Jeudi 28 Mars 2024
DIVAGATIONS DE PATRICE

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Michel Eyquem de Montaigne : Profilages nimeños...

« Excusez-moi, mon colonel, mais, vous savez, une brute, ça rit d'un rien, un missile qui passe, un champignon qui monte dans le ciel, le temple d'Angkor au-dessus de Billancourt... J'me marre de tout, j'ai des goûts simples ! »   (Michel Audiard - « Les Barbouzes »)

« Que l’amitié est un douce chose ! » me rappelait justement mon compère Michel de Montaigne, il y a deux semaines, sur le coup de 21h, en entamant son troisième Ricard...

Il venait de Nîmes où il avait rencontré Simon pour lui filer un coup de main sur l’épistémologie de la  prochaine DSP afférente à la prise en gestion des arènes de Mus et rentrait sur Bordeaux dans la Portaro 320 Campina collector de 1976 qui avait été le premier coche de cuadrilla de Victor Mendes et que lui avait prêtée Paulo Sousa, le coach des Girondins avec lequel il est bon collègue.

Passant pas loin de la maison, il avait tenu à me faire un petit coucou après avoir déposé au Formule 1 de Sarlat son copain Etienne de La Boétie « Toinou » avec lequel il vit gourbi.

Ça faisait longtemps que je ne l’avais pas vu le MdM. Il croyait se rappeler que notre dernière rencontre remontait à juillet 1551.

469 ans… Déjà !! Mon Dieu, ma pauvre dame, comme le temps passe vite !

« C’était à la bodega « Los Arsouillos » de Mont de Marsan à l’occasion des Fêtes de la Madeleine », me précisa-t-il.

Il se souvenait même que ce soir-là, j’avais mangé un magret grillé et que lui portait un béret basque.

Il n’a pas trop changé Pépère en 469 ans, un peu vieilli certes, mais toujours fidèle à ses pratiques littéraires, philosophiques et autres.

Lui, MdM, il aime deux choses : La philosophie et l’analyse psychologique des gens. Alors, quand il a su qu’il devait aller à Nîmes pour le boulot avec Simonet, il n’a pas hésité, sachant qu’il ne pourrait pas trouver meilleur terrain d’exercice pour tester ses talents de profileur, d’autant plus que mêlant l’utile à l’agréable, il avait repéré dans « L’écho du Vidourle » un séminaire organisé par Pascal Martin - qui tient commerce de bouche rue Poise -  sur le thème : « Récurrence ou ellipse de la liaison au sang dans la composition de la gardianne ».

Sa bonne éducation aidant, MdM m’avait apporté un confit de poule et une bouteille de « Calon Ségur » 1587 que nous avons bue ensemble pour fêter avec un petit peu de retard son anniversaire qui échoit le 28 février.

Il est brave ce Bordelais !

Peuchère, il n‘avait pas pu arriver à temps pour le haricot-couennes de midi que je lui avais concocté parce que, partie très tôt de Nîmes, la Portaro avait eu un problème de carburation vers Lagrasse (11220), à côté de la piaule de J.M Mariou qui n’était pas à sa maison pour la dépanner, pas plus que Robert Margé n’était aux « Monteilles » et encore moins Ermengarde à Narbonne dans la mesure où elle est décédée en 1192. Alors, le temps de commander la pièce à Lisbonne, de la recevoir et de la monter...

Comme quoi et comme on dit : « A force de ranconner, avec un bonne heure, tu fais un  tard ! »

Enfin, ce n’est pas grave car, faisant peu de cas des emmerdes advenus à la caisse portugaise, le MdM m’a affirmé qu’en baroulant dans la ville des Antonin et en y faisant moult et moult rencontres, il avait compris en matière de psychologie de ses habitants des choses qu’il n’aurait jamais comprises s’il n’y était pas allé.

Alors, comme il a oublié d’être naze, le Bordelais, je lui ai, of course, demandé de me dire lesquelles.

Tout d’abord, il m’a avoué avoir été troublé par Simon qui le reçut con mascarilla de categoría por la cara dans son bureau directorial de la rue de la Violette et à propos duquel il me confia : « l'on trouve autant de différence de lui à moi que de nous à autrui ! ». Je n’ai pas tout à fait saisi le sens du propos, mais je crois qu’il a voulu me faire entendre que si, lui, aurait été dans l’impossibilité de programmer fois José Tomás pour les Vendanges - ce qui fut suspendido because la rougne - , de la même façon, Simon aurait été inapte à être élu deux fois maire de Bordeaux, me laissant entendre également que Simon et lui ont en commun le fait que leur dialectique sur la nature de ce que doit être un spectacle soit contestée par tous les tendidos 7 de l’intégrisme et que leur langage sur l’art soit inintelligible pour les manards de la source Perrier ou ceux de Dassault-Aviation de Mérignac.

En sortant du burlingue de Simon, notre Bordelais me conta avoir croisé Vincent Bouget rue Jean Reboul devant la maison où naquit Jean Paulhan et me confessa qu’ensemble, ils avaient évoqué « le désordre des consciences" et étaient convenus de « la pensée de s’accorder avec le peuple et cette classe d’hommes qui a besoin de notre aide ».

Ma foi ! comme disait Hubert Yonnet.

Ensuite, en attaquant le cinquième Ricard, il fit allusion au fantôme de l’oncle de Marcos rencontré aux Halles à la recherche des oreilles d’alternative du neveu: « La grandeur de l'âme tient pour grand tout ce qui est assez et montre sa hauteur à aimer mieux les choses moyennes que les éminentes ».

C’est vrai qu’il parle bien le MdM ; certes, un peu moins bien que Ruth Elkrieff, Nelson Monfort ou l’ayuda de mozo d’espadas de Miguel Ángel Perera, mais quand même…

Je pense qu’il voulait simplement dire au fantôme que la prestation  du neveu le 19 septembre dernier ne l’avait pas  laissé tout ébaubi.

Cependant, quand j’ai  informé le philosophe que ce pauvre fantôme avait dépensé beaucoup de sous pour aider le sobrino et que maintenant, il n’avait même plus de bagnole pour circuler sur les routes du ciel des ganaderos et que son confrère Juan Pedro se moquait de lui, tu sais ce qu’il m’a proposé MdM ?   De convaincre Paulo Sousa de vendre la Portaro 320 Campina pour  la remplacer par une Renault « Zoé » et de remettre le solde au fantôme sous réserve d’une clause qui, consignée dans un acte notarié enregistré par Christian Chalvet, stipulerait que le produit de l’opération ne devrait surtout pas financer Toñete ou le « Terres Taurines » de celui de Mirande.

Tu te rends compte s’il est brave ce Bordelais.

Pour Antonio Lorca, qui buvait un café con leche chez Titi au Bar de la Mairie, il fit court : « Le silence et la modestie sont qualités très commodes à la conversation. »

Personnellement, je ne vois pas ce qu’il a voulu me faire  entendre... Peut-être la propension du periodista ibère à écrire des méchancetés sur le public nîmois, non ?

Chemin faisant, dans la rue des Marchands, il croisa Léa qui promenait ses vingt chevaux de toreo. « Usque non ascenderat », ce qui, traduit en langue vulgaire, signifie : Jusqu’où n’ira-t-elle pas ?, proféra-t-il en prenant une grosse poignée de chips « Vico ».

Il n’a pas tort.

Evoquant la parité dans la critique tauromachique et à propos de Julie Zaoui qui attendait le bus de la ligne T1 Gambetta/Coupole à l’arrêt Esplanade/Feuchères, le philosophe en collerette se crut permis de proférer la  grosse connerie suivante : «La plus utile et honorable science et occupation à une femme, c'est la science du ménage» ; quant à Françoise Dumas qui était avec la Julie, MdM commenta ses interventions quotidiennes sur Facebook d’un « Il est plus facile d'écrire un mauvais poème que d'en comprendre un bon ! »

Ma foi ! comme disait Hubert Yonnet.

Dans son périple nimeño, il croisa d’autres collègues nôtres et, bien sûr, il ne put s’empêcher de les associer à ses commentaires ; c’est ainsi qu’il reseña Eddie Pons d’un « Et, le vuide tout au tour, il le remplit de crotesques, qui sont peintures fantasques, n’ayant grâce qu’en la varieté et estrangeté » et  D.J Valade  d’un « Le monde n’est qu’une branloire perenne. Toutes choses y branlent sans cesse : la terre, les rochers du Caucase, les pyramides d’Ægypte, et du branle public et du leur. »   Ce n’est pas d’la balle ça, Eddie ? Ce n’est pas d’la balle ça, Daniel ?

Quant à Claude Viallat, il eut ces mots désormais inscrits au frontispice du  catalogue raisonné du MOMA de l’artiste nîmois  « C’estoyent des pensemens vains, en nuë, qui estoyent esmeuz par les sens des yeux; ce que l’ame y prestoit, c’estoit en songe, touchée bien legierement, et comme lechée seulement et arrosée par la molle impression des sens. ».

Vous connaissez beaucoup de gens qui parlent de cette façon des éponges de l’ami Claude ?

Un peu plus tard, après le huitième jaune, il commenta ainsi le récati qu’il s’était fait au « Wine Bar » de Michel Hermet : « C’est indécence de manger goulûment comme je fais : je mords ma langue et mes doigts de hâtivité. »

Plus tard encore, en revenant des lavatories les larmes aux yeux, il me confessa son goût pour le ballon en ces mots: « Ab immo pectore, vive « El Ripartito », vive Jérôme Arpinon, vive Nîmes Olympique !!!»

Et il continua, et il continua, et il continua... Putain,  il ne s’arrêtait plus ! Il est  trop grave, le MdM : il a fumé toutes mes clopes, a voulu essayer ma prothèse et mes lunettes, s’est gavé de picholines et m’a demandé de lui repasser cinq fois la faena de la chaise de Morante.

Il partit se coucher vers 01h15 de la mañana, Pépère, avec onze Ricard  dans le coco, 2,8 grammes dans le sang et empégué comme un tourdre !

J’espère qu’il n’a pas bugné la Portaro 320 Campina collector de 1976 dans les panneaux de signalisation de l’EDF qui étaient masqués par le noyer contre lequel pisse ma chienne Luna.

En allant au lit et me disant que quand même j’avais de la chance d’avoir un collègue de ce calibre, j’essayais de comprendre ce qu’il avait voulu me faire comprendre.

Il m’a fallu deux heures et quatre « Doliprane », mais j’en ai conclu qu’avec ses phrases compliquées, MdM m’avait tout simplement dit qu’à Nîmes, il s’était bardé et que malgré le caractère singulier de ses autochtones, il avait adoré leur race, leur liberté, leur élégance, leur goût de vivre et leur attachement aux  valeurs de leur ville.

Ça ne m’a pas vraiment étonné.

PS : Té, vé, à tout hasard, je vous communique la photo du passeport de MdM.

Il l’a laissée tomber en sortant de chez moi, ce bourricot. Il n’a pas de portable ou d’adresse mail, mais si vous la lui renvoyez sous couvert de Zocato ou de Pierre Henri Ardonceau qui habitent pas bien loin de Bordeaux, pas de blême, ils feront suivre...

Patrice Quiot