Lundi 29 Avril 2024
PATRICE
Mercredi, 13 Mars 2024
dub12pk
 
Quand le grand Jacques évoque l’aficion d’Albert : Dubout… (2)
 
Donc Albert monte dans le tortillard de Camargue sans prendre de billet, se retrouve dans le rond de charrettes qui sert de plaza aux Saintes-Maries en fête, tente de faire passer une vachette aux cornes emboulées avec son sac de patate, prend ce qu’on appelle sous ces taurines latitudes une “ rouste ”, une bonne petite trempe qui lui laisse un bleu et un constat lucide. Torero, c’est très compliqué et même un taurillon ça fait mal Les gendarmes le ramèneront à sa maison à Nîmes. Avec une vocation “rentrée”. Rentrée par la corne d’une vachette, mais son goût pour les taureaux et ce qui va avec ne se démentira jamais tout au long de sa vie. Pour preuve les photographies qui jalonnent son existence et où, de 1920 dans les arènes de Nîmes à cette photo prise en 72 par son beau-fils Michel Descossy, Dubout s’amuse, parfois habillé même en torero, à toréer. On le voit même dans un court métrage des années 60 s’essayer à toréer une vachette “ pour de rire ”. On dit “ pour de rire ”, sauf que derrière ces parodies communes à tous les mordus de la chose se dissimule un désir jamais éteint, une nostalgie militante, mi amusée mi grave qui vous fait, dans votre salle de bains et armé d’une serviette éponge affronter d’énormes et dangereux toros, invisibles toros sous un océan d’ovations silencieuses tombant de la chasse d’eau pour rebondir sur la baignoire, le lavabo, les étagères.  Comme aficionado, Dubout a vu principalement à Nîmes quelques-uns des “ monstres” comme l’écrivent les historiens taurins, qui marquent l’histoire de la tauromachie de ce siècle. Il a vu le 31 juillet 21 le “ phénoménal ” Belmonte, le “ révolutionnaire ” de la corrida, toréer, sans trop de succès dans des arènes remplies jusqu’aux nuages. Il a vu le “ grand ” Marcial Lalanda et le très raffiné Chicuelo avec son corps de poupée et son exquise tauromachie “ sévillane ”. Il a vu également le rude et trapu Luis Freg. Un torero mexicain d’origine indienne “ lourd sur ses pieds, les muscles de ses jambes noueux comme un vieux chêne, et portant les cicatrices des punitions reçues des taureaux pour sa lenteur, sa gaucherie, et son invariable courage dans les coups d’épée ”, comme l’écrit Ernest Hemingway dans “ Mort dans l’après-midi. ”. Luis Freg qui avait reçu 72 coups de cornes et cinq fois l’extrême onction semblait chercher obstinément la mort devant les taureaux qu’il abordait avec une maladresse suicidaire et un cauchemardesque courage. Mais la fatalité taurine, comme Dubout, a le sens de la dérision. L’indomptable Luis Freg mourra bêtement au cours d’un pique-nique en se noyant dans la rivière Palizar, près de Veracruz au Mexique.  Même mort dérisoire, tragi-comique pour le torero Juan Anllo “ Nacional II ”. A Soria où il assiste à une corrida et comme dans les dessins taurins de Dubout avec leurs foules au bord de l’émeute il s’engueule avec un groupe de spectateurs qui conspuent un torero, reçoit un coup de bouteille et meurt d’une fracture du crâne. Dubout l’avait certainement vu toréer le 14 mai 1922 à Nîmes. Ce jour-là les trois toreros, Nacional II, Saleri II et “ Pouly ” défilent en portant un brassard de deuil. Double deuil. La veille, le torero “ Varelito ” grièvement blessé un mois auparavant à Séville vient de mourir et, le 7 mai à Madrid, le torero violoniste de Valencia “ Granero ” a reçu du toro Pocapena appartenant au duc de Veragua un coup de corne dans l’œil. C’est peut-être pour ces deux toreros, ou pour Joselito tué en 1920 par le toro Bailador, que le jeune Dubout écrit dans un de ses carnets de croquis : “ Il fut le héros parce qu’il cherchait la mort…et un jour de grande lumière, il fut distrait et la corne entra… C’était plus fort…Il l’aimait. ” »
 
Jacques Durand.
 
Texte extrait de " Dubout  Tauromachie œuvre peint" 
 
Éditions Noème  2001
 
Datos  
 
DUBOUT
 
Albert Dubout né à Marseille (,Bouches-du-Rhône ) le 15 mai 1905 et mort à Saint-Aunès (Hérault) le 27 juin 1976, est un dessinateur humoristique, affichiste, cinéaste et peintre français.
 
Son dessin se caractérise par son trait contourné et ses personnages caricaturaux, petits messieurs à chapeaux, très grosses dames en robe et scènes de foule mouvementées.
 
Après des études au lycée de Nîmes, puis à l'école des Beaux-Arts de Montpellier, où il rencontre sa première épouse, Renée Altier, il s'installe à Paris en 1922. Ses premiers dessins paraissent dans L'Écho des étudiants de Montpellier en 1923.
 
Depuis 1992, un musée lui est consacré dans la redoute de Ballestras à Palavas-les-Flots (Hérault).
 
La ville de Montpellier a baptisé une avenue à son nom après sa mort.
 
En 2018, l'Académie Alphonse Allais lui a décerné le prix Alphonse-Allais à titre posthume pour l'ensemble de son œuvre.
 
En 2023 sort l'album « Albert Dubout illustre Marcel Pagnol » (Editions Bamboo/Grand angle), hommage aux deux artistes complices et aux cinquante ans de la disparition de Marcel Pagnol
 
Jacques Durand
 
Né le 12/11/1941.
 
Longtemps chroniqueur taurin pour le journal Libération, il en a été congédié le 1er juillet 2012 et publie désormais la page taurine hebdomadaire aux éditions Atelier Baie.
 
 Jacques Durand a été aussi rédacteur en chef des émissions taurines sur Canal+, et collaborateur du magazine télévisé sur France 3 Sud : Face au Toril.
 
Il a reçu le premier prix international de journalisme à Pampelune en 87. Plusieurs de ses livres ont été édités en Espagne, au Mexique, en Allemagne. Il est également coauteur de documentaires consacrés à la corrida.
 
Bibliographie :
 
L'Habit de lumière, voyage en tauromachie, avec Jacques Maigne, éditions Ramsay, 1985
André Bouix, gardian de Camargue, éditions Stock, 1980
Guadalquivir, avec Jacques Maigne, éditions Seghers, 1990
Figures de la tauromachie, dessins d’Hélène Arnal, éditions Seghers, 1990
Le silence de la peur, photos de Maurice Behro, éditions J.F.G. Séville, 1991
Vêtu de lumières, photos Robert Ricci, éditions Calmann-Lévy, 1992
Des toreros dans le cœur, dessins d’Hippolyte Romain, éditions Loubatières, 1993
Flamenco, photos Isabel Munoz, éditions Plume, 1994
Toro !, correspondance avec Luis Francisco Esplá, photos Michel Gleize, éditions Marval, 1994
Colère noire, photos Michel Redon, éd. L’Iroquois, 1994
Humbles et Phénomènes, Éditions Verdier, Lagrasse, 1995
Histoire et Tauromachie, mythes et réalités, avec Bernard Lefort, éditions du Félin-Sauramps, 1995
Rafael le chauve (biographie de El Gallo (Rafael Gómez Ortega) ), Éditions Verdier, Lagrasse, 1996
Chroniques de sable, éditions Atlantica, 2000
Toros bravos, dessins de Claude Viallat, éditions Jannink, 2001
Chroniques taurines, éditions De Fallois, 2003
José Tomás Román, biographie du matador José Tomás, photos de Marie Fouque, éditions Actes Sud, 2004
Carnets taurins, éditions Atelier Baie, 2008.
Morantissime de la Puebla, avec des dithyrambes de Fernando Arrabal, éditions Atelier baie, 2008.
Toros, la tauromachie dans l'art populaire, avec Henriette et Claude Viallat, Jean-Pierre Loubat, Christian Montcouquiol, éditions Gaussen, 2010,
Des toros à perpet, illustrations Bruno Doan,  éditions Atelier Baie, 2012
Si Señor ! Carnets taurins, éditions Atelier Baie, 2013