Samedi 27 Avril 2024
PATRICE
Mardi, 20 Février 2024
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«El Cerbatana», le fils de Bachué… (1)
 
Nous sommes le 22 septembre 1991 ; nous sommes à «L’Atria» après la dernière corrida de la Feria des Vendanges ; c’est dimanche et les aiguilles de l’horloge du Lycée indiquent 21h22.
 
César, le colombien du quartier de Fatima à Bogotá, qui tour à tour avait été aide cordonnier et ferrailleur et qui s’entraînait le soir avec les chiens du voisinage, avait fait sa présentation dans les arènes du chef-lieu du Gard. Ce dimanche-là, le Colombien, qui avait vingt-six ans et dix-sept jours, partageait le cartel avec «Joselito», qui lui pouvait attester de vingt-deux printemps, trois mois et vingt-deux jours. José Miguel Arroyo Delgado remplaçait Ortega Cano qui, s’il était venu, aurait affiché au compteur nimeño trente- huit berges moins deux mois et cinq jours.
 
En face des deux compères, les toros de Monsieur Samuel qui eux avaient presque tous cinq ans.
 
Dix ans avant ce beau dimanche de septembre, il avait morflé grave le Colombien : Sa mère et sa sœur avaient brûlé vives dans leur maison du fait des cierges qu'elles avaient allumés pour protéger César du mauvais sort qu’il aurait pu connaître dans une placita des alentours de Madrid. Et en 1990, rebelote : il avait pris la rougne sous la forme d’une hépatite C consécutive à une transfusion de sang qui lui avait été administrée après un cornalón reçu dans l’aimable localité de Palmira (Valle del Cauca).
 
Mais ce dimanche à Nîmes, César - fidèle de saint Jude, apôtre du Christ et guérisseur de la lèpre - avait coupé deux oreilles. Quand on sait que la même année, avec les toros de Baltasar, il était sorti en triomphe de Las Ventas le 21 mai, qu’il avait réitéré le 22 avec ceux de Murteira Grave et qu’il avait triplé la mise le 1er juin avec ceux du même M. Samuel, il devait se dire que la suerte avait peut-être tourné.
 
Ce qui se confirmera, à Madrid, le 1er octobre avec les toros de Moura pour sa quatrième sortie en triomphe de la plaza venteña.
 
J’étais donc au bar de «L’Atria» et les aiguilles de l’horloge du Lycée indiquaient 21h22 et pensant à cet étrange monde des toros où tout peut changer si vite dans un sens ou dans l’autre, j’observais ce qui gravite autour et me disais que ce monde-là, lui, ne changeait en rien.
 
Les mêmes têtes, les mêmes embrassades, le même cuento, le même babil, le même tout.
 
Por los siglos de los siglos.
 
C’est alors que je vis un Inca.
 
Petit, brun de peau, les yeux en amande, portant le sombrero vueltiao fait de canne flèche, on aurait dit un marchand de pitahaya, de chontaduro ou de caimito sur le marché de Barranquilla.
 
Il devait descendre de Bachué… 
 
A suivre…
 
Patrice Quiot