La geste de  Gonzalo Sánchez Conde s’inscrit naturellement dans une nomenclature de l’excès.

Et le gazier «Gonzalito» dans un registre de personnage de bande dessinée.

Rond comme Ribouldingue, canaille comme Croquignol et rusé comme Filochard, il semble sorti tout droit d’une boite en carton.

Propulsé par un ressort de locura.

Petit, cheveux gominés, agité, en perpétuel mouvement, manager, valet d’épée, confident de toreros, occupant tout l’espace du hall du «Colon», il aurait pu être la caricature sordide d’un épicier enrichi par le marché noir, s’il n’était magnifiquement théâtral.

Entrant par le jardin, il sort par la cour en passant la tête par l’entrebâillement de la porte du toril de la Maestranza.   A Dunkerque, il serait tambour-major, à Munich, gargotier, aux îles Trinidad et Tobago, marchand d’esclaves.

Dans la ville où est né Jean Paulhan, il serait hermano mayor des «Allobroges Nîmois» et porte fanion des lendits  de l’USEP lors de leur défilé dans les arènes.  

Dans toute la planète taurine, il est simplement  «Gonzalito».

Le mozo d’espadas de Curro.

De toda la vida.   En camisa guayabera, una mano empuñando el móvil.

Y con el reloj « Piluco ».  

«Gonzalito».

Quatre syllabes.

Et une vie d’aventure sur trois continents.  

Il court, il va, il vient.

Il vole.

Il se télé transporte.

On croit l’avoir aperçu à la Casa de Pilatos de la Alfalfa mais au même moment un collègue dit l’avoir croisé devant le stade du Betis et un troisième affirme sur la tête de l’Esperanza de Triana l’avoir vu se goinfrer de lenguas de almendra à la confiteria « La Campana » de Sierpes.  

Dans le monde des toros, il est impossible de ne  pas le rencontrer ; il est toujours déjà là.

Omniprésent.

Incontournable.

Comme les asperges et les fraises des repas de famille au mois d’avril.  

Bien évidemment, Gonzalo Sánchez Conde converse. Et dit  les choses.

Haut, vite et fort.

En un andalou dialectalement parfait et en brasségant l’air comme lou Ravi de la crèche.

Mais quand on lui demande si, de derrière la barrera, il parlait à Curro, il répond : « A Curro sólo te salía decirle Ole”.  

Eclectique, il aime autant les chocos con patatas de la cuisine de Huelva, su tierra, que le rebujito et le pescao frito du lundi de l’alumbrao sévillan, les affaires compliquées que les choses simples, les plages de Mazagón et de Matalascañas que les bancs de sable des rives du Guadalquivir.

Il aime  le flamenco mais pas les seguiriyas.  

Et s’il a apodéré aussi bien Victor Mendes que « El Cid », il  a dirigé avec la même ambition le groupe  comico-taurino «  El Popeye Torero y sus Enanitos Marineros ».

Il se définit comme un “gestor de contratación”.

En se grattant les couilles.  

Diabolique, plus près de Gnafron que de Guignol, de Leporello que de Sancho Panza il illumine de ses extravagances les sanies de la petite bourgeoisie boutiquière de ses origines.

Religieux et païen à la fois, arrogant et vil, admiré comme une tenancière de maison close et haï comme la gravelle, Gonzalito est un nain onubense de Goya qui se serait pris de passion pour le Game Boy Colour et qui traverserait le monde des toros les poches pleines de friandises en s’essuyant le nez  à la nappe de la table de ses hôtes.  

Il m’espante.  

Je me souviens, il y a deux ans, avoir croisé Gonzalo Sánchez Conde.  

Il m’a simplement dit dans un sourire comme une grimace : « ¿ Hola cojo, que tal ? ¡ Pareces un saxofonista belga ! ».  

Un remate.

De luxe.

Patrice Quiot