L’appendice d’Ernest… (2)
« CAPT. D.S. – 26 ans ; militaire ; sujet britannique ; d’extraction irlandaise et anglaise ; éducation : secondaire et Sandhurst ; envoyé à Mons en 1914 comme officier d’infanterie ; blessé le 27 août 1914 ; 1914-1918, brillants états de service comme officier d’infanterie. Monte à cheval dans les chasses et les concours régimentaires. Divertissements : chasse, ski, alpinisme ; écrivain très lu et qui a un jugement intelligent de la littérature et de la peinture modernes. N’aime pas les jeux d’argent, ni les paris. Souffrit sincèrement et profondément à la vue de ce qui arrivait aux chevaux, à sa première course de taureaux ; déclara que c’était la chose la plus odieuse qu’il eût jamais vue. Continua à y assister, afin, dit-il, de comprendre la mentalité d’un peuple qui tolérait un pareil spectacle. À la fin de sa sixième corrida, il avait si bien compris qu’il se trouva mêlé à une dispute en prenant la défense de la conduite d’un matador, Juan Anllo, Nacional II, qu’un spectateur avait insulté dans l’arène. Descendit dans l’arène aux courses d’amateurs du matin. Écrivit deux articles sur la tauromachie, dont l’un en était une apologie, dans la gazette du régiment.
MRS. A.B. – 28 ans ; Américaine ; n’est pas une amazone ; éducation : cours supérieurs pour jeunes filles du monde ; étudia pour chanter dans les opéras ; n’aime pas les jeux, ni le jeu ; ne parie pas. Assista aux courses de taureaux : fut modérément horrifiée. Ne les aima pas. N’y retournera pas.
MRS. E.R. – 30 ans ; éducation : collège et université américaine ; montait à cheval et avait un poney étant enfant ; musicienne ; auteur favori : Henry James ; sport favori : tennis ; n’avait jamais vu de match de boxe, ni de course de taureaux avant son mariage. Aima les bons matches de boxe. Lui, ne voulait pas qu’elle vît les chevaux dans la corrida, mais pensait qu’elle aimerait le reste ; il lui faisait détourner les yeux quand le taureau chargeait le cheval ; il ne voulait pas qu’elle fût horrifiée ; il s’aperçut qu’elle n’était pas horrifiée à la vue des chevaux et qu’elle goûtait cela comme une partie de la corrida, qu’elle aima beaucoup la première fois et dont elle devint une grande admiratrice et partisan. Se fit un jugement presque infaillible pour dire la classe d’un matador, son degré de sincérité et ses possibilités, dès qu’elle l’avait vu une fois à l’œuvre. Fut très impressionnée, une fois, par certain matador. Le matador fut certainement très impressionné par elle. Fut assez heureuse pour être loin des courses de taureaux pendant la débâcle morale de ce matador.
MRS. S.T. – 30 ans ; Anglaise ; éducation : collège privé et couvent ; fit du cheval ; alcoolique nymphomane. Fit un peu de peinture. Dépensait son argent beaucoup trop vite pour pouvoir jouer avec ; jouait à l’occasion avec de l’argent qu’elle empruntait. Aimait boire plus que tout amusement ; fut plutôt choquée par les chevaux, mais si enthousiasmée par les toreros et tout ce qui était émotion forte qu’elle devint un partisan du spectacle.
W.G. – 27 ans ; Américain ; mâle ; éducation universitaire ; excellent joueur de base-ball ; très bon sportif, fine intelligence et bon jugement esthétique ; sans autre expérience des chevaux qu’à la ferme ; remis récemment d’une grave dépression nerveuse ; fut horrifié par les chevaux. Ne put rien voir d’autre. Regardait tout du point de vue moral. Souffrit sincèrement en voyant infliger de la douleur. Prit en haine les picadors. Avait le sentiment qu’ils étaient à blâmer personnellement. Quand il eut quitté l’Espagne, le sentiment d’horreur s’éteignit et il se rappela des parties de la corrida qu’il avait aimées, mais, en toute vérité et franchise, il n’aimait pas les courses de taureaux.
R.S. – 28 ans ; Américain ; mâle ; écrivain arrivé au succès sans fortune personnelle ; éducation universitaire ; goûta beaucoup les courses de taureaux ; aime la musique des compositeurs à la mode, mais n’est pas musicien ; peu de jugement esthétique en dehors de la musique ; ne monte pas à cheval, ne fut nullement peiné par les chevaux ; alla à des courses d’amateurs le matin et plut beaucoup au public ; vint à Pampelune pour deux ans. Semblait aimer beaucoup les corridas, mais ne les a plus suivies depuis son mariage, bien que, souvent, il dise qu’il aimerait y retourner. Peut très bien y revenir un jour ou l’autre. Semblait sincèrement les aimer, mais n’a plus le temps maintenant pour d’autres occupations que ses obligations mondaines ou ses affaires. Aime sincèrement le golf. Joue très peu, mais parie de temps en temps sur des questions de véracité, d’opinion, de loyauté entre camarades d’études, etc… »
A suivre…
Patrice Quiot