PATRICE
Fin de matinée.
Un endroit.
Béton.
Ou briques.
Et murs chaulés.
Accès secret.
Escaliers.
Pour un en haut.
En rambardes de fer.
Et au sol, des trappes.
Un lieu clos pour une chose fermée.
Visages des routes de la nuit.
Tabac et eau de toilette.
Abrazos en lunettes de soleil.
Cravates et tressaillements de mâchoires.
Et murmures de chapelle
Des yeux qui scrutent.
En bas.
Sol de terre maculé.
De fourrage et de pisse.
Portes coulissantes.
Et des cordes pour les ouvrir.
Six toros encierrés.
Lentement ils bougent.
Violence contenue.
De beauté barbare.
Pour chasser les mouches voletant dans une odeur de grésil.
Un même soleil.
Reins noirs au regard de ceux qui porteront les lances.
Cornes blanches au regard de ceux des harpons.
Des gestes doux pour voir s’ils voient.
Naseaux brillants et rabos al suelo.
Les oreilles tremblent.
Peut-être savent-ils.
Le quarante-deux, comme le gris sorti à Salamanque.
Avec, derrière, le veleto, dans le type du celui du triomphe de Cordoue.
Celui-ci avec celui-là.
Ese con este.
Mercure et soufre.
Apparier l’indicible.
Controverses pour organiser un équilibre.
De sachant à sachant.
Argumentation fine de fond et respectueuse de forme.
Dans une logique de guerre.
Au service de l’intérêt du maître qui dort.
Le 6 et le 42.
Le 21 et le 54.
Le 7 et le 38.
En trois boulettes identiques.
De papier à cigarette roulé serré dans le sombrero du bouvier chef.
Que Dios reparta suerte.
Mettre la main dans l’ordre d’ancienneté dans l’arène.
Le hasard du ciel pour les deux premiers.
Le troisième ne choisit pas.
Il sait déjà.
Mais n’y peut rien.
Trois fois
Quatre doigts qui défont le signifié de la sentence.
Trois fois.
Quatre doigts qui creusent les rides.
Et une voix forte qui énonce le verdict.
Ite missa est.
La raison de l’expérience essaye d’organiser le destin.
Bien illusoire.
De l’ordre de sortie.
Le colorado en premier et le plus fort en second.
Pour ouvrir les Portes.
L’autorité enregistre la chose.
Jusqu’alors intimement gardée.
Bientôt tout le monde saura.
Mais, dans sa poche.
Le confianza lisse le papier de cigarette froissé.
Por si acaso.
En forme de chiffres.
Le fatum a dit son mot.
De ce sort ils ont une idée.
Mais ils lui diront que tout est bien.
Parce que c’est ainsi.
Et le maître se dira satisfait.
Datos
Le sorteo a été imposé à la fin du 19°siècle par Mazzantini, Reverte et Guerrita pour éviter le favoritisme envers tel ou tel torero de la part de l’éleveur qui décidait alors de l’ordre de sortie des toros.
Il sortait en cinquième position le toro qu’il pensait le meilleur, d’où la célèbre croyance « No hay quinto malo » qui n’a plus lieu d’être aujourd’hui, même si certains y croient encore.
Le sorteo a lieu le jour de la corrida en fin de matinée, en présence du président de la course, de l’éleveur ou son mayoral, des cuadrillas et représentants des matadors.
Patrice Quiot
Photo : sorteo Dax