Israel Galván incarne un flamenco nouveau.

Avec « Arena», il propose sa lecture de la tauromachie.  

« Je voulais explorer le climat de la tauromachie, me confronter à un univers près du flamenco selon mon propre point de vue, explique-t-il en entrevue au Devoir avec une simplicité charmante. [Le titre] renvoie à plusieurs choses: à l’arène de la période antique et romaine et au lieu où il se passera quelque chose. » Il n’est pas là pour juger le rituel, ni pour le mettre en scène, mais pour le vivre physiquement et à travers la musique. « Je ne raconte pas une histoire. Si je choisis un thème, je le développe par le biais de mon corps et de la musique. »

Un duel.

La pièce se déroule en six volets, dont trois doivent leur titre aux noms de taureaux qui ont tué des toréadors célèbres: Bailador, qui donna la mort à Joselito El Gallo en 1920; Granaino, qui tua Ignacio Sánchez Meijas en 1934; et Pocapeña, qui encorna Manuel Granero en 1922.

Les autres tableaux sont consacrés à l’espace de l’arène (Burlero), au silence et à la respiration (Playero) et enfin au chant du cygne (Cantinero), interprété sur un paso doble.

Il s’agit moins d’un duel entre lui et la bête qu’entre son œuvre et le public.

« Le risque se trouve dans le fait que le public décide, il peut tuer spirituellement l’artiste, affirme le danseur et chorégraphe. Chaque décision qu’on prend est liée à un danger. Un peu comme dans une corrida, on ne sait jamais ce qui va se passer d’une seconde à l’autre. C’est ce que j’ai voulu créer avec mes danses. »

Tombé dans le flamenco quand il était petit, Israel Galván porte en lui les racines de la tradition, celles transmises par ses parents, un père andalou et une mère gitane andalouse, danseurs tous les deux. Né à Séville en 1973, il a pourtant mis du temps à cueillir cette vocation vers 1990.

Il avait 17 ans. Il cumule rapidement les prix et est sacré grand rénovateur du flamenco dès sa première création en 1998.

« Je ne pensais pas que je deviendrais danseur », confie-t-il. Il l’était déjà si naturellement, a-t-on envie d’ajouter. « À l’école, comme tous les autres enfants, j’adorais le football. » Ce qui fait écrire à son dramaturge, Pedro Romero, qu’« Israel apprend plus de la danse en assistant à une partie de football […] que dans une académie moderne. »

À partir de ces racines a pourtant poussé une danse singulière, qui renverse les canons de l’art et fait naître des formes et postures inédites: une danse exécutée pieds nus, une cambrure à la limite du déséquilibre, des gestes brutalement interrompus, suspendus dans le silence et l’immobilité, traits qui lui ont valu le titre de «Nijinski du flamenco.»

« Je n’ai jamais eu l’intention de fusionner les styles, comme le flamenco et la danse contemporaine, insiste-t-il. Mais je veux une liberté de mouvements, même si elle repose assurément sur l’énergie flamenca. »

Il cite ses maîtres du début du siècle, les Carmen Amaya et Vincente Escudero, et se réclame aussi des alegrías de Mario Maya, dont il a intégré en 1994 la Companía Andaluza de Danza, et la solea d’El Farrucco, autre figure mythique. Mais Galván, l’instinctif qui raffole de cinéma, est avant tout un artiste de son temps, et part donc d’une exploration de son propre corps. « Il faut donner à l’énergie flamenca toute sa liberté; il ne faut pas rester enfermé dans la forme. »

Sur le site web de sa compagnie, en exergue de sa biographie, il s’exprime avec justesse:

« Un artiste flamenco, aujourd’hui, n’a plus l’occasion de se former dans les fiestas, les tablaos, les réunions privées. Je suis allé au lycée, j’ai Internet, je suis fou de cinéma, nous n’avons plus les mêmes références. »

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Datos :

Israel Galván, né le 12 juillet 1973 à Séville

ll est devenu célèbre dans le milieu de la danse flamenco – plus reconnu à l’étranger, notamment en France, que dans son propre pays – par son approche contemporaine hétérodoxe et très théâtrale de la danse, faisant appel à de nombreuses sources d’inspiration qui dépassent le champ traditionnel du flamenco. En utilisant des mouvements de pieds très compliqués, il fait évoluer la gestuelle traditionnelle, de la frappe de pied virile aux passes de torero. Il a participé au Festival d’Avignon 2009 à la carrière de Boulbon et à nouveau en 2017 dans la cour d’Honneur.

Chorégraphies

·        1998 : ¡Mira! / Los zapatos rojos

·        2000 : La metamorfosis (d’après le roman « La Métamorphose » de Franz Kafka)

·        2002 : Galvánicas

·        2003 : Dos hermanos, avec Pastora Galván

·        2004 : Arena

·        2004 : Cante y orquesta

·        2005 : La edad de oro

·        2006 : Tábula rasa

·        2006 : La Francesa pour Pastora Galván

·        2007 : Solo

·        2007 : El final de este estado de cosas

·        2009 : El final de este estado de cosas, redux

·        2010 : Je suis venue (en collaboration avec Gaspard Delanoë et Yalda Younes)

·        2010 : La curva

·        2012 : Le Réel / Lo Real / The Real

·        2014 : Fla.co.men

·        2014 : Torobaka avec Akram Khan

·        2017 : La Fiesta