Pregoneros de Nîmes…

 

« Le nîmois est à demi romain

Sa ville fut aussi la ville aux sept collines

Un beau soleil y luit sur de grandes ruines

Et l’un de ses enfants se nommait Antonin ».

Jean Reboul (1796/1864).

 

« La richesse et la magnificence de Nîmes résident moins dans ses monuments antiques et ses palais que dans le trésor de verdure et d’eau qu’elle enserre, reine d’un pays sec et sans ombrage. Eaux précieuses, profondes, superbement prodiguées, étalées, intronisées dans les jardins qu’elles vivifient, tombantes, bondissantes, couronnées de lauriers, offertes en spectacle, inépuisables sur leurs décors de ramures, jaillissantes sur les marches de leurs palais, endormies dans leurs conques, leurs vasques, leurs canaux ; couchées sur les autres jardins qu’elles nourrissent – sous les reflets du ciel et des branches – dans leurs profondeurs transparentes. »

Valéry Larbaud (1881- 1957 – Septimanie).

 

LES HALLES

« Les commerces, les produits, les hommes et leur grande gueule, les marchandes pointues ou généreuses, les fées Carabosse derrière trois planches, les jolies fromagères aux yeux noirs, les joyeux bouchers et les plantureuses volaillères, et même l’immuable vendeur de Midi Libre et de La Marseillaise au croisement des deux allées centrales, tout ce monde a secoué le béton ; ramené le vie, les cris, la chaleur : la marée des fruits, des odeurs d’oranges, d’olives, de poissons, de fruits de mer, de brioches et de fromages l’a emporté. Les goûts et les accents violents ont forcé les portes de fer ».

Christian Liger (1935 – 2002). (Nîmes sans visa : portrait d’une ville ; 1987)

 

MAISON CARRÉE

« En arrivant à Nîmes à cinq heures du matin, car on ne peut plus voyager que de nuit à cause de l’extrême chaleur, je cours à la Maison Carrée. Quel nom bourgeois pour ce charmant petit temple ! D’abord il n’est point carré, il a la forme d’une carte à jouer, comme tout honnête temple antique. Son petit portique ouvert, soutenu par de charmantes colonnes corinthiennes, se dessine sur le ciel bleu du midi. Les autres colonnes qui l’entourent sont à demi engagées dans le mur, ce qui aujourd’hui n’est pas à la mode. L’effet du tout est admirable ; j’ai vu des monuments plus imposants en Italie, mais rien d’aussi joli de ce joli antique qui, bien que chargé d’ornements, n’exclut point le beau. C’est le sourire d’une personne habituellement sérieuse. L’âme se sent doucement émue à la vue de ce temple, qui n’a pourtant que soixante-douze pieds de longueur et trente-six de large ; il est plus petit, comme on voit, que la plupart des églises gothiques de nos villages : et quelle différence pour la quantité de choses dites à l’âme ! Au reste, ces choses ne sont point les mêmes ; la Maison Carrée est bien loin d’inspirer la terreur ou même la tristesse ».

Stendhal (1783 – 1842) (Mémoires d’un touriste, 1838)

« La parade kaléidoscopique des heures sur la maison carrée ».

Serge Velay (1948). (Déjouer le démon ; 2024)

 

PALAIS DE JUSTICE

« Les monuments ont des aspects étranges, le palais de justice, avec ses puissantes colonnes et son péristyle ressemble à une scène ; Œdipe, Jules César n’attendent que les trois coups pour sortir de la nuit dans leur laine sanglante… »

Marc Bernard (1900 – 1983). (Une journée toute simple, 1950)

 

ARÈNES

« … Enfin la maudite grille s’ouvrait. On avait le droit de s’élancer dans le noir, dans la fraicheur des voûtes, de ces escaliers géants, et d’arriver tout à coup à l’éblouissement du jour tombant d’aplomb sur les gradins étagés […] »

« […] son enfance avait vécu là ses meilleures heures tout en joies et en désirs. Oh ! Les dimanches de course de taureaux, la flânerie autour des grilles avec d’autres enfants pauvres comme lui, n’ayant pas les dix sous pour prendre un billet. Dans le soleil ardent de l’après-midi, le mirage du plaisir défendu, ils regardaient le peu que leur laissaient voir les lourdes murailles, un coin de cirque, les jambes chaussées de bas éclatants des toreros, les sabots furieux de la bête, la poussière du combat s’envolant avec les cris, les rires, les bravos, les beuglements, le grondement du monument plein ».

Alphonse Daudet (1840 – 1897 – Numa Roumestan, 1881)

 

JARDINS DE LA FONTAINE

« Ce qu’on appelle la Fontaine à Nîmes est un grand jardin plein d’ombrage et de murmures. II n’y avait pas tant d’eau du temps qu’on se baignait sous les colonnes de marbre qui se trouvent suspendre une grande allée de jardin dans laquelle vous marchez. Au milieu, il y a une île avec des Amours et des Naïades du temps de Louis XIV qui a fait construire le canal qui conduit l’eau jusqu’à la ville ».

Maxime Du Camp (1822–1894) et Gustave Flaubert (1821-1880 – Par les champs et par les grèves, 1881)

« Je veux revoir, sous ce ciel lourd, mon refuge élyséen : les jardins de la Fontaine […] Est-ce que le printemps de l’an passé n’a pas duré, magiquement jusqu’à cette heure, pour m’attendre ? Il est si féérique en ce lieu, le printemps immobile et suspendu sur toutes choses, que je tremble de le voir s’abîmer et se dissoudre en nuée… »

« Le beau jardin, le beau silence, où seule se débat sourdement l’eau impérieuse et verte, transparente, sombre, bleue et brillante comme un vif dragon ! »

Colette (1873 – 1954 – La Vagabonde, 1910)

 

TEMPLE DE DIANE

« Au fond du jardin et à côté de la fontaine, à gauche, est le temple de Diane dont la voûte est écroulée ; on marche sur les frises et les corniches, les acanthes de marbre sont couvertes de mousse, les statues sont brisées et on n’en voit que des tronçons, morceaux de draperies qui semblent déchirés et qui se tiennent debout seuls comme des loques de marbre ; on se demande où est le reste ».

Maxime Du Camp (1822–1894) et Gustave Flaubert (1821-1880 – Par les champs et par les grèves, 1881)

 

TOUR MAGNE

« Du haut de la Tour Magne, on voit toute la plaine de Nîmes, ses maisonnettes éparses dans la campagne, à mi-côte, toutes entourées de jardins d’oliviers et de vignes, et chacune assise à son aise dans la verdure grise de ses touffes d’oliviers. De longues rues qui descendent vers la ville, encaissées dans deux couloirs de murs faits avec de la poussière et des cailloux, ressemblent à des lignes de craie serpentant sur un tapis vert ».

Maxime Du Camp (1822–1894) et Gustave Flaubert (1821-1880 – Par les champs et par les grèves, 1881)

 

« La tour Magne tournait sur sa colline laurée

Et dansait lentement s’obombrait

Tandis que les amants descendaient la colline

La tour dansait lentement comme une sarrasine

Le vent souffle pourtant il ne fait pas du tout froid

Je te verrai dans deux jours et suis heureux comme un roi

Et j’aime de t’y aimer cette Nîmes la Romaine ».

Guillaume Apollinaire (1880 – 1918). (Poèmes à Lou, 1915)

 

Datos

 

Pregonero: Persona que publica o divulga algo. (Diccionario de la lengua española.)

« Le pregón tient du discours inaugural de rentrée à l’Académie et des exhortations hurlées sur le marché : « Venez voir ma belle laitue ! » ; « Par ici les belles poires ! » Sauf que cette fois, il faut dire, si possible avec originalité et talent, quelque chose comme : « Séville, tu es la plus belle du monde ! » et : « Aujourd’hui, jour de Pâques, courons tous aux arènes ! ».

(Francis Wolff «L’appel de Séville»)

Patrice Quiot