Samedi 20 Avril 2024
Jérémy Banti

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Au service des autres... dans l’ombre de la lumière !!!

Parmi les matadors français actuels, Jérémy Banti occupe un créneau à part qui lui a permis de rester dans le milieu des toros, celui de sobresaliente. En effet, quand on n’est pas beaucoup sollicité, il n’y a pas cinquante solutions, soit la mort dans l’âme on range définitivement les trastos dans l’armoire à souvenirs, soit on se bat pour se faire tout de même une place en prenant alors des chemins de traverse. C’est notamment le cas de ceux qui se sont reconvertis en banderilleros, tels Morenito d’Arles, Frédéric et Marco Leal, ou encore San Gilen, Tino Lopes…

Toutefois, il existe une autre alternative si l’on veut rester matador de toros, c’est de se faire engager comme sobresaliente, à savoir tenir le rôle de suppléant dans un mano a mano ou une encerrona. Ainsi, on a vu longtemps Morenito de Nîmes tenir ce poste et depuis deux ou trois ans, Jérémy Banti a pris le relais, devenant à son tour un habitué de la fonction. A 35 ans, sans perdre l’espoir d’être engagé dans des ferias, cette fonction lui permet de continuer à vivre sa passion, avec comme cerise sur le gâteau, malgré un côté quelque peu frustrant, l’opportunité de se produire dans les plus grandes arènes aux côtés des figuras…

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Ne plaignant ni sa peine, ni son temps et encore moins ses déplacements, j’ai rencontré Jérémy de manière tout à fait fortuite dimanche dernier au Sonnailler, lors de la dernière course de la saison de l’Ecole Taurine d’Arles… dont il a été un temps l’élève. Avec lui, nous sommes revenus sur son parcours et les raisons de ce changement d’orientation…

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- Je suis Arlésien, mais après mon étape à Séville, je  vis à Bayonne depuis quatre ans. C’est l’aficion qui me fait aller d’un côté ou de l’autre pour m’entrainer, pour voir des amis, toréer… En fait, j’aime bien bouger !

- A présent, on te connait et te reconnait pour ton rôle de sobresaliente. Comment en es-tu arrivé à prendre un tel virage ?

- C’était soit ça, soit je raccrochais le costume ! Je ne me sentais pas de me mettre banderillero, c’est une spécialité et je ne le voyais pas clair, c’est pourquoi je me suis lancé dans ce nouveau rôle.

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-  C’est une décision qui doit être difficile à prendre, non ?

- Effectivement, il faut mettre son orgueil de côté et le plus difficile à avaler, c’est au début. Là, tu prends une claque ! Quand tu es sobresaliente, tu es dans la lumière, mais tu dois rester dans l’ombre !!! C’est pour ça que je reviens souvent à cette phrase : « Ombre ou lumière, l’important est de se sentir torero ! », mais c’est vrai quand même que c’est dur…

- Comment tu t’y es pris ? C’est toi qui as sollicité les empresas ?

- Oui. En France, on me connaissait et quand il y avait des opportunités, mano a mano ou encerrona, je les appelais pour leur signifier mon intérêt de tenir le poste de sobresaliente.

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- La première, c’était où ?

- Les Victorino à Arles ! Et la même année, il y a eu encore les Victorino Martín à Madrid pour l’encerrona de Talavante… Une expérience unique, tu côtoies les figuras, tu t’habilles et fais le paseo avec eux, quant aux rapports que l’on peut entretenir, tout dépend du caractère de chacun ! Mais en général, ça se passe bien…

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- Par exemple, Talavante à Las Ventas, où c’est l’empresa de Madrid qui t’a embauché. Comment ça s’est passé ?

- On se connaissait un peu, mais sans plus. Le premier, Javier Solis, c’est le maestro qui l’avait demandé, et moi, j’ai été engagé par l’empresa. C’était très impressionnant, avec la télé, la pression des professionnels et de l’aficion… Mais je ne suis pas intervenu ! La corrida était sortie très compliquée, avec une météo désagréable, du vent, de la pluie, du froid, et dans ce contexte plutôt contraire, j’avais surtout souffert pour lui !

- Ce rôle de sobresaliente, est-ce que c’est à présent devenu une fin en soi ou est-ce que ce n’est que passager ?

- J’aimerais que ce soit passager ! Malheureusement, c’est très difficile et les empresas me disent parfois que comme je suis sobresaliente, les gens pensent que je ne veux plus toréer. Mais c’est faux, je le fais pour pouvoir rester dans la profession. Je m’entraine comme si j’avais des contrats et si je voulais m’arrêter de toréer, je ne ferais pas tous ces efforts de préparation ! Financièrement, je fais des sacrifices pour toréer des toros en privé, de temps en temps des clubs taurins m’invitent pour des fiestas camperas et je suis tout de même parvenu à entrer dans les cartels de quelques festivals, comme les Saintes, Béziers, Rodilhan, au Mexique aussi…

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- Cette année, combien de fois as-tu toréé ?

- Une douzaine dans mon rôle de sobresaliente et cinq festivals. Ça me permet de survivre, de faire ce que j’aime !

- En foulant le sable d’arènes importantes…

- Oui, Madrid, Valencia, Saragosse, et en France, toutes les arènes importantes.

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- Est-ce que ce poste particulier requiert un entrainement spécial ?

- La préparation est la même que si j’allais toréer une corrida, la différence se faisant davantage sur le mental en te mettant une pression, mais sans excès, car lorsque l’on ne torée pas, la frustration est grande et tu as tendance à te dire « tout ça pour rien » ! Donc, il faut trouver un juste milieu, être prêt à répondre à toute éventualité sans trop se prendre la tête. D’un instant à l’autre, la donne peut changer et il faut donc acquérir une grosse capacité d’adaptation et de réaction…

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- Et aussi de concentration, non ?

- Oui. Par exemple, lors de la dernière Feria de Otoño de Madrid, quand j’ai emmené José Garrido à l’infirmerie et que je l’ai laissé sur le lit entre les mains des docteurs, je me suis dit en revenant dans le ruedo qu’à tout moment, je pourrais être appelé à intervenir…

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- Ça t’est déjà arrivé d’avoir à remplacer le titulaire ?

- Pour le moment, non. Mais même si tout se passe finalement bien, on en ressort quand même vidé nerveusement.

- Sébastien Castella… Vous êtres liés par une forte amitié. Est-ce qu’elle t’a été profitable en termes de soutien, d’engagements ?

- Oui, bien sûr. Par exemple, la première fois, que je suis allé à Madrid, alors qu’il était apodéré par Luisma Lozano, il m’avait donné un poste. Cette année, à Leganés, c’est lui, et à Madrid, son apoderado qui était aussi empresa m’a mis plusieurs fois. Il y a eu aussi la France, comme Nîmes avec les Adolfo, et Simon Casas m’a aussi fait confiance…

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- C’est aussi le danger d’être catalogué pour ce poste. N’est-ce pas une inquiétude ?

- Oui, mais comme je te l’ai dit, je n’oublie pas que ça me permet de vivre. Par ailleurs, l’an prochain, je fêterai mes dix ans d’alternative et j’aimerais bien les fêter en ayant l’opportunité de toréer quelques corridas ! J’ai bon espoir, on n’est sûr de rien, évidemment, mais comme j’entretiens de bons rapports avec les décideurs, j’espère que des choses se concrétiseront…

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- Quel a été ton meilleur souvenir en tant que sobresaliente ?

- Déjà de faire le paseo avec José Tomás à Alicante ! Mais aussi les six toros de Sébastien à Nîmes, et plus généralement, lors de paseos aux côtés de figuras comme Morante, El Juli, Manzanares…

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- Quels sont ceux avec qui tu as le mieux accroché ?

- Hormis Sébastien, je dirais Morante. Une fois, à Nîmes, au cours d’un mano a mano avec El Juli, Morante a fait un quite, puis le Juli après la seconde pique, avant que Morante ne me fasse signe d’y aller à mon tour ! J’ai exécuté quelques véroniques « a gusto » et après mon quite, il s’est approché pour me féliciter !

- Et les moments plus délicats ?

- Je dirais ma première à Arles avec les Victorino. Ça faisait deux ans que je n’avais pas porté le costume de lumières et se retrouver comme ça en piste, avec de surcroît un lot plus que sérieux, ce n’étais pas évident.

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- -Mis à part les toros, est-ce que tu as d’autres activités ?

- J’ai travaillé un moment pour Julien Lescarret, mais à présent c’est fini. J’ai aussi travaillé dans une autre boutique, mais maintenant, je ne me consacre qu’aux toros, avec aussi mon autre passion… Le surf !

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- Tes perspectives pour la prochaine temporada ?

- Bien entendu, poursuivre en tant que sobresaliente, mais aussi comme je te l’ai dit, entrer dans quelques cartels pour mes dix ans d’alternative, ainsi qu’en Amérique où j’ai quelqu’un qui s’occupe de me trouver de engagements…

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Pour la prochaine temporada, on va donc souhaiter à Jérémy de continuer à vivre sa passion à fond et pour ses dix ans d’alternative, d’avoir l’opportunité d’étaler ses qualités et son potentiel dans quelques cartels rematés. Suerte !!!