PATRICE
Mes parents habitaient l’Algérie.
Qu’Alice, notre grand-mère avait quittée.
Elle découvrait la France.
Et avait soixante-cinq ans.
Mon petit frère était venu.
Avec elle pour m’accompagner.
Il aimait pêcher.
Les poissons du Bitoulet.
Loin des thons.
De Barbate.
Et du Zahara de los Atunes.
De Francisco Rivera Pérez.
Les parents de Jean-Paul.
Habitaient les Charentes.
Dans une ferme.
Où ils élevaient des poules et des cochons.
Il avait les façons.
D’un campesino.
Et moi.
Celles d’un ciudadano.
Jean-Paul riait tout le temps.
Aimait faire des farces.
Et chantait.
Des chansons rigolotes.
Il aurait pu être le Triboulet de Louis XII et de François Ier.
Le Francisco Lezcano de la cour de Philippe IV.
Il était seulement mais magnifiquement.
Jean-Paul Mercier.
Le dimanche.
Nous étions autorisés à sortir.
Alice saignait un lapin.
Pour nous préparer le sanquet que nous aimions.
Nous le mangions.
Sur la table de la cuisine.
Jean-Paul et moi.
Essayant de tout oublier.
Tous les deux.
Nous accommodions d’une vie.
A laquelle nous pensions.
Que notre état nous condamnait.
En rêvant cependant.
D’une autre.
Que nous imaginions.
Ne jamais connaître.
Dans un univers.
De bandages et de soupe grasse.
Nous nous inventions.
Des sorties en triomphe.
Le jour où Jean-Paul quitta Lamalou.
Je fus triste et pleurai.
Je ne lui ai jamais écrit.
Et lui non plus.
Je restais avec mon frère.
Nous ne savions rien de la Feria de Nîmes qui avait six ans.
Nous ignorions ce qu’était un toro.
Et encore plus une muleta.
Alice est morte.
Nos parents et ceux de Jean Paul.
Aussi.
Lui je ne sais pas.
Soixante cinq années.
Sont passées.
Des millions de cojos sont morts.
Et des millions d’autres sont nés.
Mais je crois qu’aujourd’hui encore.
Je vois le monde des toros.
Avec des yeux.
Voilés par la taie de la herida de Lamalou.
Patrice Quiot