« J’ai rêvé l’autre nuit que je retournais à Manderley. J’étais debout près de la grille devant la grande allée, mais l’entrée m’était interdite, la grille fermée par une chaîne et un cadenas. »
 
Rebecca (1938) – Daphné du Maurier (1907/1989).
 
 
Cette année-là.
 
A Saragosse, en septembre.
 
Francisco Camino Sánchez.
 
Débutait en novillada piquée.
 
 
 
Cette année-là.
 
Je savais à peine lire.
 
Un peu écrire.
 
Et j’avais huit ans.
 
 
 
Blouse à petits carreaux.
 
Manches retroussées.
 
Chaussures comme celles de Charlot.
 
Mon seul copain était Jean-Paul Mercier.
 
 
 
Jean-Paul.
 
Avait pris la cornada à la naissance.
 
Et moi.
 
A cinq ans.
 
 
 
Nous étions pensionnaires.
 
Au centre de rééducation motrice.
 
De Lamalou-les-Bains.
 
Sur les bords de l’Orb.
 
 
 
Nous dormions.
 
A cinquante par dortoir.
 
Et mangions.
 
Le rata du réfectoire.
 
 
 
L’été nous allions.
 
Comme des va nu pieds.
 
Et l’hiver.
 
En capes et bérets noirs.
 
 
 
On nous trempait.
 
Dans des bains d’eau chaude.
 
Et on nous appliquait.
 
Des décharges électriques sur les jambes.
 
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Tout jeunes.
 
Nous connaissions.
 
L’infirmerie.
 
De la vie.
 
 
 
Nous n’allions pas à l’école.
 
Un enseignement rudimentaire.
 
Nous était dispensé.
 
Par un maître alcoolique.
 
 
 
Des murs entouraient le centre.
 
Et une grille en interdisait l’accès.
 
Jean-Paul et moi.
 
Nous amusions à fabriquer des arcs en bois.
 
 
 
Il y avait.
 
Un atelier de travail manuel.
 
On y produisait.
 
Des boîtes en carton.
 
 
 
Jean-Paul et moi vivions.
 
Dans.
 
Un Carabanchel.
 
De l’impotence.
 
 
 
Avant Lamalou.
 
Jean-Paul avait passé.
 
De longs mois dans un hôpital.
 
Je ne sais où.
 
 
 
Moi.
 
A Paris.
 
A Cochin.
 
L’hosto des enfants malades.
 
 
 
Je marchais.
 
Avec un appareil et une canne.
 
Jean-Paul le plus souvent.
 
Marchait avec les roues de son fauteuil.
 
 
 
Tous les deux.
 
Etions.
 
Des hoboes de l’atrophie.
 
Des maletillas de l’infirmité.
 
(A suivre…)
 
Patrice Quiot