Clairon et clarines…
11 novembre 1918, 11h.
Le clairon sonne dans les tranchées.
C’est le cessez-le-feu.
Quelques heures plus tôt, à 5h15, l’armistice a été signé.
Dans un wagon à Rethondes dans l’Oise.
Et pourtant, en ce matin du 11 novembre.
Vers 10h50, à Vrigne-Meuse dans les Ardennes.
L’agent de liaison Augustin Trébuchon est fauché en portant un message.
Il annonçait la soupe.
Ce lundi.
Comptabilisera.
Près de onze mille tués ou blessés
Un mois et un jour avant.
« El 10 de octubre, en la corrida en que su hermano Rafael se despidió del público madrileño, con el cuarto toro del marqués de Guadalest, realizó José una de las más hermosas faenas que ha ejecutado« .
Et un an, deux mois et six jours avant Augustin.
Quand Manuel Laureano Rodriguez «Manolete» avait deux mois.
Le 5 septembre 1917, Charles Péguy mourait d’une balle dans le front.
Le 22 septembre de la même année.
Sur les coteaux de la Meuse.
Tombait Alain Fournier.
Affaibli par une blessure à la tempe en 1916, provoquée par un éclat d’obus et dont il ne s’était jamais complètement remis.
Apollinaire mourra.
Le 9 novembre 1918, à l’âge de trente-huit ans.
Ypérite.
Tranchées.
Boue.
Rats.
Saillant de St Mihiel.
Chemin des Dames.
Susto.
De.
Todos los lados.
Pious-pious à moustache.
Poilus en bleu horizon.
Mais aussi.
Ouédraogo, Traore.
Ouattara, Belkacem ou Harbi en chéchias.
Dans l’horreur de Verdun.
« La petite église à moitié éventrée, l’intérieur mis à sac. Au milieu des plâtres et des pierres effondrées, une chaise est redressée. On est venu prier dans ce chaos, le livre est encore ouvert sur le dossier. Les arbres sont déchiquetés, les racines tordues gémissent vers le ciel, une tombe d’un soldat français, quelques pelletées de terre sur le mort de qui on aperçoit les deux bouts de soulier sont autant d’éloquentes choses qui réclameraient bien davantage urgence que les articles haineux des journaux de Paris ! Saint-Saëns contre Wagner. Quelle bêtise ! Parce que des brutes ont assassiné, vouloir à toute force s’attaquer aux génies de l’autre race pour les renverser sinon les amoindrir » écrivait Maurice Maréchal, violoncelliste, matricule 4684, classe 12, soldat de 2e classe, brancardier et agent de liaison cycliste.
Aussi, s’il est vrai de dire.
Que ce 11 novembre 1918.
Dans une Espagne restée neutre au conflit.
Mais où l’agitation sociale.
Secoue la campagne andalouse.
Où les grands propriétaires refusent de donner du travail aux paysans sans terre
Où loin de la Somme.
De la Marne.
Ou du Mont des Singes.
Cabarets, clubs.
«Cafés cantantes».
Music-halls, bars avec orchestre se multiplient.
Quand la zarzuela.
Dont les refrains sont dans toutes les bouches.
Connaît un renouveau.
Que, déjà riche et adulé, José Gómez Ortega, matador de toros depuis 1912.
A estoqué plus de huit cents toros.
A à peine vingt-deux ans.
Et que, réformé pour faiblesse de constitution.
Pierre Boudin «Pouly».
A échappé à la boucherie, mais en a déjà mis à mort quelques-uns.
Il est également vrai de rappeler
Que «Distinguido» de Don Felix Gomez avait tué Fermín Muñoz Corchado y González « Corchaíto » à Carthagène le 9 août 1914.
Qu’à Madrid le 22 avril 1917 «Cocinero» de Benjumea avait fait de même à Florentino Ballesteros .
Que le 17 février 1915, Léonce André « Plumeta », torero et revistero.
Fauché lors d’une attaque.
Mourrait dans l’ambulance qui le transportait au château de Braux-Sainte-Cohière, près de Valmy dans la Marne.
Quand.
Juan Belmonte était matador de toros
Depuis deux ans.
Et que le lendemain du 11 novembre 1918.
Quand les gueules cassées.
Les gazés.
Les aveugles.
Les amputés.
Les tremblants.
Tous infirmes de categoría.
Aux cornadas de shrapnell.
Retrouvaient leurs villages.
Les Nivelle, Sarrail et autres généraux salonnards sin vergüenza.
Tous pompeusement décorés repartaient sans remord.
Faire leur paseo de muerte sur d’autres champs de bataille…
Datos
– Le conflit a fait plus de 9 millions de morts et disparus (1,4 million pour la France), plus de 21 millions de blessés (4 millions en France).
En moyenne, 900 Français mouraient chaque jour sur les champs de bataille.
« L’événement déclencheur de la Grande guerre est connu de tous les écoliers : l’assassinat de l’archiduc François Ferdinand, héritier du trône d’Autriche-Hongrie à Sarajevo le 28 juin 1914 par des nationalistes serbes. On parle ensuite “d’engrenage des alliances” pour expliquer les entrées en guerre successives de la Russie, de l’Allemagne et du Royaume-Uni, comme si le conflit mondial était la conséquence inéluctable de cet assassinat. Ses facteurs sont en réalité bien plus complexes.
Pour plonger aux racines profondes de la Grande Guerre, il faut remonter à la seconde moitié du XIXème siècle, la Révolution industrielle et la colonisation. Les grandes puissances mondiales adoptent alors des politiques expansionnistes qui les amènent à entretenir des rivalités croissantes. Ces rapports de force s’expriment à la fois dans la conquête de nouveaux territoires, débouchés pour la population et les marchés européens, et sur le terrain commercial, sur les marchés chinois et ottomans. Cette grille de lecture a été abondamment développée par la pensée marxiste, relève Élise Julien, notamment parce que Lénine avait d’emblée déclaré que la Première Guerre mondiale était une guerre impérialiste, stade suprême du capitalisme.
Sans revenir sur cette explication, les travaux récents sont venus nuancer le phénomène. On sait maintenant l’interdépendance des économies, et les solidarités très fortes qu’il pouvait y avoir dans certains secteurs, comme la finance, qui avaient besoin de paix pour fonctionner. La City londonienne, par exemple, a cherché à retenir le gouvernement britannique de faire la guerre. Il y avait des rivalités économiques très fortes, certes, mais tous les industriels n’étaient pas des va-t-en-guerre.
Sur le moyen terme interviennent les facteurs politiques, en particulier les discours nationalistes qui se développent dans les dernières décennies du XIXème, le pangermanisme allemand, le jingoïsme anglais… « C’est la période de l’entrée en politique des masses, résume Élise Julien, auxquelles les dirigeants essaient de donner un contenu de mobilisation autour de l’idée nationale.” Ces discours accroissent les rivalités entre les États, notamment entre la France et l’Allemagne autour de l’Alsace-Lorraine, mais aussi au sein de l’Autriche-Hongrie, qui est alors un empire multinational, et chez les minorités slaves des Balkans.
Cette montée des tensions conduit à la mise en place du jeu des alliances, avec la Triple-Alliance entre l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie à partir de 1882, et la Triple-Entente entre la France, le Royaume-Uni et la Russie à partir de 1892. Tout un climat de défiance se développe, qui aboutit à la mise en place des lois militaires qui préparent la guerre. Le service militaire est allongé, les budgets d’armement augmentent, des plans de guerre offensifs sont établis.
À l’été 1914, toutes les pièces sont en place pour une escalade extrêmement rapide du conflit.»
(Sources : geo.fr/histoire du 29/03/2021).
Patrice Quiot
