PATRICE |
Fox…
Un visage de pierres sèches de la garrigue.
Des yeux de pétulance.
Une bouche de gourmandise.
Une voix de rocaille et de genêt.
Rugueuse de tabac.
Et des soirs de juerga.
Une allure de prince gitano.
Qui aurait pris le maquis de la sédition.
Entre l’école de la Grand Rue et la rue Fresque.
Un monstre de sentiments enfouis.
Quelquefois lancés en galéjades.
Comme des toques à l’insignifiance.
Un monstre à la parole forte.
Rouge du sang des républicains espagnols.
Et verte de gouaille nimeña.
En kikirikis et faroles.
Qui signifiaient une appartenance.
Et indiquaient une direction.
Celle du vrai.
Celle du noble.
Celle de la lutte.
Sa langue était celle d’ici.
Celles des mineurs cévenols et des bayles de Camargue.
Celle des Causses et des enganes sous le Mistral avec l’accent de la Placette.
Mais aussi celle de ses origines.
Et qu’il maniait.
De la meilleure des façons.
Dans un impeccable de forme.
Un lexique de richesse.
Et une syntaxe d’élégance.
Celle de ceux qui rugissent en souriant.
Une langue du courage.
Comme une épée en toda ley.
Celle de Domingo Dominguín.
Celle de Machado.
Celle de Semprun.
Revistero de combat à la plume ironique et légère.
Acteur muet du noir et blanc.
Pregonero de sa ville.
Drapeau rouge pour les moujiks de la muleta.
Sibérie.
Pour les apparatchiks en lunettes fumées et cigare.
Uhlan de l’arrimón.
Hussard tricolore.
Cosaque de l’entrega et spahi d’un sitio de Frente Popular.
A la frontière de chemins secrets.
Il allait « a su aire » comme Rafael et Curro.
Pour la manière.
Comme Hugo pour le fond.
Et comme Jaurès.
Pour l’esprit.
Sur la fin.
Seules, les bouteilles d’oxygène.
Lui permettaient de respirer encore un air de liberté.
Il est mort.
Le samedi de la Féria d’Istres.
Le jour où trois toreros français firent le paseo.
Et on l’incinéra.
Le vendredi suivant.
Entouré d’un « No hay billetes» de camarades, d’amis et de compères.
Rodolfo Arias était son nom.
Mais pour nous tous et pour l’éternité.
Il restera «Fox»…
Patrice Quiot – Photo : Isabelle Dupin
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