Samedi 27 Avril 2024
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Jeudi, 22 Février 2024
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Au Campo Charro, les premiers jours de stage du Centre Français de Tauromachie...
 
DIMANCHE / LUNDI
 
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Nous avions grande illusion sur cette visite d'élevage pour Alex. Et cela n'a pas raté, la découverte du Campo Charro a été un grand moment pour lui. Il a tout apprécié, posant de nombreuses questions et faisant d'innombrables photos de cette nature fantastique. Il faut dire que si nous avions voulu réserver un jour enchanteur, nous n'aurions pas pu rêver mieux : 16 degrés, pas de vent, du soleil, un campo verdoyant, la zone avait eu la chance de recevoir une bonne pluie, celle qui tombe doucement mais sûrement, qui pénètre sans raviner, le rêve.
 
Nous étions passé par la route pour mieux admirer ce paysage et tous ces troupeaux paisibles, vaches, veaux, toros bravos, cochons noirs, brebis... Immédiatement, l'effet relaxant avait agi. La déconnexion était totale. Marta, qui connaissait le moindre éleveur dans le moindre coin de la péninsule, se réjouissait de découvrir où se situait le campo de chacun, elle qui n'en avait qu'une connaissance administrative, tout cela prenait corps et devenait réalité.
 
Durant l'aller, Alex, toujours aussi passionné de trains, avait donné un cours sur les passages à niveau, et toute la signalisation, car nous longions la voie ferrée. Ce garçon est un vrai aficionado du sujet, ça faisait plaisir à entendre.
 
Dès que nous avons quitté la route goudronnée, l'enchantement a continué : sur le long chemin de terre, parfois accidenté où certains endroits n’étaient autre qu’une mare boueuse profonde qu’il fallait passer à faible vitesse, les murs de clôtures en granit gris envahis de mousse vert intense et de lichen jaune ouvraient vers des paysages vallonnés infinis à couper le souffle.  Mais surtout, nous avions l'impression d'être privilégiés, protégés par cette nature bienveillante.
 
Jean-Yves, lui aussi, découvrait ce campo merveilleux. Il en avait pourtant arpenté des élevages de toros bravos en France, mais ce qui le touchait, c'était le Campo à perte de vue, cette étendue infinie, des centaines d'hectares autour de nous, consacrés à l'élevage. Ça ne s’expliquait pas, ça se vivait.
 
Tous ces animaux étaient là, chacun s'étant vu octroyer l'équivalent d’un hectare par tête, je songeais d’ailleurs que bon nombre d’humains n'en avait pas autant sur cette terre !
Une nature à l'état brut, des cigognes, des aigrettes, des chevaux et même des tortues, vivaient tous en bonne harmonie, partageant ce jardin d'Éden, décrit pourtant comme une zone de maltraitance animale par certains citadins bobos ignares, qui s’étaient faussement autoproclamés écologistes.
 
 
Don Íñigo et son épouse Verónica nous attendaient, impatients de nous faire visiter cet endroit merveilleux.  Et comme chaque fois, la magie opère, chacun y va de son anecdote, de son récit d'une vie dure mais vraie, exigeante mais rendant au centuple des moments indescriptibles de beauté réelle. Nous qui tombions de plus en plus vers le virtuel, les masques de réalité augmentée envahissant très vite nos pauvres vies numériques, nous sentions là, à ce moment précis, que l'essentiel était ici et maintenant.
 
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Après ce moment de vérité, nous sommes partis vers Salamanca pour déjeuner dans un restaurant qui fête ses 70 ans d'ancienneté. La propriétaire a comme coutume la délicate attention, lors du service des entrées, d'orner un des plats du fer du ganadero présent. C'est à Don Íñigo qu’est revenue cette faveur aujourd'hui.
 
Ensuite, comme nous ne pouvions pas nous trouver sur Salamanca sans aller faire un petit tour pour saluer la grenouille de l’université et l’astronaute de la cathédrale, nous sommes passés par la légendaire Plaza Mayor, grouillant de monde. Sur notre chemin, nous nous sommes retrouvés stoppés par une procession religieuse. Oui, oui, une procession religieuse, en février, car en Espagne, on ne conçoit pas la vie sans cette ferveur populaire si touchante. C’est ça aussi l’Espagne, si jalouse de ses traditions et pourtant déjà projetée dans le 21ème siècle. Mais il n’y a pas d’avenir pour les peuples sans racines, pourquoi nous les Français sommes-nous si pressés d’oublier notre histoire et notre passé ?
 
Toute la journée, le Maestro Le Sur était resté en contact avec le convoi qui se dirigeait vers la Rad.
 
À 17h sont apparus les grands voyageurs, heureux d'être enfin arrivés à destination. Finalement, Simon a conduit tout le trajet, comme Gérard. Elisabeth s'est laissé conduire comme une princesse. Restaient encore sur le chemin l’équipe d’Éric le magicien práctico et Marc, autant passionné de toros que de vidéo et tout le groupe serait au complet pour initier ce stage.
 
Le Maestro Leal, comme c'est désormais une coutume, nous ferait le plaisir de nous rejoindre demain jusqu'à vendredi. C'est toujours un plaisir de passer du temps en sa compagnie.
 
20h30, tout le groupe se rue vers la salle à manger, car depuis ce matin 6h, les estomacs crient famine.
 
La nuit sera sûrement réparatrice pour tous. Demain, c'est du sérieux !
 
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LUNDI 
 
Ce matin, nous nous étions répartis en plusieurs groupes, les toreros allaient s'entraîner, les accompagnateurs pourraient se reposer un peu et de notre côté, nous avions une partie de golf avec un départ à 10h30 avec Don Íñigo. Il faisait très beau, presque chaud, un beau soleil d'hiver, un peu de vent... Le parcours est superbe, c'est du campo sans toros... Enfin, du moins je l'espère... !
 
Pendant ce temps, pour les aspirants toreros, entraînement physique puis déjeuner rapide afin de décoller à 13h de l'hôtel, en direction de l'élevage Sepúlveda, pour un début de tienta à 14h.
 
Mais comme à l’accoutumée avec les toros, il faut toujours attendre, c'est comme ça... Il faut l'admettre. 15h, Don Íñigo n'est toujours pas arrivé. Pour patienter, le Maestro Leal décide donc de questionner les jeunes toreros sur tous les sujets possibles, le sorteo, l'apartado, le déroulement de l'avant course, etc...
 
Je retrouve Juan et sa gentillesse, sa générosité, son amour de transmettre son savoir. Il me donne de bonnes nouvelles de la petite famille qui va s’agrandir. Je suis ravie qu’il soit avec nous.
 
Marc et Elisabeth ont pris place dans la tribune, au soleil. Gérard est aux côtés du ganadero sur les toriles. Jean-Yves est partout, en haut sur la tribune, en bas derrière un burladero, sur les toriles, les photos d'ambiance vont être bonnes.
 
 
Don Iñigo a la chance d’avoir à ses côtés Carlos, le mayoral, un charmant quadragénaire très actif, passionné, un homme de confiance qui fait tourner cet élevage avec précision. 
 
15h14 : Début de la tienta.
 
« Suerte para todos » crie le Maestro Leal.
 
 Et il rappelle : « On est là pour apprendre, on essaie des choses, c’est ici qu’il faut le faire ! Si ça réussit tant mieux, sinon, on continue ! ».
 
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Première vache : noire très intéressante, très douce, demande un toreo suave.
 
Valentín : bien mais pas assez croisé. Une foultitude de conseils lui arrive depuis les burladeros, qu'il faut qu’il intègre tout en toréant.
Simon : sort « de second » fait beaucoup d'efforts, mais doit se redresser plus. Il a progressé depuis l'an dernier.
 
Éric : Il s'en sort plutôt pas mal, il est très concentré.
 
Sofian : de bonnes attitudes, il fait l'effort.
 
Comme à l’habitude dans cette maison, on raccourcit les poils du bout de la queue de la vache après l’avoir tientée pour la reconnaitre au campo par la suite. Mais, après avoir ouvert le portail, elle reste à campo abierto, elle en redemande, quelle noblesse…
 
On la disait faible, elle a pris 38 minutes de passes de capote et de muletas !
 
Petit débriefing avec les maestros. En résumé : il faut s'engager plus, nous faire voir cette envie, être prêts…
 
Deuxième vache : il est 16h, une rousse plus violente à la sortie du toril.
 
Rémy : fait les choses bien, mais doit s'améliorer au capote. Très fin à la muleta. Il dégage une véritable élegance il a la « planta torera » !
 
Simon : plus sur les reins, lui lance le maestro Juan Leal !
 
Sofian : cherche le bon terrain.
 
Éric : pechos y derechos le long du mur pour s'habituer.
 
Troisième vache : rousse, qui s’avèrera être borgne.
 
Baptiste : plutôt élégant naturellement, mais ne forçant pas trop pour s’améliorer
 
Les 2 vaches précédentes se sont regroupées dans le petit campo adjacent, comme des commères, elles restent tranquilles.
 
Sofian : il s'en sort mieux, plus tranquille devant cette vache
 
Je remarque que Marc est très concentré sur son appareil photo. Pour sûr, il va très vite devenir la coqueluche du groupe des toreros car ils aiment, que dis-je, ils adoooorent être pris en photo. Est-ce que c'est pour être en mesure de se corriger pour la prochaine séance, je l'espère, mais ce n’est pas si sûr !
 
Simon : a tendance quelques fois à avoir une attitude raide, comme mécanique. Il doit se relâcher.
 
Éric : pas mal…
 
Quatrième vache :  17h07, Beige sable, les yeux entourés de noir.
 
Sacha : bien au capote, aux banderilles et à la muleta, il s'applique mais cherche un peu les terrains. Au bout d’un moment, il trouve le « sitio » et nous fait un festival « Ojediste »…
 
Simon : s'entraîne au balancier, devant, derrière, pour se rapprocher de la vache, c'est une bonne façon de faire.
 
Le Maestro Leal sort devant cette ultime vache pour illustrer son propos. Et voilà le travail, la vache s’exécute à la moindre sollicitation, une fois la mesure prise. Ça c’est le métier, la classe !
 
17h47 fin de séance. Le Maestro Leal reconduit d'un coup de capote cette dernière vache qui rejoint les 3 autres.
 
Le soleil commence à décliner. Tout le monde range son matériel. Avant que le convoi ne s’ébranle, le Maestro Leal prévient qu’il y aura une séance de travail théorique, au retour à l’hôtel, après la douche, il promet une interrogation pour le dernier jour ! Ce garçon, c’est un phénomène !
 
Demain, on change d’ambiance, nous partons vers les redoutables Fraile. Mais, à chaque jour suffit sa peine, on va d’abord un peu se reposer.
 
MARDI
 
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Hier soir, après avoir suivi une séance de travail théorique, les toreros avaient eu la chance que le Maestro Leal fasse une démonstration avec son costume de lumières d'entraînement de la manière dont on revêt la cape de paseo. Tout le monde était très attentif, y compris les adultes, qui n'en perdaient pas une miette, non pas qu'ils auraient eu un jour l'occasion d'en porter une, mais conscients de la chance d'assister à un moment réservé aux seuls toreros. Baptiste, qui faisait fonction de mannequin, était lui aussi très attentif car son rendez-vous à Alès en mai prochain commençait déjà à lui mettre la pression.
 
 Le repas qui suivit avait été l'occasion pour nous de nous retrouver tous avec le Maestro Leal et d'écouter Éric nous raconter des histoires incroyables sur les fauves et les grands numéros de dressage les plus fameux du monde.
 
Les jeunes, comme à chaque édition, avaient envoyé, en guise de bizutage, Sofian pour demander l'autorisation de se lever de table au Maestro Le Sur, ça les amusait beaucoup.
 
Les maestros avaient l'intention de faire travailler ce petit groupe de façon quasi permanente car il n'y avait aucune autre possibilité d'atteindre des objectifs ambitieux qu'en travaillant sans cesse pour s'améliorer.
 
L'opportunité d'un tel entraînement intensif était bien celle-là, en 7 jours profiter de n'avoir que cela en tête même si, comme on le sait bien, il faut avoir le toreo en tête tout le temps, être "un malade des toros" comme dirait notre cher Frédéric Pastor, qui lui aussi, comme il lui plaît de l'avouer, est bien "touché" dans le domaine !
 
Le programme de mardi était très soutenu : entraînement physique, toreo de salon, révision théorique avec, au menu, les encastes. Avec le Maestro Leal, ils allaient en avoir du toro et il faudrait retenir tout ça car en fin de stage il y aurait interro !
 
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Dès 8h30, les 2 maestros avaient fait un point sur les questions, les thèmes à aborder, c'était studieux. Je me disais que ces jeunes avaient bien de la chance qu'on leur consacrât autant d'énergie et d'attention. Bien sûr qu'ils n'en étaient pas conscients car à leur âge on ne s'en rend jamais compte, mais j'aurais aimé les voir plus volontaires et démontrant plus d'envie dans les ruedos, ce que je ne voyais pas vraiment.
 
Malheureusement, l'époque que nous vivions ne préparait plus personne à avoir une activité dans laquelle il faut passer tant d'épreuves et de souffrances sans garantie de réussite.
 
Depuis toutes ces années, je voyais des jeunes défiler, dont certains sont allés jusqu'à prendre l'alternative, tous très agréables, bien élevés, mais je n'avais que rarement rencontré des jeunes autonomes, acharnés dans leur préparation et conscients qu'ils étaient dans une activité ultra sélective. D'ailleurs, même au niveau professionnel, combien de jeunes matadores avions-nous vu devenir à la mode le temps de deux voire trois temporadas et retomber dans l'anonymat, une fois que la rumeur s'était tue.  
 
Même dans ce domaine, nous étions tombés dans la société de consommation... de la quantité, du toujours plus nouveau, en oubliant, le fond, la qualité, la personnalité.
 
C'était ça le plus difficile à faire comprendre aux jeunes car cela ne s'apprend pas, dans aucune école. Les structures d'enseignement ne transmettent que la technique, le règlement, l'étiquette, tout le bagage nécessaire. Dans le même temps, chacun doit découvrir sa propre personnalité, car on torée comme on est, intrinsèquement.
 
Qui suis-je, qu'est-ce-que je veux exprimer, pourquoi je me retrouve là ? Quelle est ma place ? Ce sont les questions que chaque artiste doit nécessairement se poser pour trouver sa voie. Au risque, sinon, de ne jamais trouver la sienne et son expression. Une véritable auto-analyse, qui rendait la tauromachie si passionnante par le nombre de possibilités qu'elle pouvait offrir à chacun de se réaliser pleinement.
 
Pendant ce temps, les accompagnateurs s'étaient accordé une excursion à Salamanca, ils le méritaient bien, eux qui avaient passé la journée de dimanche à conduire les jeunes à destination. Nous étions à 14 minutes du centre-ville, il ne fallait pas hésiter.
 
Pendant que les séances physiques du Maestro Leal se déroulaient, Marc avait travaillé avec le Maestro Le Sur pour visionner les passages de l'entraînement de la veille pour illustrer la séance de débriefing de ce soir. Il n'y avait pas plus crue que l'image gravée qui laissait tout apparaître, le bon comme le moins bon, les défauts et surtout les corrections à apporter. Car, pour certains qui restaient satisfaits de leur performance, l'épreuve de l'image racontait une tout autre histoire. On se pensait toujours mieux que l'on était, finalement. On se pardonnait toujours plus que ne pouvait le faire une caméra.
 
Cet après-midi, la partie se compliquait car la tienta à la ganadería Fraile, c'était toujours un peu impressionnant par le volume du bétail et son mental. Hier, les vaches suaves et petites de la première tienta avaient permis que tous puissent mettre les compteurs à zéro. Dès aujourd'hui, il allait falloir sans arrêt corriger, progresser, changer le "chip" comme aiment à le dire les espagnols. La temporada allait débuter, les engagements étaient pour certains déjà pris et d'autres allaient venir, il fallait en être dignes.
 
L'hôtel était calme en fin de matinée, le rush du petit déjeuner était passé. Dans cet environnement si accueillant, on ne pouvait imaginer être sur une aire d'autoroute ! Pourtant c'était bien le cas. Ana avait su mettre une ambiance chaleureuse, dans cette zone où se croisaient tous les semi-remorques en route pour le Portugal si proche. De plus, son amour de Saint Domingue mettait une ambiance sonore quasi tropicale, tranchant avec la zone rurale dans laquelle nous nous trouvions. Cela m'amusait assez.
 
En France, de plus en plus de rumeurs de blocages paysans nous venaient aux oreilles, à l'approche du Salon de l'Agriculture le week-end prochain. Beaucoup de changements radicaux s'opéraient en ce moment. Nous étions au seuil de révolutions techniques, scientifiques et forcément sociales immenses et n'en étions quasiment pas conscients. Cela rendait la tauromachie à la fois si désuète et si nécessaire pour ne pas tomber dans la folie digitale dans laquelle on voulait nous plonger à chaque instant.
 
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Sur le chemin de Robliza de Cojos, le Maestro Leal continuait à prendre des notes, il ne lâchait pas l'affaire, les jeunes allaient devoir faire preuve de concentration et d'assiduité.
 
Arrivée 15h30. Ici, c'est typique, premier travail, il faut d'abord attraper le cheval de picador. Tout le monde s'y met, en rang, pour arriver à canaliser un des 3 chevaux possibles, au bout d'un petit quart d'heure, c'est bon. Puis, il faut le harnacher, lui mettre son peto. Les jeunes aident, ça leur apprend quelque chose de plus.
 
Cette année, le temps est plus que printanier, un soleil chaud, pas de vent. Nous avions passé un froid antarctique l'an dernier à la même époque. Pourvu que ça dure !  
 
15h53, il faut attendre que le ganadero, Juan-Luis, revienne pour débuter la séance de coiffeur.
 
Alors, une douzaine de jeunes apprentis espagnols arrivent, car nous allons partager le ruedo avec eux, pour une tienta de 4 vaches pour nous et deux pour eux.
 
16h10, rien... patience. Sieste pour nous les accompagnateurs, ou rêverie dans les environs. Les jeunes sont prêts, eux aussi attendent. On le sait, dans un moment, tout va s'accélérer, il faudra démarrer avec autant d'ardeur qu'ils en ont eu à ne rien faire ! C'est comme ça...
 
J'entame une petite sieste dans la voiture, une portière ouverte et je suis visitée par un beau berger d'Anatolie, très imposant mais très câlin. Quelques « reniflettes », puis, des lichettes et des gratouilles. Puis, il s'en va fureter ailleurs. Je me rendors.
 
16h35 Juan-Luis apparaît, son carnet sous le bras, l'espace-temps va se resserrer ! 
Il est un peu survolté, ça s'agite sur les toriles, bruits de portes métalliques, ah,ah,ah,youp, youp, huuuu, ça se précise, sinon, on risque de terminer à la bougie !
 
16h45, on commence juste l'afeitado, autrement dit, ça va terminer de nuit... Le jour tombe dans 1h45. Dans le ruedo attendent maintenant une quinzaine de toreros.
 
16h49, "Quand vous voulez on commence !". On est tous d'accord. Pendant ce temps, le maestro Leal fait du rabotage de pitons.
 
1ere vache, noire, haute, mobile, pour un novillero en piquée.
 
Et là débute le concert de Juan-Luis qui tente d'arrêter la vache en tapant sur les montants en alu des baies vitrées coulissantes de la tribune. C’est « non sense » !
 
17h13, fin de la 1ère vache.
 
17h16 : 2ème vache, pour les toreros français.
 
Jolie, noire, Valentin au placement de la vache au cheval au centre, elle y va tout de suite.
Puis Baptiste.
Valentín à la muleta, deux bonnes séries mais ça ne dure pas, puis sur les conseils du maestro Leal, une bonne série à droite, mais les terrains sont compliqués à trouver pour lui, c'est pourtant fondamental. Il enchaine les séries, ce n’est pas trop mal.
 
Simon sort. Il tente quelques passes, ça lui coûte, les fesses sont en arrière, mais il fait l'effort.
Sacha. Courageux car la vache n'a plus rien. Il s'accroche pourtant, une passe bien puis la seconde très compliquée. Sortie par Sacha 17h37.
 
 
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17h41, 3ème vache.
 
Rémy sort, mais ne sait pas parer la vache, il évite 3 fois de se faire accrocher violemment. Le Maestro Leal se charge du placement. Rémy la sort très bien du cheval malgré l'émotion.
 
Valentín au placement.
 
La vache s'encastre lourdement et franchement dans le peto du cheval. Baptiste la sort, bien !
 
Re-Rémy. Il retourne au burladero, le novillero espagnol lui prodigue un conseil. C’est sympa.
 
Rémy à la muleta. Très élégant, très efficace. Il temple très bien, il ne se fait jamais toucher la muleta.
 
La vache est excellente. Mais elle l'entraîne vers une querencia et malheureusement, Rémy, comme tous les autres élèves d'ailleurs, ne sent pas les terrains.
 
Ni ils ne les comprennent, ni ils ne les sentent !
 
Sacha de retour. Il essaie des redondos, mais c'est pas facile pour lui. Il s'accroche.
 
18h08, la vache ne veut pas sortir !
 
Les toreros espagnols l'attendent dehors pour continuer à la toréer a campo abierto.
 
18h09, elle sort.
 
18h11, 4ème vache. Les toreros espagnols espèrent une aussi bonne vache.
 
18h37, sortie.
 
5ème vache, 18h40.
 
Sacha aux manettes pour le cheval.
 
Puis Valentin.
 
Sacha à la muleta. Toujours les terrains à trouver pour bien toréer. Il est volontaire et il s'accroche.
 
Quelques jolies passes sur les reins.
 
 On en aura vu des redondos. "C'est la leçon du jour !" me dit Jean-Yves qui a papillonné toute l'après-midi pour ne rien perdre du spectacle et qui a rejoint la tribune pour s’asseoir un peu.
 
Sofian. Il est courageux, il essaie et s'accroche.
 
Simon. Lui aussi y retourne.
 
19h05, fin de la vache.
 
Le jour est en train de tomber, le soleil s'est couché, il reste encore une vache, en théorie.
 
Jean-Yves me propose d'éclairer la piste avec nos portables, si on peut aider, avec Jean-Yves, nous, nous sommes là !
 
19h08 6ème vache, plus forte, plus violente, je l'avais vue dans les toriles assez agressive dès qu'on s'approchait.
 
Baptiste pour le cheval : Vache très brave au cheval.
 
Valentín à nouveau : la vache est très brave.
 
Rémy : la vache s'emploie toujours au cheval.
 
Le cheval sort du ruedo.
 
19h13, muleta pour Baptiste.
 
La vache est très exigeante. C’est un festival.
 
De très bonnes séries à gauche et à droite malgré l’attitude enracée de la vache.
 
Le Maestro Leal : « Les vaches avec du tempérament, il ne faut pas les laisser reprendre du moral, il faut rester près d'elles. Laisse-lui ta muleta devant ! » dit-il.
 
Baptiste s’exécute et ça fonctionne.
 
Il fait de plus en plus nuit, le ganadero a allumé la lumière de la petite tribune pour prendre des notes, ça ne change rien dans le ruedo de plus en plus sombre.
 
19h25,
 Baptiste vient de rencontrer une vache exceptionnelle qui lui a beaucoup donné. J’espère qu’il s’en rend compte et qu’il s’en souviendra.
 
Simon y retourne.
 
Si les vaches étaient couleur sable, à ce moment même, nous ne les verrions plus, heureusement elles ont eu l’excellente idée d’être noires, on l’aperçoit un peu encore. Il va falloir abréger.
19h28, puerta.
 
Enhorabuena ganadero ! A demain, j’espère que l’on pourra débuter plus tôt, je n’ai pas pris ma lampe torche !
 
MERCREDI
 
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Chacun avait, ce matin, une activité différente : entraînement physique pour les jeunes, les adultes avaient choisi entre marche ou visite de la ville et nous, nous avions des mails qui commençaient à s’entasser dans la boîte, qui nous obligeaient à nous replonger dans le quotidien et à traiter des dossiers un peu chauds. Je m'éloignais pour quelques heures des toros pour mieux y revenir.
 
Quand je suis descendue pour prendre ma tostada con mantequilla y mermelada, le bon docteur Jean-Yves était déjà revenu de sa marche active dans le lotissement voisin, en pleine forme. Nous devisions sur la qualité de la présentation sur les encastes qu'avait faite le Maestro Leal hier soir. Durant 45 minutes, avant le dîner, il nous avait fait voyager depuis les origines des toros bravos et du toreo, des noms légendaires des matadores et de l'évolution de la tauromachie. Il était extrêmement à l'aise, comme un poisson dans l'eau et nous avait emmené avec lui au cours des siècles. Les jeunes étaient captivés, mais aucun n'ayant eu l'idée de prendre des notes, je me demandais comment ils allaient bien pouvoir répondre à toutes les questions de l'interrogation prévue en fin de semaine.
 
Jean-Yves découvrait le Maestro Leal, grâce à ces moments privilégiés passés avec lui. Il était très impressionné, il y avait de quoi et pourtant, des gens de valeur, dans sa vie, il en avait croisé.
 
Puis, nous remémorant la séance de tienta d'hier, Jean-Yves tout à trac me dit :" le pecho, c'est comme dans le rock'n'roll, tu dois avoir le bras tendu, mais tu dois pivoter le torse, sinon, tu envoies ta partenaire là où il ne faut pas !". J'adorais débuter la journée sur ce genre de formule...
 
La partie vidéo très utile était un outil à ne pas négliger. Les explications à chacun des toreros ont permis de pointer faiblesses et défauts.
 
Après un déjeuner savoureux - soupe castellana délicieuse et osso bucco généreux - les plus affamés ont demandé des desserts, comment font-ils ? Puis, évidemment, est arrivé le moment de commander les cafés et entre le « descafeinado con leche », le « cortito sin leche », le « solo sin o con leche » et je ne sais plus quoi d'autre, nous y avons passé 5 bonnes minutes. Même la pauvre Ana n'y retrouvait plus ses petits ! Je leur avais pourtant bien dit de ne pas s'engouffrer dans ce piège...
 
Malheureusement pour lui, nous n'avons pas pu nous empêcher de titiller Éric, qui était machinalement en train de jouer avec une pièce, passée de doigt en doigt. Il nous a bluffé avec un tour de pièces disparaissant puis a sorti naturellement un paquet de cartes et nous a amusés avec un autre tour...
 
Puis à 15h, nous avons démarré sur les chapeaux de roues pour probablement partir attendre à 30 bornes plus loin, que Juan Luis veuille bien débuter la tienta plus tôt qu'hier, mais cela me rendait extrêmement perplexe. On ne change pas des habitudes ancrées depuis tant de temps.
 
15h30. Nous arrivons. Personne en vue. Donc, re-sieste, re-réveil par le berger d'Anatolie, tout pareil, rien ne change, c'est pour cela aussi que ça doit me plaire finalement !
 
Nous rejoignons alors mon cher Jean-Yves qui a débuté un grand concours de sieste, depuis l’hôtel ne sommes réveillés que par le bruit d’un 4x4 qui arrive sur les chapeaux de roues. 16h03. C’est Juan Luis qui arrive, l'histoire s'accélère. Le cheval était déjà prêt, donc on allait peut-être pouvoir tienter de jour. Wwwiiiizzzzzz……
 
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16h19 : début de la tienta. 1ère vache.
 
Valentín, bien, mais les terrains à revoir.
 
Dans le burladero, le Maestro Leal raconte comment on construit une faena et comment il faut vendre un final de faena pour éviter que la ferveur du public ne retombe.
 
Éric s'essaie, pas trop mal.
 
16h40, fin de la 1ère vache.
 
16h42, 2ème vache. Pour Rémy.
 
Non loin de la placita, 8 cochons noirs de taille respectable ont entamé une recherche très active d'herbes, pendant que le picador s'époumone pour attirer la vache. 
 
Il fait gris, un peu de vent, un corbeau passe au-dessus de nous en croassant. C'est une autre ambiance aujourd'hui, plus hivernale.
 
Baptiste à la muleta. Il s'en sort pas mal. La vache demande les papiers, comme toutes ses petites camarades.
 
17h, Baptiste finit sa faena.
 
Sofian. Très volontaire, la 2ème passe est difficile à enchaîner.
 
17h08, sortie de la vaquita.
 
17h15, 3ème vache pour un jeune novillero espagnol : Sergio Domínguez : El Mella.
 
Dès le début, le ganadero commence son concert de percussions sur les montants en Alu pour replacer la vache au bruit. Sans vouloir être désagréable, je remarque qu'il n'avait eu nul besoin de ça lorsque les jeunes Français ont procédé. Ils avaient su placer leurs vaches parfaitement ! Cocorico...
 
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17h32, fin de la vache.
 
4ème vache. 17h35. Toute aussi racée.
 
Rémy à la muleta. Il s'en sortait plutôt bien.
 
Pendant ce temps, mon Jean-Yves avait jeté son dévolu sur les imposants cochons gris. Il les mitraillait de son Leica malicieux.
 
20 minutes après, Rémy continue toujours à toréer. Elle n’est pas un peu fatiguée cette vache ?
 
Simon s'essaie. Des redondos, puis à gauche, non, à droite pas plus.
 
Il vaudra mieux maîtriser les fondamentaux avant d'essayer autre chose.
 
Fin de la vache pour Simon 18h04.
 
Un petit jeune espagnol s'avance pour tenter une paire de passes. Pas concluant.
 
18h07. Sortie de la vache après coiffure. Mon Jean-Yves s'aventure en rentrant en piste pour une photo volée. Ça c'est du grand reportage !
 
18h09, 5ème vache.
 
Sacha 18h16. Même s'il est volontaire, ce n'est pas simple pour lui.
 
Quelques bonnes passes à gauche.
 
Il s'applique, mais prend une grosse rouste. Il y retourne.
Re Jean-Yves qui sort pour tenter un cliché.
 
18h32, fin de la vache.
 
18h33. 6ème vache pour Sergio Domínguez el Mella de Badajoz, très classique.
 
C’est encore un excellent bétail.
 
19h. Fin de séance.
 
Nous félicitons tous le ganadero pour la qualité de ses produits.
 
Un rideau de froid commence à nous tomber dessus, la météo va revenir dans ses marques habituelles. L'hiver revient plus fort.
 
Nous nous engouffrons dans les voitures et partons comme une nuée de moineaux vers notre Rad où nous serons dans un environnement chaleureux.
 
Un cours théorique est prévu à 20 heures. Il ne faut pas rater ça…