La blonde dit :
 
« Come on guapo ! »
 
Il entendit : « Venga vaca ! ».
 
 
 
Il se sentit comme flottant au-dessus de l’invraisemblance de la Porte du Prince.
 
Elle le fit monter dans une voiture.
 
Le moteur troublait le silence retombé sur les berges de l’amanecer.
 
 
La voiture roula dans la campagne endormie.
 
Juan se tenait à l’arrière.
 
A côté de la chanteuse qui lui caressait la cuisse.
 
 
 
L’autre.
 
Pas celle de la cornada.
 
Opérée sur la table d’un cordonnier.
 
 
 
La voiture s’arrêta devant une maison.
 
Plus belle encore que celle de Don Casimirio, le boucher enrichi de Las Cabezas de San Juan.
 
Qui avait promis à Juan González Lucas «Fosforito» qu’il ferait de lui une figura du toreo.
 
 
Juan suivit la chanteuse à l’intérieur. 
 
Ils s’assirent sur un sofa couvert de soie.
 
La soie d’un traje qu’il n’avait jamais porté.
 
 
 
Un serviteur apparut avec deux flûtes de champagne.
 
Juan ne connaissait que le vin de la terre de Jerez.
 
Il pensa au café au lait servi sur un plateau d’argent à l’épouse de Don Diodoro de Séville.
 
 
 
Elle prit une flûte et Juan en fit autant. 
 
Juan demanda à l’inconnue : 
 
« Qui es-tu ? »
 
 
 
L’inconnue prit son temps pour répondre : 
 
« Je suis celle qui n’a pas pu te tuer.
 
Ich bin deine letzte Nacht“.
 
 
Juan grimaça et but le champagne.
 
Con gracia.
 
L’inconnue fit de même et rota avant de briser la flûte vide.
 
 
 
Juan pensa au botijo cassé de Joselito.
 
La chanteuse enleva son Perfecto.
 
Elle ne portait rien dessous.
 
 
 
Juan vit les deux faux stylisées.
 
Gravées au fer de l’herradero sur chacun de ses seins.
 
Il reconnut la marque.
 
 
 
La même que celle de la vache d’Argamasilla de Alba.
 
 
Juan reposait inerte dans son lit d’hôpital.
 
Deux urgentistes étaient à ses côtés.
 
L’un était petit et l’autre aussi.
 
 
 
Señor Avispado s’appelait l’un.
 
Et señor Burlero.
 
S’appelait l’autre.
 
 
« On ne peut plus rien pour lui » dit Avispado 
 
Burlero hocha la tête.
 
Et tous deux sortirent de la chambre du mort.
 
 
 
Il était cinq heures et six minutes du matin.
 
L’heure à laquelle mourut.
 
Manuel Laureano Rodríguez Sánchez.
 
 
 
On raconte.
 
Que le corps de Juan fut dissous dans la chaux vive.
 
Et que le vent emporta la charpie…
 
Patrice Quiot