Vendredi 29 Mars 2024
SERRANO
Dimanche, 19 Juillet 2020

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Rencontre avec Marc Serrano lors d’un tentadero chez Dominique Cuillé...

Malgré un très timide retour aux affiches officielles, l’époque est encore incontestablement aux tentaderos publics, la plupart solidaires, ainsi qu’aux toros en privé, des formule qui ont permis probablement d’éviter le pire, offrant aux ganaderos et aux toreros quelques opportunités, ainsi qu’aux aficionados de retrouver la trace des toros... Mais il y a aussi d’autres tientas plus conventionnelles, comme il s’en fait pas mal au cours de chaque temporada et très récemment, j’ai été invité à l’une d’entre elles au Mas du « Grand Badon », chez Dominique Cuillé, où Marc Serrano, Clemente, Rafi et de seconds, quelques élèves du CFT et de l’école d’Arles ont pu s’exprimer trastos en mains, avec Luc Tosello sur le cheval.

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Sous le soleil et un ciel bleu ce carte postale, ils ont tour à tour donné le maximum. L’occasion de prendre contact avec plusieurs protagonistes, à commencer par Marc Serrano qui après un confinement dans la demeure familiale est reparti ce dimanche en direction de Madrid, la ville où il travaille en tant qu’assureur... Bien évidemment, la discussion a d’abord tourné sur la situation générale liée à la pandémie, le torero étant soumis d’emblée à un dilemme personnel sous forme de questionnement... Fallait-il rester à Madrid ou rejoindre Nîmes ?

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« Avec ma compagne, nous avons vécu le confinement en France. On était à la mi-mars, on a alors su que Madrid allait être verrouillée et pour diverses raisons, on a pris alors la décision de rentrer sur Nîmes. D’abord parce que dans des moments aussi difficiles, il est parfois plus commode de les vivre en famille et on s’est donc rapproché de ma mère. Après, il est vrai qu’avec le recul de quelques mois, je pense que ça a été la bonne décision puisque le confinement de Madrid a été particulièrement dur ! Certes, on n’y était plus, mais j’ai eu pas mal d’échos par des connaissances qui étaient sur place, les gens n’avaient que très peu de possibilités de descendre dans la rue, de se déplacer... Chez nous, il y a eu aussi des contraintes, mais toutefois un peu plus souples ! Après, une autre raison a été que de le faire à Nîmes, dans la maison familiale avec un peu de jardin, c’est bien plus agréable que dans un petit appartement. Donc, comme je l’ai déjà dit, pour ce qui nous concerne, la décision a été bien sûr la bonne...

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Ensuite, avec le déconfinement, il est certain que ça a été plus allégé notamment dans le domaine des distances, puisque le kilométrage a permis d’atteindre toute la zone des ganaderías. Pendant un mois, je n’ai pas touché la voiture et là, j’ai pu ainsi par la suite revoir des toros et participer à quelques tientas. En Espagne, il y en a eu beaucoup plus car les autorités ont permis aux éleveurs d’en organiser et de faire venir des matadors. Chez nous, les choses ont commencé à se réguler avec le déconfinement. On a pu recommencer à tienter, la vie du campo a repris sous diverses formes, fiestas camperas organisées par des groupes, toros en privé, les professionnels reprenant leurs activités et l’aficion pouvant se retrouver. Toutes ces initiatives ont été positives, avec des concepts différents. En situation normale, ça n’aurait peut-être pas existé, ou moins, mais ça a représenté pour le moins en tout cas un palliatif important, le côté solidaire en plus. En ce qui me concerne, je tiens à remercier tous les ganaderos français qui m’ont fait tienter, entre autres la famille Cuillé, Tardieu, Fano, Margé, Blohorn... et la semaine prochaine, je vais rentrer à Madrid pour une dizaine de jours où je vais aller chez Jean-Marie Raymond avec lequel j’entretiens d’excellentes relations.

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Les perspectives, elles sont forcément un peu floues compte tenu de la situation présente, mais pour moi, l’important est d’essayer de profiter de cette vie du campo pour être préparé au cas il y aurait une opportunité avant la fin de la saison. Normalement, puisque je fais partie des organisateurs avec la Peña Al Violín, je devrais toréer le festival de Samadet le dernier dimanche d’octobre. C’est pratiquement sûr, si on nous le permet, bien entendu. Après, mon club taurin va faire sa Fiesta Campera le 8 août chez Dominique Cuillé, avec deux toros de La Véronique, l’élevage de Dany Bantzé. Après, d’autres choses peuvent se greffer au cours de cette période d’incertitude. Mais pour l’heure, je ne peux évoquer que ce dont je suis sûr !

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Pour revenir sur mes vingt ans d’alternative, il y a deux choses. Sur ce qui concerne la programmation, je ne peux pas dire que j’ai été comblé si l’on considère les circonstances, et il est clair à ce sujet que j’aurais bien aimé les fêter à Nîmes puisque je suis Nîmois et que c’est là où j’ai été sacré matador de toros ! Comme partout ailleurs, les choses ont évolué au gré des circonstances avec pas mal de reports ou d’annulations, ce qui n’a rien facilité. Mais je suis content de cette année pour une tout autre raison, c’est que je me suis fait opérer en Espagne des cervicales. Je ne le disais pas trop, mais je souffrais beaucoup, avec en prime, les derniers temps, des pertes d’équilibre ! L’année dernière, j’ai passé une année très compliquée sur le plan physique et suite à cette opération dans un hôpital madrilène du Dr Eduardo Hevia qui emploie des techniques novatrices, je n’ai même pas eu besoin de rééducation et très rapidement, je n’ai plus ressenti de douleurs ! J’en étais arrivé à un point où j’avais sans arrêt des tendinites avec fortes douleurs dans les bras et pertes d’équilibre, et sans cette opération, il y a des gestes que je n’aurais plus pu faire car j’étais vraiment très limité dans mes mouvements. A la fin, je n’allais même plus faire de footing car sinon, le soir, j’étais complètement bloqué, et depuis que je me suis fait opérer, ça a complètement changé ma vie ! D’ailleurs, avec les tentaderos auxquels je participe, je ressens une nette amélioration. J’ai l’impression de redécouvrir mon corps et de mieux toréer ! Etant donné que le mal s’aggravait à cause de vertèbres qui progressivement auraient entrainé des lésions irréversibles de la moelle épinière, si comme c’est le cas de le dire je n’avais pas pris le toro par les cornes, j’aurais pu connaitre le pire, à savoir... la chaise roulante ! Pour la petite histoire, le chirurgien m’avait conseillé de bouger, marcher, et pour la petite histoire, 48h après, tout était redevenu normal et je pouvais faire dix kilomètres en marchant ! Voilà pourquoi, indépendamment des contraintes liées à la pandémie, cette intervention a été le plus beau des cadeaux que l’on pouvait me faire pour mes vingt ans d’alternative !!!

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Au sujet encore de ces vingt dernières années, sans vouloir trop détailler, je peux franchement révéler que je n’ai pas l’impression que vingt ans se soient écoulés, à peine la moitié ! Tout passe très vite et même s’il y a eu des moments très difficiles et des années où j’ai trop peu toréé, je ne regrette rien et si c’était à refaire, je le referais ! J’ai donc encore l’ambition de poursuivre tant que j’aurai la même envie et que mes facultés physiques me le permettront... Je vais donc prospecter pour l’année prochaine en partant du principe que les choses vont encore s’améliorer et si les conditions le permettent, je vais aussi essayer d’aller en Amérique du Sud l’hiver prochain.

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Concernant mon activité d’assureur, la pandémie a changé beaucoup de choses, d’autant plus qu’à 70%, je fais de l’événementiel, concerts, corridas, en France comme en Espagne... Evidemment, de ce côté-là, c’est une année noire. Il y a eu beaucoup d’annulations et de choses qui ne se sont pas faites. En effet, mis à part le fait qu’il n’y a pratiquement pas de spectacles taurins, 95% des fêtes de villages sont annulées ! A l’heure actuelle, il n’y a pas de compagnie qui dédommage par rapport à la pandémie. Cela dit, en France, un regroupement de quelques organisateurs de concerts s’est retourné contre quelques compagnies. Une procédure est en cours, mais on ignore pour le moment ce qu’elle va donner car elle n’a pas été encore jugée. Il y a eu aussi le problème des pertes d’exploitation pour certains commerces, avec parfois des clauses prêtant à diverses interprétations laissant libre cours à des discussions. Il y a aussi un projet de mise en œuvre d’une notion de catastrophe exceptionnelle, au cas où des choses similaires se passeraient un jour, mais ce n’est qu’en état de projet. Concrètement, aujourd’hui, de la part des compagnies, il n’y a rien ! Après, il peut y avoir du coup par coup, mais par exemple, les organisateurs nous demandent s’ils seraient couverts au cas où leur manifestation ne pouvait pas se faire au dernier moment. Et je suis obligé de répondre par la négative, ce qui explique aussi l’incertitude qui règne dans un climat actuel qu’il est bien difficile de clarifier... »

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De cette période trouble, souhaitons à Marc, comme cadeau d’anniversaire, faute de mieux, que les menus projets qu’il a évoqués trouvent une issue favorable... Suerte !

(Suivront dans les jours prochains des entrevistas de Dominique Cuillé, Clemente et Rafi...)