaderos chez des éleveurs qui veulent bien nous ouvrir leurs portes, mais ça reste encore difficile. Luisito et moi savions depuis le premier jour que ça allait être difficile, même pour faire des tentaderos, mais nous savions aussi qu’en faisant le “job” chaque jour, devant chaque vache, devant chaque toro, les portes finiront par s’ouvrir. Celles des ganaderías d’abord, puis celle des arènes ensuite.
Personne ne nous a dit que ce serait facile. Je sais que Luisito croit en moi, et moi je crois en lui et c’est comme ça que nous serons capables de gravir les échelons qui m’amèneront à être torero de feria et figura.
La Copa Chenel n’est que le début.
Merci à tous les deux pour cet entretien, il ne reste qu’à vous souhaiter que les empresas françaises et espagnoles vous ouvrent leurs portes et que nous puissions voir Daniel Crespo dans ses œuvres… Suerte pour la finale !!!
NDLR : Finale à trois le samedi 5 juillet à Valdetorres de Jarama, toros de Cuadri et Adolfo Martín, et le lendemain au même endroit, grande finale en mano a mano, toros de Victoriano del Río, Zacarías Moreno et Concha y Sierra.
Ces deux courses seront télévisées en direct à 18h par Telemadrid (gratuit).