Samedi 27 Juillet 2024
PATRICE
Mardi, 14 Mai 2024
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Feria de Pentecôte : ou littérature en habit de lumières... (3)
 
Ce sera le dimanche, le jour de la Pentecôte et dans le ruedo, on aura à cœur de répertorier d’autres façons d’écrire.
 
 
 Le “La jeunesse est un art” d’Oscar Wilde pourrait être l’exergue du premier chapitre de la troisième page.
 
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Lalo de María  qui ouvrira le cartel a la force d’une personnalité. Le visage au lisse de galet du Rhône et le pas à la fermeté du granit des Causses le confirmeront comme le confirmeront le décidé de l’entrega, le diktat du toque et l’impératif de la passe. Dans cette composition, Lalo aura cependant à se défaire du trop en faire, parasite du vrai, pour dire sa loi dans la sobriété d’un ton juste et donner à voir un toreo en portrait de Dorian Gray.
 
Il tuera le premier et le quatrième de l’envoi.
 
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Visage d’enfant serein de gravité, voix fluette, poignet de soie pour courir la main, douceur de sentiment, élégance de l’épure, capote et muleta lourds de pompe romaine, naturelles à manger les étoiles, Manuel Román vient de Cordoue ; descendant imaginaire de Sénèque et d’Averroès, à dix huit ans «Il jette une ombre plus grande». Et à Nîmes, ce dimanche matin, il toréera un « oiseau sur l’épaule ».
 
Promesse de l’aube au cœur parfois quelque peu chancelant, Manuel tuera le second et le quatrième.
 
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Samuel Navalón est un narrateur de la longueur qui écrit en passes de même nature; son toreo roulera lentement comme un fleuve sans remous, son capote qui unira le ciel à la terre et sa muleta au-delà de l’horizon ne finiront pas d’en finir. Toreo au plaisir subtil d’une douce promenade laissant en bouche un goût de madeleine d’abandon, il expirera un souffle qui fait penser à un Marcel Proust libéré de son asthme.
 
C’est dans ce style que Samuel, le torero de Requena, tuera le troisième et le dernier.
 
 
Violet et or est la divisa de «Piedras Rojas» ; éperon bas à l'oreille droite en est l’escoussure et au Mas de Lilon est la finca de Patrick Laugier. Si les novillos lidiés sont à son image, ils auront la bravoure d’une vie de soleil, de pluie et de lutte, la noblesse de la tour sarrasine des arènes d’Arles et la vaillance des résistants du palais des Podestats.
 
 
 
Le «To be, or not to be, that is the question» du Hamlet de Shakespeare pourrait être l’épigraphe du second chapitre de cette troisième page.
 
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Sébastien Castella sera-t-il dans le son de ce qu’il fut la veille ? Verra-t-on de lui une autre facette? Verra-t-on un autre aspect du plus illustre torero français de l’histoire ? Philip Marlowe deviendra-t-il Auguste Dupin ? Castella deviendra-t-il Sébastien ?
 
Par ce qu’il fera ce dimanche, il posera la question : n’est-il qu’un prodigieux système ? N’est-il que magnifiquement univoque? N’est-il que splendidement invariable? Peut-il par instants délaisser l’insurrection du «cœur qui bat» de Lawrence Ferlinghetti pour «aller voir si la rose. Qui ce matin avoit desclose. Sa robe de pourpre au soleil. A point perdu ceste vesprée. Les plis de sa robe pourprée. Et son teint au vostre pareil.» de Pierre Ronsard ? Pourra-t-il reprendre à son compte le «Je suis toujours différent des autres et je suis toujours différent de moi-même» de Roland Barthes ?
 
S’il l’a souvent démontré, c’est pourtant avec cet œil que certains considéreront les actuaciones de Sébastien face au premier et au quatrième qu’il tuera.
 
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Il y a deux ans, un toro de Pallares a failli rendre tétraplégique Emilio de Justo. Emilio n’a pas pu l’oublier et, quelquefois, une légère hésitation, un tressaillement, une petite difficulté à rester dans le sitio en manifestent les séquelles. Mais Emilio vient de Torrejoncillo, pays de collines, de roches, de ciel bleu et de fermes abandonnées ; son toreo y puise sa source: capoteo de bure et de chêne vert assoiffé d’eau à servir aux sangliers et aux grands cerfs à dix cors ; muleteo farouche de faim et de puchero servi sans serviette ; estoqueo d’égorgeur de poules sans indulgence enseigné par les rapaces.
 
Le toro de Pallares n’a pas fait oublier Torrejoncillo à Emilio et son abnégation à revenir fut admirable. « C'est dans l'abnégation que chaque affirmative s'achève. Tout ce que tu résignes en toi prendra vie. Tout ce qui cherche à s'affirmer se nie ; tout ce qui se renonce s'affirme. » écrivait Gide. 
 
Et à Nîmes, en septembre dernier devant les La Quinta, Emilio de Justo avait ouvert la porte des Consuls.
 
Que cherchera à affirmer Emilio en ce 19 mai ? Lui seul le sait.
 
Il tuera le second et le quatrième.
 
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Tomás Rufo vient de Pepino, province de Tolède, où résida Lope de Vega ; il a vingt-trois ans, deux années et demi d’alternative et a déjà ouvert des portes ; celles du Prince et la Grande.
 
Naturaleza dans le vent, délicatesse d’un toreo de primavera, tendre capoteo de véroniques de matin clair et de delantales en arc en ciel sont les accents de son registre.
 
Sera-t-il ainsi ce dimanche de Pentecôte avec la percale ?
 
Muleteo naturel au bon goût d’avril et à l’épure de feuille tendre ; glycine et réséda ; estocade basse comme l’horizon et furieuse comme l’herbe qui pousse sont les tonalités de son toreo.
 
Sera-t-il ainsi ce dimanche de Pentecôte avec la flanelle et l’épée ?
 
« Con viento mi esperanza navegaba; perdónala la mar, matóla el puerto » écrivait Lope le madrilène.
 
Tomás tuera le troisième et le sixième.
 
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Noir et Jaune est la divisa ; muesca à chaque oreille est le señal ; Jandilla, Luis Algarra, El Torreón et Salvador Domecq l’origine ; El Palomar“ - ”Cacunanes" à Guadalix de la Sierra  et “Monte San Martín” à Mayorga les fincas où ils vivent.
 
Ils peuvent être sucrés, ils peuvent être piquants… “Ce que je veux, c'est que mes toros embistent, qu'ils soient braves,” dit d’eux Victoriano del Río.
 
A suivre...
 
Patrice Quiot