Comme un film rétrospectif de ma vie taurine. Festival hommage à Antoñete à Madrid.…
12h, plein absolu, ciel ensoleillé. La veille, une statue fut inaugurée face à l’entrée des arènes de Las Ventas pour « El Mechón » Antonio Chenel.
Une ode à la gloire des toreros de Madrid.
5 novillos de Garcigrande de trapío respectable et donnant jeu parfait.
En ouverture, on eut un agréable préambule avec Pablo Hermoso de Mendoza face à un bon toro du Capea. Le rejón final en arrière gâcha cet amuse-bouche. Salut.
Le premier torero à pied fut le vétéran Madrilène Curro Vásquez. A 74 ans et 30 ans après sa despedida ici même que j’ai vue, le diestro parfaitement préparé physiquement fut royal. Une media clouée sur la hanche donna le ton de la qualité. Le début de faena fut irréel de temple et bon goût. Une classe surannée et des terminaisons impactèrent les gradins heureux comme des gosses. L’épée se logea entièrement lors d’un encuentro. 2 oreilles saluées unanimement. On se pince pour y croire !
Frascuelo, l’incombustible de 78 printemps, tua le second novillo et montra du recours et des gestes d’un savoir imperdable. Lui ne s’est jamais vraiment retiré de la profession. On l’avait vu à Orthez il y a quelques années. Il réussit même à s’en sortir d’une situation où il dut sprinter. Lame sous cutanée heureuse. Vuelta al ruedo. Pour l’anecdote cocasse, sa cuadrilla dut l’arrêter en chemin car le papy était parti pour un deuxième tour dans la foulée. Ils le ramenèrent à la raison.
Pour troisième guest star, ce fut le retour du Colombien César Rincón. L’indien de Bogotá, roi de Madrid, arriva affûté et l’œil vif comme au meilleures heures. On changea son premier opposant de Garcigrande pour un défaut de vision. Le novillo ayant envoyé dans les airs deux piétons, Morante au quite fit signe au palco de sortir le mouchoir vert. Florito et ses cabestros fit un dernier spectacle. Lui aussi se retirera à la fin de cette saison 2025. Le sobrero du même fer fut dans un premier temps assez discret puis ce fut un autre moment de magie. Le grand César sortit le grand jeu, citant de 30 mètres dans le diamètre de la cathédrale Madrilène. Même dans ses rêves les plus beaux, le torero de Bogotá n’aurait pu rêver un retour aussi grandiose. Des passes de poitrine avec un positionnement idéal pour conclure les séries simples pures et sans superflu. Las Ventas debout sur cinq séries magistrales signées César Rincón. Les aficionados hilarants hurlant torero, torero ! Après un pinchazo sur le haut, le petit matador au grand cœur se jeta comme un lion entre les cornes pour décrocher une nouvelle puerta grande 20 ans après son dernier triomphe dans le temple de la tauromachie. Revivre ça pour lui, j’imagine à peine l’émotion intérieure qu’il a vécue à 60 piges. Le tour de piste fut enflammé, j’ai vu une personne lancer son téléphone portable en piste !
Après ce sommet, ce fut le tour du jeune retraité des ruedos Enrique Ponce. Impeccablement élégant, le diestro inventa un toro de Garcigrande comme il le fit si souvent avec son temple et sa science des terrains. Un faenón salué par Madrid le respectable. Les Poncinas finales et les changements de mains me laissèrent les yeux écarquillés et bouche bée. Un pinchazo et une lame habile pour un trophée succulent.
Enfin vient le tour de l’organisateur du jour José Antonio Morante de la Puebla, splendide dans son traje noir comme un aigle. Il avait poussé le détail de l’hommage à Antoñete en allant chercher un toro blanc mosqueado d’Osborne, comme pour la faena légendaire de l’homme à la mèche blanche. Ce bicho fut le moins collaborateur et l’Andalou nous régala de quelques fulgurances magiques. Oreille de remerciement pour l’ensemble de son œuvre.
Le dernier chapitre de ce festival unique était à charge de la belle torera Olga Casado. Elle avait la pression car passer après ces monstres de la tauromachie face au public de Madrid, c’était une lourde responsabilité. Olga fut à la hauteur de l’événement et des attentes. Une prestation d’une entrega et parfaite technique. Admirable au capote, notamment avec son quite par gaoneras remarquablement conclu. Son élégance naturelle en plus fait du spectacle un ballet des plus agréable. Elle fit des Poncinas égales au maitre présent en ce jour de gloire. Au moment crucial de la mort, elle se montra particulièrement adroite avec une belle entière parfaitement en place. Deux oreilles amplement méritées. Ce sera dans les années futures la meilleure torera de l’histoire. À voir absolument en 2026.
Plus de trois heures d’émotions à fleur de peau, on est ressorti incrédules, revivant le fil de notre aficion taurine en un best of à peine croyable. On aurait dit un film. Un truc que l’on n’oubliera jamais. Quelle chance d’avoir pu vivre ça ! Il fallait bien un bon cocido Madrilène de la Casa Carola pour nous faire descendre du nuage matinal…
Texte et photos Arnaud Imatte.