Vendredi 29 Mars 2024
DIVAGATIONS DE PATRICE

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Habillage : Il me faut une heure et vingt-cinq minutes. Más o menos...

Et je n’aime pas être pressé pour le faire.

Ça commence par une mentalisation sur ce que sera le vestido.

Le choix de celui retenu dépendra bien évidemment des circonstances, de l’endroit où je dois aller ou des personnes que je dois rencontrer.

Cependant, et quelle que soit la situation, le postulat de base des fringues retenues lors du sorteo dans le placard demeurera identique et devra se fonder  sur une contradiction :

Retenue rassurante et décalage troublant.

Avec une légère entrave au bon goût, un hiatus, un solécisme, un petit truc, l’ajout d’un détail, une petite connerie qui donnera vie à la chose.

Comme un clin d’œil de la comtesse de Ségur au Marquis de Sade,  comme Diego Velásquez revisité par Bansky ou un quite de Morante à Paco Senda.

Ça a toujours été comme ça et comme ça toujours sera.

Ceci étant irrévocablement posé, vient la mise en scène du juego de vestirse.

Elle relèvera d’une précision suisse et d’une rigueur bouddhique.

Je n’ai malheureusement pas de valet d’épées pour organiser le lit qui  fait office de silla.

Aussi, ainsi va et ainsi ira la chose.

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Ad vitam aeternam...

Sur le plumard :   -   En bas et à gauche : caleçon y calcetines généralement de la même couleur; ceinture alignée et pañuelo doblado au-dessus.

-   Au milieu : pantalon et camisa planchada ou pull repassé au-dessus ;

-    A droite : l’endroit où plus tard je m’assiérai pour me vêtir pour paraître.

Sur una percha : la veste sans le moindre pli avec la pochette qui va bien ou le blouson de cuero en hiver et de algondón ou de lino en été.   Au sol :   -   A gauche : ma jambe de fer dont le verrouillage est systématiquement vérifié.

-   A droite : les zapatos préalablement cirés et lustrés.

Sur la table de nuit : le móvil en charge, le pétun, le cenicero et le briquet.

Cigarette, regard sur le réveil, examen des mails ou SMS du téléphone.

Tranquilo, Quiot, no pasa na’.

Je peux me diriger vers le cuarto de baño préalablement chauffé en hiver et aéré en été.

A gauche : la douche avec la pastilla de jabón et le guante de baño, la serviette en bouclettes à portée de main et les chaussons pour éviter les glissades fatales aux boiteux à portée de pieds.

Sur le lavabo :   -     A gauche : brosse à dents, dentifrice et rasoir mécanique.

-     Au milieu : mousse à raser de marque « Nivea peaux sensibles » en bombe.

-    A droite : pince à épiler pour poils folâtres, ciseaux pour rectification des quelques cheveux qui poussent encore sur ma tronche séculaire, coupe-ongle de deux tailles différentes, lime à ongles neuve et en carton à deux faces de ponçage l’une grise, l’autre rouge et trousse de toilette dans laquelle tout cet impedimenta sera rangé après utilisation avant remisage dans le placard à double battant sous le lavabo susnommé.

A gauche, sur une petite armoire en résine noire:

-    Le kit de recharge des appareils auditifs pour esgourdes vieillissantes ; le déodorant « Nivea Men /Pure invisible », le soin hydratant de la même maison à l’aloie verra marqué « Confort » et la Colonia «Habit Rouge» de Guerlain au prix de 74€ le flacon de 50ml (18 fl.oz).   Au sol :

-    Poubelle de salle de bain qui recevra les  exsudats ménagers ;

-    Sopalin double épaisseur, éponge de ménage de type «Spontex» et produit de nettoyage spécial salle de bains.

La douche avec double savonnage et rinçage à basse température prise, le rasage terminé, les poils folâtres réduits, le visage hydraté et le lavabo et le sol carrelé exempts de toute souillure, retour  dans la chambre pour m’y vêtir de calle.

Regard  interrogateur au réveil.

C’est bon, on est dans les temps.

Et le vent s’est calmé.

Calcetines de primero, caleçon de secundo y pierna de hierro de tercero.

Taleguilla et ceinture bien arregladas, souliers lacés avant dernier coup de lustrage à la brosse en poil  de jabalí, verrouillage de la jambe de fer validé, chemise et veste enfilées.

On avait dit une heure vingt-cinq, non ?

Il reste dix minutes.

Retour au cuarto de baño pour vaporisation de perfume bueno et vérification de l’ensemble.

Remise en place du dessus de lit légèrement froissé, tabac et portable en la bolsa, regard circulaire sur le monde des choses matérielles et dernière dévotion au bouquin de Yourcenar qui attend sur ma table de chevet.

Je quitte la habitación mía laissant l’ordinateur allumé en guise d’image pieuse et descends l’escalier vers le coche qui m’attend.

Sur le bras, la poubelle de salle de bain en guise de capote de paseo...

Patrice Quiot