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DIVAGATIONS DE PATRICE
Jeudi, 24 Décembre 2020

maïs23ph

Mon copain Maïs...

 

Moins ancienne que celle de Louis Aliot et de Marine Le Pen ou de «Manolete» et Cámara, mais pas aussi actuelle que celle de Marion Rousse et de Julian Alaphilippe ou de Talavante et José Miguel Arroyo «Joselito», c’est ce qu’on peut appeler une relation récente.

Une connaissance de trois ou quatre ans à peine, rencontrée au fil de mes promenades en Dordogne.

Avant, je ne savais rien de lui.

Maintenant, c’est un compañero et je commence à suffisamment le connaître pour en parler un peu.

Tout d’abord, son patronyme.

Le nom avec cet imbécile de tréma sur le i pourrait laisser croire qu’il est suédois ou islandais, mais il n’en est rien, sachant cependant qu’avec  l’origine des noms il faut faire attention car on se trompe vite.

La preuve, c’est que François Hollande n’est pas né au pays de l’Edam, qu’Albert Londres ou Jack London ne sont ni l’un ni l’autre originaires de la ville éponyme qui fut celle de Jack l’Eventreur, que George Washington est originaire de Virginie, Rosa Luxembourg de Zamoskt, Andrés Segovia de Linares et Francis Marmande de Bayonne !

Quant à Eddie Constantine, il ne vient nullement de la ville qui eut le privilège de ma naissance et de celle d’Enrico Macias.

A l’inverse, dans ce domaine, aucune hésitation pour le pays dans lequel Charles De Gaulle a ouvert les yeux et pour la ville où est née Carmen Sevilla.

En fait, comme les toreros Sidney Franklin, John Fulton, Robert Ryan ou «El Texano», il est de souche américaine le nom de mon compañero Maïs.

Un matin, dans la combe de l’Aurival, il m’a raconté son histoire :

Ses ancêtres, originaires d’Amérique centrale, d’Amérique du Sud et d'Amérique du Nord y habitaient bien avant l'arrivée de Christophe Colomb, de Carlos Arruza, de Rodolfo Rodríguez «El Pana», du bagel, des spare-ribs et de cet idiot de Leonardo di Caprio.

Introduit en Europe au XVIe siècle, ce nom viendrait de l’espagnol maíz, emprunté lui-même à la langue des Taínos de Haïti qui est un peu celle que Jean-Michel Basquiat faisait revivre sur ses toiles.

Donc, une origine aristocratique on ne peut plus établie et attestée par les dix chromosomes de sa génétique.

A cinquante chromosomes y pico près, comme les Miura.

Pourtant, on confond souvent son nom avec le patronyme bien français de Mais ou de ses dérivés (Mage, Maze, Mazeau… Mazauric ? Quien sabe ? …) qui, lui, viendrait du latin magis et voudrait dire «plus» ou «plutôt», enfin, on ne sait pas trop.

Sans parler de la banalité de son extraction et de sa signification douteuse, le nom de Mais qui ne jouit à l’évidence d’aucun sang bleu dans son ascendance ne devrait pas à ce motif engendrer la moindre confusion de genre dans l’esprit de ceux qui l’utilisent, m’expliquait à juste titre mon copain Maïs, ce matin-là, dans la combe de l’Aurival.

Il est vrai que, lorsqu’on s’intéresse à la sociologie de l’onomastique, on constate que  les deux noms marquent pourtant bien des différences.

Par exemple, dans ce qu’on appelle les convenances.

En la matière on remarquera que ce parvenu de Mais indique souvent une opposition, une exception, une différence, genre Karim Benzema qui, se comparant à Olivier Giroud, dit : «Mais, oh, il ne faut pas confondre la F1 avec le karting ! » ou genre José Antonio Del Moral qui affirme : « Mais, sachez bien que El Chihuaha n’est pas Morante ! », alors que mon Maïs se situe davantage dans le consensus doux du vert  tendre cher à Véronèse et à Curro.

De la même façon, on constatera que ce roturier de Mais veut, la plupart du temps, rendre raison de quelque chose, genre intégriste de l’ANDA : « Mais pourquoi ce novillo de Jandilla lidié à Mugron n’a-t-il pas pris les trois puyazos réglementaires ? » alors que le gentil Maïs ne tirera jamais avantage de sa grande taille pour chercher des crosses à un bonzaï.

Souvent encore, vous remarquerez que ce manant de Mais introduit une restriction dans le propos, genre  « Je n’oublie jamais un visage, mais pour vous je ferai une exception » comme aurait pu dire Jean Lafont à Alice Sapritch, alors que mon pote Maïs a le bon goût de ne pas être trop sélectif dans le choix de ceux qui s’intéressent à lui, sauf si un de ceux-ci s’appelle Monsanto.

En outre, dans la conversation, ce prétentieux de Mais veut toujours se situer au commencement et est assez fier d’avoir quelque rapport à ce qui a précédé, comme ce fut le cas du  « Mais vous avez tout à fait raison, Monsieur le Premier ministre ! » du 28 avril 1988, ou du « Mais ce n’est pas parce que Paloma, qui elle n’a pas indulté cinquante toros, me le demande que je vais lui faire tomber la pension compensatoire ! »  de Enrique, ce qui n’est pas le cas de mon good friend Maïs qui n’a cure de sa place dans la hiérarchie végétale ou de son lien avec son origine.

Enfin, ce goujat de Mais manque totalement d’élégance et de savoir vivre dans son habitude à vouloir systématiquement servir de transition pour revenir à un sujet qu’on avait laissé ou simplement pour quitter de façon impromptue le sujet dont on parle, genre Frank Ribery au sujet du choc des cultures arabes et chrétiennes : «Mais moi, putain c’qui m’choque grave de chez grave, c’est la gauche qu’elle zappe le foot au profit de l’éducation» dans « Entretiens bavarois avec  BHL »/Editions Au Diable Vauvert/ collection particulière du docteur JP Crudo/ex libris de René Chavanieu, ce qui  n’est  pas du tout dans les manières de faire de mon petit Maïs qui s’accommode de presque tout, à l’exception de la bourride d’encornets servie sur la Place du Marché un samedi de Féria.

Bon, vous avez compris.

Restons-en là pour ce domaine et la noblesse insigne du nom de mon amigo.

N’en restons pas vraiment là et continuons un peu dans le registre de l’histoire sociale.

Car, malgré ses origines aristocratiques, mon tovaritch Maïs est, à l’image de Domingo Dominguín ou de José Luis Parada, politiquement ancré du coté qui va bien.

Voulant se tenir à l’écart de sordides spéculation sur ses cours et rester loin des marchés financiers, il s’inscrit  comme un résistant  farouche aux multinationales qui veulent le réduire en touchant à sa génétique.

C’est l’Álvaro Domecq Díez du végétal !

Ecologiste d’un autre corte que Barbara Pompili, sa soif gargantuesque est digne d’Ernest le barbu ou d’un pébron des «Caves Ste Eugénie».

C’est le Bukowski des tendidos de sol de Pampelune.

Cosmopolite comme un chiste d’Antoine Martin, œcuménique comme une blague de Piles et universel comme ne le sera jamais Marcos, mon bon, Maïs est invincible car près du peuple.

Ses galettes nourrissent les déshérités d’Amérique centrale, ses dérivés les bantous du Gabon, du Soudan, de la Namibie et les falashas d’Ethiopie, ses grains, les poules du mazet, les canards de la grand-mère du «Pato» de Tyrosse, les vaches de Paimpol et les landais de Tartas.

Sa distillation qui aide les chômeurs à vivre leur détresse, embaume les landes écossaises de Laphroaig ou de Bowmore, les prairies irlandaises de Galway, les immensités du Kentucky et emplissait les vasos tuba de Manolito González.

Ami des bisons d’Amérique et des toros de la marisma, opposant aux curés catholiques anglais et à la FNSEA, frère nourricier des Roms du campement de Caissargues, des gitans de la Placette et des indiens d’Amazonie, compagnon de route de José Bové sous la bannière « Géant Vert », militant des Black Muslims de Malcom X, du front anti Podemos de Calatrava de Arzobispo et dévot de la Hermandad «Cristo del Maiz y Aguacate» de Bolullos de la Mitación, sa générosité productive que chantaient les tribus de Cochise, réjouit le vaquero en sombrero cordobés de ala ancha et ses tiges amoureuses se nouent autour du front de Pasiphaé.

Zapata en avait fait sa bannière, Rousseau écrit avoir dormi un soir dans un de ses champs, Georges Marchais l’invita pour accompagner les merguez de la fête de « L’Huma » l’année de l’assassinat du «Che», les  milliers de codornices de la finca «La Cobatilla» de José Murube s’abritent dans son ombre, le millas enchante les fins de repas périgourdins, ses galletas réjouissaient Anderson Murillo et la polenta te couffle comme un beignet !

Ses épis sont des totems de Puerta Grande, ses racines courent jusqu’au Guadalquivir aux étoiles et sa vie chante une siguiriya d’espérance dont les paroles ne s’étoufferont jamais dans le balancier de la faux.

Aussi, amis de mon cœur, lorsque vous viendrez me faire coucou dans mon trou et quand vous passerez dans la combe de  l’Aurival, si vous apercevez mon compère en train de rêver au soleil, ne manquez pas de le saluer pour moi.

Il vous en sera reconnaissant et, en un abrazo de cuerpo abierto, vous serrera dans ses feuilles...

Patrice Quiot