Impromptu miureño à Béziers le 15 août 2001…

 

Mano a mano Richard Milian – Juan-José Padilla avec les toros de Miura pour ce qui devait être la despedida de Richard à Béziers, annonçait l’affiche.

Ce 15 août 2001, Richard a quarante et un ans et vingt d’alternative ; Padilla vingt-huit et sept d’alternative.

L’avant-veille à Dax, un toro de Cebada Gago avait méchamment attrapé Richard et Padilla, blessé très grièvement au cou à Pamplona en juillet par un Miura, éloigné des ruedos pendant un mois, avait repris le 14 août à Benidorm où un toro lui avait brisé les côtes.

Mais Richard et Juan-José sont là, au «Campanile» où descend également Lionel Rouff «Morenito de Nîmes» qui va de sobresaliente.

Sans toros ce 15 août, Denis Loré et Stéphane Fernandez Meca y sont aussi pour honorer Richard en sa despedida biterroise.

Avec Antonio Ferrera, Meca et Loré avaient toréé la corrida de Cebada Gago qui ouvrait la féria le 12 et avaient coupé une oreille chacun.

Meca avait tué celle d’Aguirre à Dax le 13, celle de Victorino à San Sebastián le 14 et était rentré dans la nuit à Béziers pour être présent à la despedida de Richard.

Loré avait toréé le 29 juillet à Tyrosse et coupé deux oreilles.

Ce 15 août 2001, Lionel Rouff a trente-deux ans, Denis Loré et Stéphane Fernandez-Meca trente-trois ; le premier quatre ans d’alternative, le second onze et le troisième douze.

Dans sa chambre, Richard souffre ; la blessure du 13 qui saigne, le pansement rougi de sang et l’hématome qui ne se résorbe pas l’inquiètent.

Tendu, Robert Margé, l’empresa de Béziers, téléphone tous les quarts d’heure pour prendre de ses nouvelles.

En milieu de matinée, Richard après avis des médecins qui l’ont examiné lui fait état de sa décision de ne pas toréer.

A onze heures et demie au sorteo, Robert propose à Pepe Luis Segura, l’apoderado de Padilla, de transformer le mano a mano en un seul contre six à la charge du Jerezano. Pepe Luis lui répond que vu l’état physique de Padilla, il en est hors de question.

 « Je ne sais même pas s’il pourra en tuer deux ! » ajoute-t-il.

La seule solution serait de transformer le mano a mano en corrida ordinaire et comme José Antonio Campuzano présent sur les lieux, informe Margé et la compagnie que Loré et Meca sont au «Campanile»… le sorteo se fait sur des hypothèses.

A l’hôtel, Denis et Stéphane que Richard a mis au courant de sa défection mais qui n’en savent pas plus, déjeunent avec «Morenito» qui, à l’idée d’avoir à en tuer un, deux ou plus, est incapable d’avaler sa salade.

De retour du sorteo, Margé qui apodère Loré et qui a téléphoné à Casas qui gère les intérêts de Meca, s’avance vers la table, met la main sur l’épaule de Denis et Stéphane et leur dit :

« Mes petits poulets, vous toréez cet après-midi ! »

Complètement bouleversé, le cartel initial devient : Stéphane Fernandez Meca, Denis Loré, Juan José Padilla avec les toros de Miura et, par voie de conséquences, Lionel Rouff en sort, Robert Margé ayant l’élégance de lui en régler cependant le sueldo.

Il est 13h.

Les choses sont plus faciles pour Denis : Nîmes est à une heure et demie de route et Pepito Monzon, son mozo de espadas, est dans les temps pour organiser la cuadrilla et amener le costume.

Il en est autrement pour Stéphane ; Jesús Llorente, le valet d’épée et le reste de la cuadrilla sont toujours à San Sebastián et le costume au «Splendid» à Dax où, après Fréjus le 16, Stéphane devait toréer les Victorino le 17.

Tous prennent la route de Béziers à 13h15 pour couvrir les 520 km qui séparent les deux villes.

La corrida est reportée d’une heure et débutera à 19h.

« El Mangui », de la cuadrilla de Padilla, réajuste le sorteo dans la chambre ; inquiet Margé appelle Stéphane pour savoir…

Denis commence à s’habiller et Stéphane attend ; l’heure avance et Meca ne sait plus s’il sera à même de faire le paseo ; Amor Antunez «El Andaluz» qui devait toréer dans la cuadrilla de Richard, propose à Stéphane de lui prêter son costume…

La cuadrilla arrive à 18h15.

Meca enfile rapidement la taleguilla dans la chambre, monte dans la furgoneta, les motards de la gendarmerie ouvrent la route, Jesús lui ajuste la coleta pendant le trajet et Stéphane met la chaquetilla dans le patio de caballos.

Il est 18h55.

Et, soulagé, Padilla dit à Denis et Stéphane : «Nunca he estado tan feliz a ver vosotros”.

Padilla passe une mauvaise après-midi ; Stéphane et Denis coupent une oreille chacun et Simon, perclus par une sciatique, voit la corrida assis sur une chaise sur la plateforme au-dessus du toril.

Richard Milian fit sa despedida du toreo le 14 octobre de la même année à Floirac et coupa deux oreilles aux toros de Javier Pérez-Tabernero ; Stéphane Meca et Denis Loré qui partageaient le cartel avec lui le portèrent en triomphe. Ce jour-là, Padilla toréait je ne sais où et depuis la création de l’élevage en 1842, Miura avait fait lidier plus de 12.500 toros…

Patrice Quiot