Et eux, seuls avec elle… (1)

 

Énigmatique.

Le nom.

 

Pas le bâton monté d’une traverse.

Sur laquelle on appuie l’aisselle ou la main.

 

Celui des infirmes.

Manchots du bas.

 

Dont les membres absents ou évanouis.

Rappellent Scarron, tordu dans la forme d’un Z, les genoux rentrés dans l’estomac.

 

Mais habile joueur de luth.

Dessinant agréablement, dansant à ravir et merveilleux railleur des tardes de Mme de Scudéry.

 

L’éclat du disgracieux.

Et la grâce De Juan Belmonte García.

 

Étrange.

La forme.

 

Quadrilatère.

Indescriptible.

 

Deux cotés.

L’un droit, son opposé courbe.

 

Les deux autres.

Divergents.

 

L’un tendu.

L’autre sécant.

 

Le premier vers l’horizon.

Le second vers on ne sait où.

 

Chateaubriand.

Et Céline.

 

La géométrie.

D’un imparfait.

 

Pour bâtir.

Une œuvre de perfection.

 

Curieuse.

L’histoire.

 

Du lin.

Ou du chanvre de l’origine.

 

Des bandelettes entourant le corps des pharaons.

A la Bible de Gutenberg.

 

Du zeugma d’Hugo.

A la corde qui pendit Jim «Killer» Miller.

 

De Romero qui le premier l’utilisa.

A Cúchares qui se satisfaisait d’une courte et à Costillares qui l’agrandit.

 

De la flanelle à l’élégance de Croisette.

Et de la laine des bédigues obtuses.

 

A la serge d’aujourd’hui.

Dont l’étymologie hellène atteste d’un textile fait de soie.

 

Une palette de végétaux.

Tissés en chaîne ou en trame pour dompter une pulsion d’animal.

 

A suivre…

Datos

Le terme de muleta pourrait avoir comme origine muletilla, nom espagnol du bâton en passementerie.

Francisco Romero passe pour être celui qui introduisit l’usage de la muleta vers 1726.

Dans les premiers temps, elle s’appelait lienzo, était de couleur blanche et faite en lin, chanvre ou coton, accroché à un bâton. Plus petite qu’aujourd’hui, son usage était aussi plus limité. Sa couleur pouvait changer (rouge, jaune ou bleue) selon le choix du torero, avant que le rouge ne soit définitivement adopté.

 

Au milieu du XIXe siècle, à l’époque de Cúchares, la muleta était encore de petite dimension et aux débuts de la carrière de Lagartijo, sa couleur pouvait changer.

 

On suppose que c’est « Costillares », qui a imaginé l’élargissement de la muleta et sa fixation sur un bâton pour être plus maniable.

 

Sa taille a augmenté au fil du temps, et de nouveaux matériaux furent utilisés, comme la flanelle ou la laine. À mesure que sa taille augmentait, de nouvelles figures, plus complexes et d’un plus grand intérêt artistique, furent possibles. Mais le changement le plus significatif est celui de sa fonction : la muleta est passée d’un simple instrument de défense, destiné à faire baisser la tête du taureau avant l’estocade, à l’instrument central de l’art du matador…

 

Patrice Quiot