Torrent humain (1)…
Le 7 juillet 1923, Hemingway et son épouse Hadley sortirent sur le balcon de la pension de la Calle Eslava et furent surpris par la foule qu’il y avait dans les rues. Ils venaient de découvrir quelque chose qui accrocha immédiatement Hemingway : l’encierro. Le 18 juillet 1923, l’écrivain raconta que « tous les matins, le troupeau de taureaux, sur la rue principale, arrivait à la place précédé de jeunes qui couraient. Tout ce groupe semblait aller à l’enfer avec les taureaux qui essayaient de les attraper ».
« Un torrent humain», est la métaphore dont il qualifia l’encierro dans l’article du 27 octobre 1923 dans lequel il en détaillait le parcours: « Ils observaient tous l’enclos en bois long et étroit qui allait de l’entrée de la ville aux arènes. Cet enclos était une barrière double en bois sous forme de ruelle qui commençait dans la rue principale du village pour déboucher dans les arènes, mesurant près de deux-cent-cinquante yards de long. Il y avait un grand tumulte de chaque côté« .
Dans le roman “Pour qui sonne le glas”, le personnage de Robert Jordan tire sur un jeune milicien carliste originaire de Tafalla durant la bataille de Ségovie et en le regardant, il pense : « Je l’ai probablement vu courir devant les taureaux dans les rues durant les festivités de Pampelune ».
Courir devant les toros qui vont être combattus l’après-midi comporte un risque. Depuis 1924, date de la première victime documentée de l’histoire, 15 coureurs sont morts, treize de coups de corne et les deux autres suite aux coups reçus ou piétinés. Les statistiques montrent que les morts se produisent sur tous les tronçons du parcours : 2 à Santo Domingo, 2 Plaza del Ayuntamiento, 1 à Mercaderes, 1 rue Estafeta, 5 dans la zone de Telefónica-callejón et 4 dans l’arène.
Il faut cependant admettre que l’on est paradoxalement plus «sûr» en pleine course qu’à l’arrêt sur les côtés, puisque onze des tués étaient arrêtés ou tombés.
Outre les décès, l’encierro provoque également de nombreux blessés. On estime qu’un coureur sur 70 s’en sort avec des blessures légères, qui n’exigent pas d’hospitalisation – contusions, érosions, entorses, etc. ; 1 sur 800 reçoit des coups et est atteint de traumatismes sérieux principalement à la tête qui impliquent son évacuation à l’hôpital ; 1 coureur sur 2.500 est encorné et 1 sur 100.000 meurt. Autrement dit, et pour démystifier la sombre légende qui entoure l’encierro, il faut signaler que 95% des blessures sont légères et que 90% de ces blessures sont causées par les coureurs eux-mêmes, sans l’intervention des toros ou des cabestros.
Inutile de dire que se laisser poursuivre par six toros de combat et huit bœufs dans une rue étroite bondée de gens est très dangereux. On ne peut cependant que constater que le nombre de morts et de blessés est bien inférieur à ce que l’on pourrait imaginer en toute logique puisque, ces 100 dernières années, 5.000 toros ont couru durant 50 heures dans les rues de Pampelune, soit une distance totale de 650 kilomètres, entourés d’un million de personnes. Or, le bilan de morts et de blessés est objectivement peu élevé.
Le parcours de l’encierro de Pampelune, de 850 mètres de long, suit le tortueux tracé médiéval du Vieux Quartier de la ville. L’urbanisme complexe de cette zone de Pampelune, fruit de plusieurs siècles de constructions diverses, fait que le trajet de la course arpente des rues escarpées, comporte des virages à angle droit, emprunte d’étroites et sombres ruelles, descende des pentes et pénètre dans un tunnel sous les gradins des arènes. Un parcours varié et spectaculaire tout simplement dû à l’emplacement des anciens remparts, des portes médiévales de la ville et des arènes.
Santo Domingo
280 mètres. Pente abrupte de jusqu’à 10% de dénivellement, en partie coincée entre de hauts murs de pierre et premier tronçon de l’ encierro. Les toros sortent de l’enclos situé dans l’un des anciens bastions de la citadelle. C’est l’endroit où ils courent le plus vite.
Plaza del Ayuntamiento-Mercaderes
Deuxième tronçon, sur terrain plat et plus lumineux que le précédent, de 100 mètres de long et 9 mètres de large. Les toros et bœufs, encore très rapides, doivent tourner légèrement à gauche, au début de la rue Mercaderes.
Estafeta
La rue la plus célèbre de l’encierro, longue de 300 mètres, sombre et légèrement ascendante (2% de dénivellement). Le début est spectaculaire avec un virage à droite de 90º, ce qui provoque le dérapage des toros qui, emportés par la force centrifuge, heurtent la palissade, tombent et se dispersent.
Telefónica-callejón-Plaza de toros
Dernier tronçon le plus lumineux et le seul en légère pente descendante. Les toros, fatigués, ralentissent leur course. Ce tronçon, de 120 mètres de long et 9 mètres de large au début se termine en entonnoir pour s’engouffrer dans les 3,5 mètres du callejón de 25 mètres de long, qui s’étend sous les gradins et débouche sur les 50 derniers mètres du sable de l’arène.
Certaines courses de Sanfermines se sont toutefois distinguées de ce que l’on pourrait appeler l’encierro standard…
A suivre…
Patrice Quiot