Samedi 27 Avril 2024
PATRICE
Jeudi, 28 Mars 2024
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1809 : Toros en El Puerto…
 
 
Raconté par un sujet de Sa Très Gracieuse Majesté George III :
 
« En l'honneur de Lord Wellington, une corrida a été donnée au Puerto de Santa María.  Les arènes sont un grand amphithéâtre pouvant accueillir 14000 personnes. Cette fois-ci, l’arène n'était pas pleine et je suppose qu'il n’y avait pas plus de 10000 personnes présentes. L'apparence des spectateurs était frappante par le degré d'intérêt qui s'exprimait sur tous les visages, 
 
Je suis entré au moment où le premier taureau avait été tué et traîné par des chevaux joyeusement attelés, au milieu des sons de la musique et des applaudissements du public.
 
Des préparatifs furent faits pour un nouveau combat. Trois hommes s'étaient avancés l'un après l'autre, séparés d'une dizaine de mètres, montés sur des chevaux petits mais vifs et armés d'une lance d'une quinzaine de pieds de long ; et cinq ou six hommes à pied, vêtus de vestes rouges, répartis autour du ring. Les portes s'ouvrirent et le taureau chargea. Il se précipita vers le premier cavalier qui le reçut du bout de sa lance, le blessant dans le dos ; le taureau en fit le tour et attaqua le deuxième cavalier avec une grande fureur, mais, soit à cause du manque d'habileté du cavalier soit à cause de l'agilité de l'animal, le cheval fut terriblement blessé, ses entrailles tombant au sol. Les combattants furent bientôt séparés et le taureau attaqua le troisième cavalier qui le reçut comme le premier, le blessant grièvement. A ce moment, il devint furieux et galopa autour du ring ; mais, soit à cause de la perte de sang soit à cause de la douleur, il avait peur d'affronter les cavaliers. Les hommes à pied commencèrent alors à l'irriter en lui enfonçant de petites fléchettes dans le corps, et chaque fois qu'il les attaquait, ils lui jetaient leur cape dans les yeux et évitaient son attaque avec une grande habileté. 
 
Cette exacerbation continua pendant un certain temps, jusqu'à ce que l'animal, dégoulinant de sang, commence à s'épuiser. Le matador, ou acteur principal, fit alors son apparition, armé d'une petite épée et d'une cape. Il s'avança vers le taureau, qui courut vers lui en le chargeant ; mais l'homme reçut cette attaque sur sa cape et, se tenant agilement à l'écart, retint son souffle, car l'animal ne se présentait pas à lui dans l'attitude exacte qu'exigeait le matador pour le tuer avec grâce. Puis il s'avança de nouveau vers l'animal et, pendant qu'il le chargeait, il le transperça avec l'épée entre les quartiers antérieurs. Le taureau fit quelques pas en chancelant et tomba mort. Les trompettes jouèrent un prélude, les chevaux entrèrent au galop, se précipitèrent vers la carcasse et la trainèrent dehors, sous les applaudissements des spectateurs. 
 
Six ou sept autres taureaux se succédèrent, expédiés de la même manière avec les seules variations causées par les différents degrés de bravoure des animaux. Alors que le dernier taureau combattait, le matador réussit à lui donner le coup de grâce juste en dessous de la loge dans laquelle étaient assis Lord Wellington et le détachement anglais. Avant d'accomplir cette tâche, il s'adressa à Son Excellence et lui dit avec beaucoup de dignité qu'il tuerait ce taureau pour la santé du roi George III, récemment couronné. Son Excellence lui lança quelques pièces et le spectacle prit fin.
 
Cette corrida m'a semblé être d'assez mauvaise qualité en raison du froid ambiant, puisque les taureaux sont plus courageux pendant la chaleur intense de l'été…
 
Si répugnant que puisse paraître cet amusement à tout esprit délicat et sensible, il est autant fréquenté et admiré par les dames que par les messieurs. Elles assistent à ces spectacles avec leurs plus belles robes, applaudissent l'habileté des combattants inhumains et ne manquent aucun détail des différents moments critiques. Beaucoup de jeunes gentlemen du pays peuvent voir les signes de leur ruine dans ces spectacles, comme décidément les Anglais de la même classe peuvent trouver les leurs à Newmarket ».
 
Guillaume Jacob.
 
« Voyages à travers le sud de l'Espagne », dans des lettres écrites en 1809 /1810 et publiés à Londres en 1811.
 
 
Datos 
 
Selon la tradition, la ville du Puerto de Santa Maria fut fondée par un héros de la Guerre de Troie qui l'appela port de Menestheo. Publio Escipion lui donna le nom de Port Gaditain. Les musulmans l'appelèrent Alcanter ou Amacia Alcantes, qui veut dire "Port des Salines'. Au 13e siècle, Alphonse X lui donna le nom de Santa Marí-a del Puerto.
 
Conquise en 1250 par Ferdinand III, elle fut repeuplée et fortifiée par Alphonse X (1254), qui respecta l'organisation administrative des arabes, sauf pour le contrôle des forteresses et le recouvrement d'un tribut par les chrétiens.
 
Christophe Colomb y vécut et réussit à convaincre Juan de la Cosa de mettre à son service la nef Santa Marí­a. Avec la découverte de l'Amérique le trafic commercial avec ce continent se développa, et le port fut le point de départ de nombreuses expéditions américaines, comme celle de Alonso Ojeda (1499) et celle de Rodrigo de Bastidas et Juan de la Cosa (1504), jusqu'à ce que Séville obtint l'exclusivité des charges et des expéditions.
 
Aux 16e et 17e siècles, le port fut la base des Galères Royales et siège de l'état-major de l'Atlantique (Capitaní­a General del Mar Océano).
 
En 1810, les Français y installèrent leur quartier général pour le siège de Cadix.
 
Avec l'arrivée en 1822 des Cent mille fils de Saint Louis pour remettre Ferdinand VII sur le trône, le roi signa le fameux "Decret du Puerto de Santa Marí­a', dans lequel il se rétracta de sa soumission à la Constitution de 1812 et entreprit une sévère répression contre les libéraux.
 
Au 19e siècle la ville récupéra son activité commerciale avec la production et commercialisation et exportation des vins.
 
Y sont nés, Rafael Alberti (1902/1999) ; les cantaores flamencos El Nitri et El Negro ; les matadores   Jose Luis Galloso (1953), Curro Luque (1954), Celso Ortega (1971), Fernando Heredia, Miguel del Pino.
 
Patrice Quiot