Controversia de expectación, controversia de decepción…
Colegio de San Gregorio de Valladolid.
Empresa : SA «Carlos Quinto y Papa Julio Tercero».
Gran acontecimiento filosófico.
Agosto 15/1550 – Mayo 6/1551 (por mañanas y vespertinas).
Espadas : Bartolomé de las Casas (de Sevilla) y Juan Ginés de Sepúlveda «El Sepú.» (de Pozoblanco) en un sensacional mano a mano.
Ganadería : «Controversia».
Palco : Président : Cardinal Roncieri, légat du Pape ; assesseurs : Domingo de Soto, Bartolomé de Carranza.
El festejo no estará animado por una banda de música.
Precios populares.
Reseña du festejo : (Envoyé spécial)…
“Lleno de no hay billetes a pesar de las lluvias intermitentes.
Le lío préalable entre le «Sepú» et Las Casas au sujet de la publication en 1547 d’un livre du «Sepú» dont Las Casas avait demandé la mise à l’index et obtenu gain de cause ajouté au fait que, vexé, le «Sepú» en avait fait publier un autre, mais à Rome, avait donné un piment supplémentaire à ce mano a mano filosófico exceptionnel.
Bartolomeo de Las Casas, sevillano de pura cepa, ex-évêque de Chiapas au Mexique, est un dominicain.
Pour Las Casas, la victoire ou la défaite des peuples ne sont pas des signes d’élection ou de condamnation divine. Il ne nie pas les données, tout son plaidoyer porte sur les malheurs des Indiens, mais il reformule entièrement le problème. Comment expliquer la défaite des Indiens ? Par des causes humaines trop humaines : traîtrise, supériorité des armes et barbarie !
C’est l’avocat des Indiens.
Juan Ginés de Sepúlveda «El Sepú », andalou de Pozoblanco, grand théologien, chroniqueur et confesseur de l’empereur, disciple d’Aristote «El Metafísico », est un jésuite.
Sepúlveda reprend deux arguments traditionnels. Celui de la révélation primitive d’abord : Comment se fait-il que ces peuples lointains n’aient pas été instruits du christianisme puisqu’il est dit, dans les Évangiles, que les apôtres s’en sont allés convertir toutes les nations ? Ensuite, comment ne pas voir la main de Dieu dans l’extermination des Indiens ? Si c’étaient vraiment ses enfants, permettrait-ils ces massacres ? En réalité, la colonisation s’inscrit dans le dessin divin. Dieu punit les Indiens de leur idolâtrie et les Espagnols ne sont que son bras armé. Bref, Dieu est avec nous !
C’est l’accusateur des Indiens.
Empieza el festejo a las diez de la mañana vallositana el día 15 de agosto de 1550.
Au patio de caballos, Bartolomeo de Las Casas vestido de gris con cabos blancos et Juan Ginés de Sepúlveda «El Sepú» de negro azabache.
La tension est palpable et se lit sur les visages. Les deux protagonistes se serrent la main, mais s’ignorent.
Le desafío du jour est simple mais fondamental : Un peuple qui se croit supérieur a-t-il le droit d’imposer une tutelle, même provisoire, à un peuple qu’il juge inférieur et, par voie de conséquence, qui doit décider de la supériorité ou de l’infériorité d’un peuple ?
La réponse déterminera de façon définitive la façon d’envisager les futures temporadas sud-américaines.
Dans le type de l’encaste socratique platonicien, con cuajo y de excelente trapío à la présentation impeccable et applaudie à la sortie, mais compliqué et exigeant, vint l’envoi du jour.
Juan Ginés met tout de suite la jambe et les cartes sur table.
Faena presque exclusivement droitière ; souvent décousues, mais con mucha entrega et à base de dénonciation d’idolâtrie, de péchés contre nature et d’infériorité de la race, ses tandas résonnent comme des coups de canon.
Tout le registre y passe :
Tourniquet regardant le palco, pases du «Dieu terrible qui élit son peuple», desplante populiste du «Certes des humains, mais inférieurs, des esclaves nés» et, comme on pouvait s’y attendre, redondance du «Les Indiens ont-ils une âme ?».
Facilón anda «El Sepú» qui arrive bien au public.
Changement de main sans écho pour essayer de cuajar l’incapacité des Indiens à se gouverner par eux-mêmes ; remates secs pour justifier leur mise sous tutelle : « Ils ignorent l’usage du métal, des armes à feu et de la roue. Ils portent leurs fardeaux sur le dos, comme des bêtes, pendant de longs parcours. » y pase de pecho accroché pour conclure que la conversion indispensable des Indiens exige leur soumission préalable.
Faena technique, d’arrimón con mucho oficio et beaucoup de recours, mais faena sin gracia, sin garbo.
Faena aristotélicienne, faena bilbaina conclue par un estoconazo assassin : « Leur nourriture est détestable, semblable à celle des animaux. Ils se peignent grossièrement le corps et adorent des idoles affreuses » porté avec la foi du charbonnier.
Tranquilo y relajado va el sevillano Las Casas.
Con gusto et sobriété.
Sur la main droite, pases du « Tous les hommes sont égaux » et detalles de lujo : « Les corps des Indiens sont semblables aux nôtres et leurs femmes peuvent être fécondées par des Espagnols ».
Sur la main gauche, naturelles du « Pour vous, tout ce qui n’est pas européen est inhumain » qui dialectise l’idée de similitude.
Run- run taurino.
Le Sevillano enchaine un magnifique « Les Indiens, malgré tout ce qui nous sépare d’eux, sont nos semblables », suivi d’un « Ils sont doux », long comme un train de phosphate et un extraordinaire « Ils sont comme nous » donné dans une génuflexion au centre.
On entrapercevait la Puerta Grande.
Mais Las Casas en fit trop, un peu trop. Trop marqué de christianisme, son trasteo ne renvoya soudain plus à une nature qui serait la même chez tous les hommes, mais au fait que tous les hommes sont frères car tous fils de Dieu.
Les muletazos devinrent lourds par excès d’œcuménisme, la faena de Bartolomé se transforma en catéchèse et l’estocade pas à la hauteur fut donnée avec un goupillon.
On attendait un torero con valor ; nous eûmes droit à un gentil prélat mitré. Dommage.
Terminó el festejo a las ocho y media de la tarde vallositana el dia 6 de mayo de 1551.
Festejo très long (8 mois et 21 jours).
Aucun cartilage coupé.
On resta sur notre faim, le public sortit déçu, la race de « Controversia » pas suffisamment exploitée et aucune suite immédiate donnée à l’enjeu du desfio ; l’empresa «SA/Carlos Quinto y Papa Julio Tercero» qui a fait une grosse entrée a probablement d’autres chats et d’autres Indiens à fouetter.
Controversia de expectación, controversia de decepción dit l’adage.
12,3 au mercure (moyenne des températures des 266 jours dont 183 de pluie).
Au menu du premier soir : Sopa de chícharos ; morcilla de Valladolid et conejo a la cazadora.
Au menu du dernier soir : Sopa de ajo ; gallina en pepitoria et patatas a la importancia”.
Datos
Bartolomé de las Casas (11/11/1484/Séville – 18/07/1566/Madrid). Prêtre dominicain, missionnaire, écrivain et historien espagnol, célèbre pour avoir dénoncé les pratiques des colons espagnols et avoir défendu les droits des Amérindiens. Le 2 octobre 2002, son procès en béatification a été ouvert par l’Église catholique.
Juan Ginés de Sepúlveda (11/06/1490/Pozoblanco – 17/11/1573 /Pozoblanco). Homme d’Église espagnol. Il est avant tout connu pour avoir été au cœur de la Controverse de Valladolid, opposé à Bartolomé de Las Casas.
Patrice Quiot
