Dimanche 19 Mai 2024
Rivero
Jeudi, 11 Octobre 2012

Le tercio de piques n’en finit pas de faire débat…

Car si tout le monde s’accorde sur la volonté de remettre en valeur le tercio de varas, les moyens pour y parvenir ne sont pas faciles à trouver. Sauf en paroles et bonnes résolutions. Tout effort en ce domaine étant certes louable, il n’empêche que s’attarder sur le matériel, sur son évolution, ne règlera pas tout.

Ainsi, dernier en date, le piquero Curro Rivero a élaboré un nouveau prototype incluant un système rétractile conçu  pour amoindrir l’incidence de la lame, tout en piquant, mais en dosant le châtiment et amoindrissant la blessure. Qu’en sera-t-il de son application ? On n’en sait encore rien, mais après tout, pourquoi pas, tout comme d’autres modèles déjà essayés et utilisés de-ci, de-là.

Reste que le matériel ne fait pas tout, trois éléments fondamentaux entrant pour une grande part en ligne de compte : le toro, le piquero et la cavalerie.

Le toro ? Force est de constater que sortent pas mal de toros faibles, décastés, mansos, ternes, qu’il est très difficile de piquer dans les règles de par leurs charges limitées, désordonnées… quand ce n’est pas absentes ! Pour ceux-là, on pourra inventer tous les règlements possibles, toutes les puyas du monde, je ne suis pas sûr que ça y fasse grand-chose. Car le plus souvent, l’affaire se conclut par un « picoton » rapide et insignifiant, suivi parfois, pour faire le compte dans les arènes les plus exigeantes, par une deuxième rencontre en mode simulacre !

Puis il y a les autres, malheureusement les moins nombreux, ceux qui ont du recorrido, de la charge, qui s’arranquent à l’appel du piquero, qui poussent droit, bref ceux qui possèdent en eux une bonne dose de bravoure et qui font le spectacle. Ceux-là méritent une lidia appropriée, dans les canons, avec un placement de plus en plus reculé… C’est évidemment la suerte qu’attendent les aficionados et qu’ils peuvent savourer… quelques fois dans la saison ! Ceux-là, quelle que soit la pique, à condition qu’elle soit bien maniée, surmonteront l’épreuve avec fiereza et panache.

Les piqueros ? Pas question de les mettre en cause comme certains le font trop souvent à tort, ils ont un rôle ingrat et font le plus souvent en fonction des conditions du toro… et des ordres de leur matador. Bien sûr, comme dans tout, il y en a de plus adroits et consciencieux que d’autres, mais globalement, quand ils le veulent, les piques sont données comme il faut. Question d’application. Un exemple ? Les six piqueros aux ordres de José  Tomás à Nîmes, modèles d’efficacité… dans la sobriété !

A ce propos, certains picadors font actuellement le spectacle, pour le plus grand plaisir de l’assistance. C’est très bien, à condition que le toro s’y prête, car sinon, certains excès de théâtralité ne servent que de cache misère face à un manque évident de caste, comme on a pu le constater en diverses occasions au cours de cette temporada où l’on s’évertue à tout prix à placer loin un toro qui n’a aucune disposition à s’arranquer, d’où des temps morts inutiles dont on pourrait nous dispenser. Mais à l’évidence, lorsque l’on a affaire à des toros qui répondent, ils peuvent nous faire vivre de grands moments. Comme Tito Sandoval devant les Miura à Nîmes, mais ce n’est pas le seul…

Autre considération au sujet de la lidia, il est évident que certains matadors ou lidiandos ont plus le souci du placement que d’autres. Là aussi, il serait bon que cette volonté de mettre convenablement le toro en suerte soit contagieuse ! Car un piquero ne peut pas tout faire et si le toro est mal placé, sa tâche n’en sera que plus contrariée et délicate.

La cavalerie ? Elle joue évidemment un rôle important, et dans ce registre, ce n’est certainement pas chez nous que nous sommes les plus mal pourvus. Je me garderai bien de me lancer dans des études comparatives, chacune a ses partisans, mais que ce soit celle d’Alain Bonijol ou de Philippe Heyral, chacun dans ses caractéristiques, les deux ont permis des tercios de haute qualité. Certes, toutes les montures ne sont pas les mêmes, mais le bon picador aura plus de faculté à s’adapter et le mauvais à trouver des excuses… là où il n’y en a pas !

Que ressort-il de tout ça ? Qu’il y a d’un côté ceux qui favorisent le spectacle et notamment ce premier tercio, et ceux qui l’expédient. Qu’il y a des toros braves… et les autres. Qu’il y a de bons piqueros, y compris chez nous, et des saboteurs. Que tout ça n’est pas nouveau et que quel que soit le matériel, le règlement, le poids du toro ou du cheval, le tracé des lignes, je crains fort que le débat soit encore d’actualité… dans dix ou vingt ans !

Avec en corollaire cette absurdité, les picadors les plus applaudis étant le plus souvent… ceux qui ne piquent pas !!! C’est donc aussi le public qu’il faudrait éduquer… Vaste chantier !

Alors voilà… Que chacun en pense ce qu’il veut, mais pour ma part, j’ai assisté à de bons tercios de piques il y a cinquante, quarante, trente, vingt, dix ans… et même cette année, autant qu’à d’authentiques sabotages ! Question de conscience professionnelle, de talent, de volonté à soigner la lidia, qui a traversé et traversera les époques. Quelle que soit la monture ou la pique ! On n’en a pas fini avec les débats… et les contradictions !