Jeudi 28 Mars 2024
Istres
Dimanche, 07 Juillet 2019

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Bernard Marsella : « 2019 a été une grande cuvée, tant au plan de la fréquentation du Palio comme du résultat artistique »…

Comme nous avons pris l’habitude de le faire, j’ai retrouvé Bernard Marsella cette semaine afin d’évoquer ensemble, après quels jours de recul, ce qu’a été l’édition 2019 de la Feria d’Istres. Un cycle qui si l’on tient compte des échos, a réservé de bons moments de toreo chaque jour, à des degrés divers, avec une montée en puissance au cours de son déroulement jusqu’à l’apothéose de la corrida charra pour la clôture dominicale…

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« A l’unanimité, nous sommes ravis du résultat artistique et populaire de cette feria. M. le Maire est très satisfait des retombées et je tiens à préciser que tout ce qui a été important dans cette feria, on le dédie à Maurice Priaulet qui nous a quittés récemment. Il était membre de la commission taurine et s’est investi pendant une vingtaine d’années avec nous. Une partie de ce succès lui incombe.... Concernant la fréquentation au Palio, ça a été une grande cuvée. L’édition 2019 a largement rempli nos espérances, avec deux « no hay billetes » le vendredi et le dimanche, mais aussi des arènes pratiquement pleines le samedi pour la corrida torista puisqu’il ne restait en fait que quatre-vingts billets ! Avec encore une grosse affluence pour la novillada, ce qui est formidable, puisqu’il y a eu deux tiers d’arène. C’est la première fois que nous avons fait autant de recette pour une novillada et le fait de l’avoir basculée le dimanche matin et qu’il y ait un enjeu particulier pour les novilleros a certainement encore plus motivé les aficionados pour passer la journée complète à Istres !

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Il est vrai  qu’on est habitués à remplir nos arènes, mais là, avec deux fois un plein intégral, franchement, ça ne nous est pas arrivés souvent ! Malgré le contexte économique, c’est un petit peu une année record, avec aussi le fait que la Feria d’Istres se soit déroulée quatre jours à peine après celle de Nîmes. C’est une grande satisfaction, une récompense pour une année de travail, et c’est aussi se dire que l’on ne s’est pas beaucoup trompé sur la programmation. Quand globalement sa qualité rejoint le résultat artistique, on ne peut qu’être satisfait ! Le vendredi, pour l’ouverture, la corrida avait beaucoup d’ambiance pour un cartelazo d’alternative d’Adrien Salenc avec deux figuras pour l’entourer, comme le Juli et Roca Rey qui se présentait à Istres. On a senti au Palio, dès le paseo, une ambiance des grands jours. Cela dit, on se rend compte aussi que 18h, c’est un peu trop tôt, notamment du côté des partenaires puisqu’il y avait de petits creux… alors que toutes les places étaient vendues !

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Comme on dit, « corrida de expectación, corrida de decepción !!! »… Ce jour-là, on n’a pas eu rendez-vous avec le résultat artistique pour plusieurs raisons, la première étant que plusieurs toros de Zalduendo ont manqué de transmission, puis avec le coup du sort de cette tempête de siroco qui est arrivée au premier toro du Juli  et qui a duré pendant deux toros où c’était quasiment impossible de toréer entre vent tourbillonnant et sable. Nous avons perdu huit degrés entre le paseo et le dernier toro et à la fin, les gens n’y étaient plus, l’ambiance déclinant sur les gradins…

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Si on analyse vraiment les choses, on se dit que les circonstances nous étaient défavorables. Si à cela on ajoute qu’Adrien Salenc a perdu sa seconde oreille et par là-même la grande porte à son deuxième toro, le Juli qui pinche sa seconde faena de probablement deux oreilles après s’être arrimé comme un novillero, ça commence à faire beaucoup, et si on rajoute aussi un toro que nous appelons « de vaca » pour Roca Rey qui s’est malheureusement brisé les reins sur sa vuelta de campana puis qui en a fait une autre, on comprend qu’il était quasiment impossible de faire mieux ce jour-là…

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Le lendemain, c’était le rendez-vous torista car pour la feria d’Istres, il faut qu’il y en ait pour tous les goûts ! Nous avons donc répété la corrida de Valverde qui nous avait donné satisfaction l’année précédente. Ça a été une corrida encore plus spectaculaire, plus sérieuse, avec des toros de cinq ans,  ce qui a amplifié l’intérêt. Octavio Chacón est tombé sur les deux plus dangereux et il n’était certainement pas dans le meilleur moment de sa saison.

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En revanche, Javier Cortés nous a gratifiés de trois chefs-d’œuvre, envoûtant le Palio par sa torería, son envie, son ambition, son intelligence, sa personnalité, sa classe, sa puissance et son dominio. C’est un monument de torero qui est sorti a hombros, et on en est certes ravis, mais il aurait pu couper davantage d’oreilles avec un meilleur maniement de l’épée ! Selon moi, ça a été le meilleur moment de tauromachie de cette feria ! Sa faena au second toro lui aurait ouvert la puerta grande dans des arènes importantes… y compris comme Madrid !!!

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Avoir la chance de vivre des moments uniques et si puissants de toreo, c’est déjà formidable que ça peut se produire au Palio ! Je suis ravi car sont quand-même sortis trois ou quatre toros du Curé de Valverde qui ont donné des possibilités et par le fait que Javier Cortés ait pu en profiter en arrachant les deux oreilles de son dernier toro… qui était plus grand que lui !!! Fort heureusement, il lui a mis l’épée puis est sorti en triomphe dans une émouvante euphorie. Auparavant, je l’avais vu en larmes qui lui coulaient de rage à son second car il avait conscience d’être passé à côté d’un très grand triomphe. Mais j’ai rarement vu une vuelta al ruedo aussi puissante, avec autant d’émotion, qu’à Istres !

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Le dimanche, journée complète proposée aux aficionados, avec dès le matin, comme je l’ai déjà mentionné, grosse ambiance pour la novillada car il y avait déjà pas mal de monde. Ce challenge historique avec pour le triomphateur un contrat à la clé pour se produire à la Monumental de Mexico a séduit une grande partie des aficionados. Malheureusement, nous n’avons pas pu lidier la novillada de Cuillé. Nous avons dû nous rabattre dans la précipitation, et nous en sommes ravis, sur une novillada de Jalabert frères qui est sortie très bonne. En outre, nous avons vu six novilleros, chacun dans son style, donner le maximum pour essayer de rafler la mise. Il fallait un triomphateur et la prestation du mexicain Héctor Gutiérrez a fait l’unanimité. Il aurait d’ailleurs dû couper deux oreilles et ouvrir la grande porte, mais malheureusement, le palco en a décidé autrement. Les aficionados, eux, ne se sont pas trompés car en l’occurrence, il y avait là  un sacré torero ! On m’a dit après coup que c’était dommage que ce soit lui le vainqueur au Mexique, mais tout le monde connaissait la règle du jeu. Personnellement, j’aurais préféré que ce soit un français qui en profite, mais si ce n’est pas cette année, j’espère que ce sera pour une autre fois … si on peut rééditer ce concept !

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Je tiens à dire aussi que cette novillada a été le parfait trait d’union avec la corrida de clôture, un grand spectacle musical, pictural, avec un décorum bien précis pour rendre hommage à la tauromachie mexicaine. Là aussi, il a fallu changer d’élevage, mais nous ne le regrettons pas car on a vu des toros intéressants pour la plupart sur les sept finalement lidiés. Cette corrida faisait allusion à celle de 1987 dans les arènes de Madrid où il s’était lidié un lot de toros de San Marco et San Mateo pour Nimeño II, Tomás Campuzano et David Silveti, soit un Français, un Espagnol et un Mexicain. Nous retrouvions la même composition dans ce cartel et je crois que cette corrida a conditionné le public, avec dès le paseo des sensations différentes par rapport à d’autres courses. Un public festif, où l’on sentait qu’il pouvait se passer de grandes choses, avec les mariachis d’un côté, le spectacle charro d’ouverture, les couleurs, les détails, comme le paseo qui s’est ébranlé au son de « Cielo Andaluz », comme à Mexico, et non pas Carmen, les vueltas à l’envers… On a senti les toreros œuvrer pour avoir le résultat artistique et je crois que la photo finale où l’on voit les trois toreros a hombros parle d’elle-même. Nous voyons les toreros et le public heureux, et au fond les mariachis avec la Peña Chicuelo II, un décorum qui rendait hommage à l’histoire qui se répétait, de Manolete au Juli, de Christian à Sébastien, et de Gaona à Luis David ! C’est ce parallèle que nous avons voulu mettre en  exergue pour cette corrida et l’on ne pouvait pas espérer meilleur final avec cette apothéose, si l’on ajoute que Sébastien Castella, qui n’avait pas eu de chance avec son lot, a offert le sobrero comme il est de tradition au Mexique ! Il s’avère que ce toro a été le meilleur de l’envoi et qu’il lui a coupé un rabo. Allez trouver meilleure conclusion !!!

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Après cette feria, qui je le répète, a constitué pour moi une belle satisfaction, on se projette forcément sur la suivante. Il y a des choses qui nous oint interpellé, mais il faut attendre que la temporada se consume et disons si vers septembre/octobre, il n’y a pas de toreros qui montent en catégorie, ou l’inverse. Il faut se donner le temps de la réflexion et l’histoire, ce n’est pas de faire des cartels pour faire des cartels. Aujourd’hui, on a bien compris que mettre  trois toreros et six toros, ça n’intéresse personne. Il faut créer des histoires susceptibles de faire la différence, avec des cartels que l’on ne voit pas forcément ailleurs. L’identité d’Istres est là, en plus on a une feria qui part dans tous les sens. C’est là-dessus qu’il faut continuer avec une feria variée, qui touche un maximum d’aficionados pour se donner toutes les chances d’en rassembler un maximum au Palio. La corrida du dimanche après-midi, c’est ce style là qui fait de l’aficion ! Et si on regarde de près, on a un taux de réussite qui est en dessus de la normale…

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L’an prochain, la configuration de la feria sera identique, à savoir trois corridas de toros et une novillada piquée. On ne peut pas tout le temps solliciter les aficionados, et l’on s’est rendu compte que le fait d’avoir enlevé une corrida correspondait mieux à la taille de notre feria, surtout si on veut avoir des arènes pleines !

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Evidemment, on y verra beaucoup plus clair, mais déjà, on a la trame en tête, d’autant plus que nous avons aussi été satisfaits de l’animation pédagogique du samedi matin organisée par les Aficionados Prácticos. Je tiens particulièrement à les remercier, ils ont été très actifs pour fêter leurs trente années de fonctionnement et d’ailleurs ça fait partie de nos racines. C’est aussi une belle histoire humaine, le destin nous a réunis sur le sable des arènes de Caissargues. Notre maitre était Nimeño qui nous a laissé cet héritage si puissant. Chacun a eu ensuite une destinée différente, mais dédiée à la tauromachie.

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Cette rencontre de Manduel m’a beaucoup touchée, avec le fait de revoir toréer Denis et Stéphane qui m’a invité, ainsi que Jean-Baptiste, à partager un instant ces moments de bonheur en piste… On a retrouvé cette véritable ambiance sincère, d’amitié, comme une trace qui ne s’effacera jamais…

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Pour en revenir à cette matinée pédagogique, c’est quelque chose que notre maire souhaite de voir renouvelée et ce sera même amélioré, tout comme l’exposition « Tauromachies Universelles » qui a obtenu un franc succès.  A ce propos, nous avons aussi été surpris par la journée que nous avons faite, avec la rencontre des élèves d’un établissement de la ville la veille de la feria. Ils étaient environ 200 pour l’expo commentée par André Viard et ce sera une expérience renouvelée sur Istres, peut-être même dès l’hiver prochain…

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En définitive, il ne faut pas occulter la course des fêtes qui sera cette année une portugaise. La Feria est spécifique, le mois d’août c’est autre chose et il faut donc proposer un autre type de tauromachie. Je suis persuadé que l’on va faire une grande entrée, surtout qu’elle est en nocturne.

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Ainsi sera complétée une temporada 2019 à Istres qui pour moi fera date…»