« Pan negro de Tempul » disait l’affichette mal scotchée sur la devanture du rade.
Près de San José del Valle, à 67 km à l’est de Jerez, à côté de l’embalse de Guadalcacn.
Sur la A2201, après El Mimbral et avant Algar.
A un jet de pipas des Alcornocales.
A deux bornes de « Fuente Ymbro » et de « Los Romerales » de Ricardo Gallardo.
A 1448 km de Nîmes.
Loin de tout.
Le pays est rude, stérile, ingrat.
Petits ilots de végétation qui conservent des traces des anciens bois d’oliviers sauvages et qui cohabitent avec des bruyères, des palmiers nains, des myrtes.
Des «canutos», ravins étroits et profonds.
Et des pluies ordinaires.
Des oiseaux de proie dans le ciel.
Des reptiles cachés.
Et des chauve-souris dans les grottes.
Un Aragon andalou.
C’est l’appellation «pain noir» qui m’avait accroché.
Une métaphore de l’endroit.
Un pain de farine grise, de son et de paille.
Proche du pain mélangé de serrín.
Celui de la guerre civile.
Un pain de bagnard qu’on rompt sans grâce avec les doigts.
Le pain de Jean Valjean, celui des Thénardier, peut-être celui d’Artaud à l’asile de Rodez.
Un pain au goût de terre.
Une croûte dure.
Une mie serrée.
Un pain de puchero brûlant et de vin épais.
Sans indulgence.
Pain du sertão brésilien.
Et des gitans maudits.
Pain à l’envers.
Des bourreaux du garrote.
Pain mâché lentement, béret sur la tête.
Sous les branches d’arbres secs.
Et du haut des tendidos des plazas de mala muerte.
En pensant aux cornadas de la vie.
Et au toreo grave de Paco Ureña. « Pan negro de Tempul » disait l’affichette mal scotchée sur la devanture du rade.
Patrice Quiot