Jeudi 28 Mars 2024
DIVAGATIONS DE PATRICE
Mercredi, 23 Septembre 2020

cc23h

Christian Chalvet, lo notaire de los toros...

Après Henri Capdeville, celui de St-Sever dont je vous ai parlé, le second des deux notaires* que j’ai eu l’occasion de rencontrer dans le monde des toros s’appelle Christian Chalvet, celui de Nîmes of course.

Nîmois de chez Nîmois, Christian, contrairement à son confrère Henri, n’a pas de moustaches rousses et  même si, comme le veut la tradition professionnelle, il porte avec élégance la rondeur d’un tout petit ventrou, il ne porte pas - du moins à ce jour -  de sombrero cordobés de ala ancha quand il va aux arènes ou aux Costières.

Christian est un homme de catégorie.

En respectant tout autant les parpaillots de Valleraugue que les cathos de Ste Perpétue, établissant ainsi un ligazón fait de l’acier des épées de Luna entre le Jean Cavalier de Ribautes les Tavernes et le père Jacques Teissier, en aimant aussi bien les bédigues de l’Aigoual que les tellines du Grau du Roi, en sachant aussi facilement répondre à la déclaration de commande d’un abonné des premières B qu’à un inconditionnel farouche du Montpellier HFC, remettant en cause la prisée de Rachid Alioui, Christian manifeste une rare communauté de biens avec ses origines.

Et en plus, quand il vient l’occasion d’en péguer une ou deux à une vache, il n’est pas le dernier à sortir du burladero.

Ses origines fondent ses sentiments :

Forts comme le soleil d’onze heures un matin de novillada, généreux comme  une procédure collective, humains comme la poignée de main d’un vigneron,  profonds comme un pecho de Loré et claquants comme une prédiction de Casas ou un razet de Chomel, ceux-ci n’ont jamais le caractère médiocre d’une pension compensatoire.

Christian parle au bègue, court avec le cul de jatte, sourit à l’édenté, sa seule quotité disponible étant celle du cœur qu’il ouvre à ses amis.

Jetant aux orties sa fonction passée de Président de la Commission Extra-Municipale de Tauromachie et ne la  portant pas en vanité à la boutonnière, Christian parle avec l’accent, celui qu’aucune soulte langagière ne pourra jamais compenser, celui qui, lorsque je reviens à Nîmes, me scotche de bonheur et me mets les larmes aux yeux.

Dans cette langue qui est la nôtre et qui était peut-être celle des troubadours, Christian se souvient, Christian évoque, Christian raconte.

Plus que des histoires de ballon, de toros ou de bious, Christian dit en nue-propriété des histoires de vie.

Vie gourmande et sans mandat léguée par son père, qu’il savoure avec ses filles et qu’il partage passionnément avec son ami, su hermano Juan José, de Jerez.

«  L’amitié est une vertu » écrivait Camus.

Cette phrase prend vraiment sens d’un nantissement quand Christian montre les photos de l’enfance de son ami, celles de l’époque de panadero, celles des débuts près d’Algesiras, celles des capeas de mala muerte dans des villages peuplés d’idiots, quand Christian dit les voyages ou le planning d’une saison qu’il fait imprimer et qu’il adresse à ceux qu’il aime, quand il  raconte la cuadrilla "Montoliu", "Alventus" "Mambrú", Daniel Duarte Rodríguez, "Miguelete" et Juan Muñoz, quand il rappelle la cornada bataillesque de Saragosse, les banderilles noires du « Diano » de Palha en 2006 à Nîmes, le macho offert le jour de la porte du Prince à Séville ou celle de la chambre où s’habille Juan José à « L’Impé » et pour laquelle Christian se porte naturellement acquéreur.

Chalvet, c’est Padilla dont Christian a l’affection intangible verrouillée de scellés et Padilla, c’est Chalvet dont Juan José  a l’attachement en  séquestre.

Cette ferveur dans la relation d’homme à homme va encore plus loin que l’obligation dite dans les actes notariés et, en ce sens, a valeur morale.

Peut-être, certaines fines bouches, collectionneurs de timbres ou de bonzaïs et pisse vinaigre en smoking de tertulias en forme de rodomontades se gausseront de cette belle chose.

Laissons-les donc aller aux planches.

« Je crois qu'il faut presque toujours un coup de folie pour bâtir un destin », disait Marguerite Yourcenar.

Voilà Christian Chalvet.

Rouge et vert  en la calle et rouge et blanc au Costières.

Un Nimeño.

De pura sepa.

*PS : Ce qui pour autant ne veut pas dire que dans le monde des toros, il n’en existe pas d’autres de notaires; claro qu’il en existe d’autres mais, ceux là, peuchère, je ne les connais pas assez pour pouvoir en parler.

Néanmoins, pour la bonne règle et par respectueuse courtoisie, il convient de citer :

Tras los montes :

-         Luis Bollain, ami intime du « Pasmo de Triana ».

Mais aussi et de l’autre côté:

-         Joël Bartolotti, de Bellegarde, torista et gallista qui fut oncques et pour un temps, directeur de « Toros » ;

-         Jean-Pierre Cuillé, de Générac, « pelot » de la ganadería et manade éponyme à la devise vert et blanc ; titulaire de sept Bious d’Or, JPC occupe  la troisième marche derrière Henri Laurent et Jean Lafont sur le podium de cette Champion’s League de Camargue...

Patrice Quiot