PATRICE |
Lundi, 08 Juillet 2024 | |||
Brindis a la juventud torera…
A vous, niños, niñas, chiquillos y chiquillas, toreros y toreras del mundo entero, sans vraie logique, décousu, sans vraie queue et avec pas de tête, ce brindis de cuerpo abierto.
Il se nourrira des truites du Guadalete, boira l’anis sur la terrasse d’un mazet de la route de Sauve, se brûlera au feu des ferrades qui fera bouillir le puchero des vaqueros aux yeux clairs.
Ce sera une prière païenne aux pipas des tendidos altos, une incantation militante aux espinacas con garbanzos du «Serranito», aux lynx de la marisma et au vin de la tierra de Jerez, une oraison dévote à un pasodoble de la banda de Rudy Nazy, au solo de trompette de «Nerva», aux pigeons de la plaza Santa Ana et un salut en forme de drapeau rouge.
Là-haut, dans le ciel, passe une paloma ; elle vous salue toutes et tous comme elle salue le toreo de Talavante et de Borja, la demi-véronique de Morante, Cervantès et Chateaubriand, les crues du Vidourle et le souvenir de nos parents.
L’oiseau divin bénit le petit déjeuner de café solo y tostadas quand le soleil commence à chauffer les pierres dorées des plazas de légende et caresse le figuier dont les frères de Palestine ont donné de l’ombre au Christ ; la paloma touche l’épaule de tous les toreros français; elle parcourt l’édition nîmoise du «Midi Libre» du jour, boit l’apéro en mémoire de Michel Gilles, d’Yves, d’Amor, d’Antoine, de Rodolfo et des autres, pointe du bec les corrales du Bd Natoire où un toro tua «Macareno», indique la route aux coches de cuadrillas et chante l’été déjà là.
Ce brindis à vous, niños, niñas, chiquillos y chiquillas, toreros y toreras del mundo entero, se nourrit des poires de Jumilla, des abricots précoces de Cieza, du raisin de Blanca, du melon de Torre Pacheco, des citrons de Santomera, du vin de Yecla, des tomates de Mazarrón et du : «Qu'est-ce que la vie ? Un furieux délire. Qu'est-ce que la vie ? Une illusion, une ombre, une fiction » de Calderón de la Barca.
Ce brindis résonne dans le salon du «Gran Hôtel» de Salamanque quand le Viti tenait la main de Conrado Abad Gullón, le plus vieux maletilla du monde et dans la calle Pastor y Landero où marchaient ensemble Camino et Curro. Il résonne derrière deux cornes, dans une anchoïade à «La Bélugue», dans un cèpe de cinq cent vingt grammes trouvé avec une amie un jour de tentadero chez Malabat et qui finit sa vie souterraine dans une omelette partagée à deux un midi de fringale ; il résonne dans le rire de Molina, les médailles de Pepe Luis Segura, «L’Amatcho» et son perroquet du Bayonne d’Olivier Baratchart, «Le D’Artagnan» du Vic de Marcel Garzelli et «Les Pyrénées» du Mont de Marsan de Thomas Dufau.
Ce brindis à vous, niños, niñas, chiquillos y chiquillas, toreros y toreras del mundo entero, respire l’air du hall du «Victoria» et celui de la «Burgalesa», les toros de la carretera ou une vuelta al ruedo du «Gitanillo de Paris» à Lansargues une branche de platane à la main ; il chante une pince de homard volée à une amie un soir «Chez Darcq» avec un Angel Teruel complice à la table d’à côté ou une sopa de mariscos amoureuse au Puerto; il chante l’anis de Chinchón à la douceur presque écœurante dans le récantou du patio de caballos des arènes de Dax, les cinq émeraudes sur la chevalière de Luis Álvarez pour les cinq Puertas Grandes de César et il chante les phares de la nuit aux étoiles qui illuminent les oreilles coupées.
Ce brindis à vous, niños, niñas, chiquillos y chiquillas, toreros y toreras del mundo entero, huelle a azahar.
Il sent un dimanche de Vendanges de mes dix-sept ans quand Puerta, Camino et Paquirri tuaient les toros de Germán Gervas, il sent un matin de Noël à Amphise avec Odette et Jean-Marie, un bouquin de Blaise Cendrars dans la poche et il sent ces histoires qu’on oublie quand le soir tombe sur la Montagnette, quand le sereno madrilène vous rappelait la vie qui passe, quand l’odeur du raisin coupé embaume la lune qui vient taquiner les micocouliers et quand, sous les piles du pont de Triana, un flot de tendresse roule vers Sanlúcar, l’Atlantique et le Gardon.
Niños, niñas, chiquillos y chiquillas, toreros y toreras del mundo entero, cette terre des toros, rare de joyaux naturels et de trésors d’humanité, est offerte à votre conquête.
Si vous arrivez à la séduire, les chênes verts de Salamanque, les bruyères de Navarre, la dama de noche de Málaga, les orangers et la madreselva de l’Aznalfarache seront vos sujets, les enganes de chez Espelly vos hommes-lige, les plants d’aramon et le génie de la Puebla del Río vos obligés, les brochets des roubines vos vassaux et les campesinos républicains fusillés par les Requetés en béret rouge vos troubadours.
Sachez, niños, ninas, chiquillos y chiquillas, toreros y toreras del mundo entero que ce royaume là ne se limite pas à un horizon que pourrait contenir un seul pli de la carte de Cassini, mais laisse deviner derrière son sky-line les immensités que décrivaient à la reine Hapsetchout les géographes de Thèbes.
Sachez aussi, que si vous avez la chance d’en découvrir les clés, elles vous ouvriront bien des portes…
Patrice Quiot
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